tzynn a écrit:Je ne comprends toujours pas bien pourquoi opposer éditeurs et auteurs, alors que globalement à quelques pourcents près ils touchent la même chose. Hors on voit que le diffuseur se paie assez largement sur la bête mais personne n'en parle. Donc je pense que Sfar qui demande remise à plat général va dans le bon sens
1. je ne sais pas quelle en est la source, mais le graphique que tu proposes a des chiffres (12% auteur / 17% éditeur) qui sont assez éloignés de ce que l'on peut trouver sur
le site du Ministère de la Culture, par exemple: 8% auteur / 21% éditeur. La plupart des témoignages indiquent d'ailleurs que 12%, c'est uniquement quand on a un best-seller (sur le bon principe qu'on ne prête qu'aux riches -- Guillaume Musso étant l'exception la plus flagrante,
puisqu'il est à 20%).
2. la différence principale dans l'histoire, c'est que l'auteur se rémunère sur un livre, alors que l'éditeur mutualise les risques. En gros, si un éditeur sort dix livres de dix auteurs, et qu'il y en a un qui marche très bien et neuf qui se plantent, l'éditeur peut très bien s'en sortir. Du côté des auteurs, on en a neuf qui sont dans la mouise, et un qui s'en sort, mais qui récupère bien moins que l'éditeur.
3. l'évolution des pratiques, notamment en bande dessinée, s'est faite en direction d'un financement moindre de la création de la part des éditeurs. On est ainsi passé d'un paiement à la planche + droits d'auteurs à un système de forfait en avances sur droit (donc à rembourser). Boulet a donné des exemples sur twitter:
"Avant tu étais payé 15000€ pour un 46 pages, soudain on te proposait 8000 ou 10000 pour 150 ou 200 pages."On me dira "oh ben les auteurs sont idiots, pourquoi ont-ils accepté ça?" Eh bien tout simplement parce que c'était ça ou rien, du fait de la concertation des éditeurs autour de ce genre de pratique (cf. le lien que j'ai partagé la semaine dernière). Et qu'il ne faut pas oublier le rapport de domination très fort qui est en place lors de la négociation (avec, en prime, le phénomène que j'évoquais dans mon texte sur du9, à savoir le fait que les éditeurs sont convaincus que pour un auteur de perdu, dix de retrouvés, ce qui affaiblit encore plus la position de ces derniers).
4. dernier truc à prendre en compte également, la concentration verticale du côté des éditeurs, qui cumulent (pour certains) les postes d'éditeurs et de distributeur-diffuseur. C'est le cas pour les plus gros -- en bande dessinée, DDL (pour Dupuis-Dargaud-Le Lombard), DelSol (Delcourt-Soleil), Hachette, Editis (Fleuve Noir), etc. Et c'est accessoirement la partie de la chaîne du livre la plus rentable, puisqu'ils prennent de l'argent tant sur les flux allant vers la librairie que le retour vers l'entrepôt.