de JYB » 07/08/2014 21:34
J'interviens non pas pour donner mon avis sur la qualité du travail d'Yves Sente dans Blake & Mortimer, mais pour parler plus globalement des reprises de séries emblématiques, quelles qu'elles soient et quels que soient les repreneurs, donc sans citer personne. Et je le fais parce que j'ai lu ces derniers jours ou plutôt ces dernières heures, sur ce forum, des réflexions de lecteurs/internautes disant que tel scénario (d'une reprise) est moyen, mais que d'autres scénaristes et même le créateur originel de telle ou telle série, n'ont pas fait mieux.
Et pour me faciliter la tâche, je copie/colle ici un texte que j'ai déjà passé sur le forum Aéroplanète il y a un mois ou deux, et que j'avais rédigé et mis en ligne pour les mêmes raisons. Je l'ai juste un poil bidouillé à certains endroits, en fonction des précédents posts de BD Gest. C'est parti...
Une chose m'étonne beaucoup, dans les critiques que je lis un peu partout concernant les reprises (globalement, car mon discours est général) : je constate en effet que les lecteurs sont plus ou moins déçus par les reprises (en général ; ne me sortez pas les exceptions qui confirment la règle, car il y a forcément un ou des albums de reprises de telle ou telle série BD que tout le monde apprécie ; hélas, ce sont des cas relativement isolés). Or, il y a toujours quelqu'un pour plus ou moins défendre ces reprises plus ou moins décevantes en avançant l'idée que les créateurs des séries (les créateurs originels : JM Charlier dans le cas de Buck Danny, Tanguy, Barbe-Rouge, Blueberry, etc, ou Jacobs dans le cas de Blake & Mortimer, J Martin dans le cas d'Alix et Guy Lefranc, etc, la liste est longue) ont eu des hauts et des bas dans leur carrière, ont pu commettre des albums moyens ou "mal goupillés", etc. Ce raisonnement, il faudrait le rejeter catégoriquement. Pour deux raisons essentielles, que malheureusement, peu de gens ont à l'esprit (aussi bien les éditeurs concernés, que les ayants-droit, les auteurs repreneurs, et les lecteurs eux-mêmes ; ça en fait, du monde) :
1) les créateurs des séries, par le fait qu'ils les ont créées et que c'est leur "bébé", sont libres d'en faire ce qu'ils veulent. Y compris de rater une fois ou deux un scénario (car là, on parle surtout scénario, mise en scène des personnages, etc). On ne peut pas vraiment reprocher à des auteurs qui ont créé leurs propres séries, leurs propres personnages, de tâtonner à leurs débuts, ou d'avoir des baisses de régime quand, à leur époque, ils devaient assurer une production importante, tout en tenant à bout de bras leurs séries respectives et en défendant leur bout de gras, ou d'être moins performants l'âge venant. Pour toutes ces raisons, ils ont le DROIT de se planter. Dans le cas de reprises, on est dans un tout autre domaine, une toute autre optique, d'autres circonstances et une autre logique. En particulier parce que les séries reprises sont déjà bien installées, connaissent le succès depuis des décennies.
2) pourquoi comparer avec un (supposé) mauvais album, dû au créateur originel d'un série emblématique, ou dû à un autre scénariste d'une toute autre série d'ailleurs, pour défendre le travail d'un repreneur qui n'aurait pas brillé ? Il faut au contraire comparer avec les meilleurs albums de toute série ancienne, ou comparer avec les meilleurs albums d'autres reprises de séries célèbres, et dire aux repreneurs : "Voilà le modèle, tu n'as qu'une consigne : faire aussi bien !" Personne n'a l'air d'en tenir compte, mais c'est là l'essentiel : un repreneur devrait avoir pour consigne de produire des albums au moins aussi bons que les meilleurs de la série qu'il reprend, pas des (supposés) plus mauvais ! Ce qu'on appelle le nivellement par le bas : considérer qu'on peut rater un album, qu'on peut accepter un album raté, puisque précédemment, la série a eu aussi des albums ratés, ou parce que des confrères ont commis également des albums moyens... Bravo le raisonnement, bravo la déontologie !
Pour toutes ces raisons, les nouveaux auteurs, qui sont juste des repreneurs, sont tenus de faire systématiquement du bon boulot. Eux n'ont pas le DROIT de se planter, ils n'ont que le DEVOIR impérieux de faire au moins aussi bien - et aussi bien, évidemment, que les meilleures histoires de la série qu'ils reprennent. Et si un repreneur se plante, il y a en principe un éditeur et des ayants-droit pour veiller au grain, pour écarter son travail s'il ne convient pas, pour ne conserver que le meilleur des propositions qui sont faites.