Salut,
Ca faisait bien qq années que je n'avais plus lu de BD, et on m'a offert le coffret Blacksad. Voilà donc mes impressions, après avoir lu les vôtres.
Comme bcp j'étais initialement sceptique au sujet d'un polar animalier, même dans un contexte réaliste. Si les couvertures des tomes 1 et 2 semblaient prometteuses, je trouvais la tête de Blacksad moins convaincante sur la couv' du T3.
Je me lance dans la lecture du T1 et ô surprise agréable, le dessin est en fait classe, l'ambiance sombre palpable, l'expressivité anthropomorphique est à tomber!, judicieuse sélection de Canales, qui rend nombre de persos secondaires savoureux. Un vrai régal de découvrir le gorille boxeur, le morse directeur hûrlant (mention spéciale ^^), le serpent tueur dans la brume, etc... Les mouvements sont particulièrement bien rendus, les décors sont au poil, on sent le perfectionnisme de Guarnido.
En progressant je suis frappé par la recherche d'originalité des cadrages et la qualité du découpage! Cela donne une vraie dimension supplémentaire à l'histoire. P.exemple:
- L'introduction de la tronche agressive du boxeur bas de p9 alors que l'on vient de parler du "salaud" assassin, avant la double page en vieux pote qui se termine par le plan sur les traces de griffures.
- La double page de la scène de la fouille avec la souris timide et une fin en yeux globuleux, suivie de la double page du morse directeur irrascible évoquant à nouveau les yeux globuleux, enchaînée par la double-page de l'attaque dans le brouillard des fameux yeux..., elle-même enchaînée sur la double page du collectionneur...
- L'entrée intrépide du fils du collectionneur en chasse dans un bar, bas de p21, bien calmé en p22. ^^ Etc...
- Comme cadrages marquants je mentionnerai, entre autres, le rat sur les escaliers de secours p35, et la pleine page 38, véritable claque visuelle.
Le tome 2, reprenant les qualités du T1, est nettement plus blanc, ou noir par moments. En tous cas plus dur et plus fort en traitant du racisme des deux côtés, être prêt à tout pour se venger, des ravages des rumeurs de pédophilie, de la passion pathologique pour le jeu (une pie bien sûr ^^). Des persos un peu trop caricaturaux cependant. Mais une vraie intrigue bien construite et bien déroulée, en 54 planches s'il vous plaît. Une dégustation intense et qui secoue.
Cerise sur l'album, la double page intérieure au verso de la couv' avec Blacksad qui tient sa promesse.
Après avoir enchaîné la lecture des T1 et 2, j'attaque le T3 en me demandant ce qui va me tomber dessus... Et en fait c'est la fatigue de la journée et le manque de clarté de mon esprit qui se manifestent ^^, je ne saisis pas tout et décide d'en rester là.
Le lendemain je reprends à tête reposée et m'en félicite en découvrant l'élaboration du contexte et du scénar. Sympa la parenthèse Las Vegas suite à la tenue de la promesse, et beau contraste entre le monde superficiel du jeu et des flambeurs insouciants, par rapport au groupe d'idéalistes de gauche qui se confronte aux plus grands problèmes de cette période de guerre froide. Le contraste est symbolisé par la scène du cocktail atomique p6, dont l'inconscience de la radioactivité m'a laissé pantois. Ahurissant de se dire qu'à ce moment ils allaient jusqu'à organiser ces cocktails, et paraît-il même des concours miss atomiques en tutu en forme de champi!...! (
voir ici en bas de page)
Ce tome est plus humain, plus dense et elliptique. Il y a de nombreux enjeux qui dépassent Blacksad dans cette histoire, témoin sa théorie un peu rapide concernant le chimiste, avec un superbe retournement de situation. Du coup il subit les évènements en faisant ce qu'il peut, côté coeur compris. L'intrigue n'en n'est que meilleure et parfaitement compréhensible pour peu que l'on se donne la peine de lire attentivement. Le fait qu'il se passe beaucoup de choses ne nécessite pas pour autant l'approfondissement systématique de chacune des pistes évoquées. On en reste au niveau de la perception limitée de Blacksad face à tous ces enjeux, et c'est très bien ainsi.
Otto Liebber est d'ailleurs une belle illustration de la complexité du choix qui s'est présenté pour nombre d'Allemands influents lors de l'avénement nazi, vouloir le bien du bien du pays comme semblait le promettre Hitler, tout en refusant de voir les horreurs qui allaient se mettre en place en paralèlle ou en se forçant à penser que le Führer n'était pas au courant des dérives. Sa volonté de tenter de se racheter en essayant d'oeuvrer, dangereusement, pour l'équilibre du monde est touchante et constitue le fil conducteur de cette intrigue, avec un final poursuivant ce but reconstructeur jusque dans sa plus grande simplicité symbolique.
Pour tout cela, je trouve que ce tome 3 a le meilleur scénar des trois albums, le plus élaboré, même si moins immédiatement intense.
Un reget p-e exagéré, Blacksad me semble un peu moins bien dessiné dans ce dernier tome, le détail de ses traits parfois moins travaillé. Mais bon, comme Guarnido semble annoncer un retour du polar pour le tome 4 début 2010, l'expressivité fouillée au top devrait suivre. ^^
Bref, joli cadeau que cette série actuellement en tête des indispensables, reste à savoir si c'est un effet de mode ou si ce classement s'installera dans la durée...
Pour le plaisir, 2 questions:
[spoiler]- p.49: la pince en forme de poisson bleu sur la cravate couverte de petits poissons rouges du sénateur (p.49) qui fait référence à l'anecdote de Liebber dans l'aquarium: illustre la fin qu'un jour Gallo devra lui aussi subir si prédateur dominant soit-il pour le moment?
- pourquoi Sam Gotfield creuse à la fin alors qu'il a été acheté par le sénateur en l'incorporant au projet Noé garantissant à certains "élus" un abri atomique? Sa psychose d'une attaque atomique est devenue trop forte au point de vouloir creuser son propre abri à proximité immédiate? Ou il cherche vraiment un os? ^^[/spoiler]