Des dessins originaux de Franquin, Peyo et Roba cachés sous... du papier-peint! (photos)
Arts visuels
Depuis plus de cinquante ans, des dessins signés Franquin, Roba, Peyo, MiTacq ou encore Hubinon sommeillaient en plein centre de Bruxelles sous quelques couches de papier-peint, dans un lieu pour le moins inattendu. Griffonnés sur les murs intérieurs d’un appartement de la Galerie du Centre, ils ont été découverts à l’occasion de travaux de rénovation dans les locaux qu’occupe désormais le Syndicat libre de la fonction publique (SLFP). Au total, une douzaine de personnages réalisés par quelques-uns des plus grands noms de la BD belge sur un mur d’à peine quelques mètres carrés.
"Prière de ne plus dessiner sur ce mur"
La découverte a eu lieu fin 2013, mais on n’en a pris connaissance que maintenant. A l’époque, des ouvriers sont chargés de rénover les pièces qui abriteront les futurs bureaux du syndicat. Ils détapissent à tour de bras jusqu’à ce qu’ils tombent, sous cinq couches de papier-peint, sur des dessins. Certains ont été abîmés pendant l’opération, mais d’autres se dévoilent intacts.
On y voit la tête de Buck Danny, celle de Pirlouit, le trait caractéristique des premières esquisses de Gaston Lagaffe, l’antihéros par excellence, du Marsupilami ou encore de Tapir Affamé de la Patrouille des Castors. Autant de personnages emblématiques représentés sur le papier-peint délicieusement rétro de l’époque. A côté de la signature de Franquin, une date. 1958. C’est probablement à cette époque que les cadors de la BD belge se sont amusés sur ce pan de mur. Une activité qui n’était manifestement pas du goût de tout le monde puisqu’on peut aussi y lire en grand la sommation suivante : "Prière de ne plus dessiner sur ce mur svp." Hormis les dessins endommagés lors des travaux, l’ensemble présente un excellent état de conservation et les ouvriers s’empressent de prévenir la direction des lieux de leur trouvaille.
Georges Troisfontaines
Pourquoi ces dessins figurent-ils sur les murs de ces locaux dans la Galerie du Centre ? Tout tourne autour d’une personnalité décédée en 2007 : Georges Troisfontaines.
Personnage clé dans le monde de la bande dessinée francophone, c’est à lui qu’appartenaient ces bureaux avant qu’ils soient acquis par le SLFP. A la fin des années 40, il y avait installé la World Press, une agence de distribution qu’il avait fondée. Elle fournissait des bandes dessinées à différentes publications dont Spirou. Parmi les employés de cette dernière figuraient notamment Jean Graton (Michel Vaillant), l’incontournable Jijé (pilier du journal Spirou), Victor Hubinon (avec qui il va créer le personnage de Buck Danny) ou encore Eddy Paape (Jean Valary, Marc Dacier, etc.). Dénicheur de talents hors pair, Georges Troisfontaines est aussi à l’origine du rapprochement d’un tandem mythique de la BD. C’est à la World Press que René Goscinny et Albert Uderzo se sont rencontrés. On connaît la suite : la formidable saga Astérix.
Accessible au public ?
Conscient de détenir une tranche de patrimoine national et culturel entre ses mains, le syndicat s’est adressé au Centre belge de la bande dessinée pour savoir quoi faire. Faute de moyens suffisants pour pouvoir agir, l’institution s’est déclarée dans l’incapacité de faire quoi que ce soit à part distiller de bons conseils pour la préservation des dessins. Quant aux éditions Dupuis contactées par courrier, elles n’ont tout simplement pas donné suite.
Livré à lui-même, le SLFP a entamé des démarches - à ses frais (plusieurs milliers d’euros) - afin de préserver les œuvres découvertes. Une vitre avec un filtre anti-UV a été apposée à la fenêtre de la pièce. Un panneau protecteur transparent devrait suivre d’ici à la fin de l’année pour préserver le mur. Le syndicat n’exclut pas de rendre la pièce accessible au public. Pour ce faire, il envisage un partenariat ou un ticket combiné avec le cinéma Aventure, voisin de ses locaux.