Parti conquis d'avance par l'habituelle drôlerie de Ferri, je reviens de chez ces Pictes (juste) un peu déçu. Que Ferri ne soit pas Goscinny c'est acquis et heureux (il est Ferri et ceux qui le lisent savent que c'est déjà beaucoup), mais l'histoire avance un peu en crabe, et certaines reparties d'Obélix tombent à plat, ainsi que ses running gags (borborythme, taphone). Idem pour le légionnaire malentendant, qui n'aboutit pas. Il y a une belle densité de très bons gags, mais d'autres qui tombent à plat parce qu'ils ont nécessité une construction trop laborieuse (dont les éructations en picte 'n' roll de Mac Oloch, dont Ferri ne tire au final pas grand-chose), et quelques citations référentielles dont il aurait pu s'abstenir faute d'approcher l'original (la demi-planche de bataille).
Graphiquement on imagine bien que six mois pour Conrad c'était très serré, il n'a pas eu le temps de peaufiner certains aspects (la femme d'Agecanonix (que ne s'appelle-t-elle Gérotonfile ?), le regard d'Astérix, la plupart des personnages aux arrière-plans, les Romains sur leurs barques, Afnor, Mac Abbeh et Taglabribus sur leurs troncs, la mandale de Camomilla à Mac Abbeh qui l'envoie en fait à deux petits mètres), et j'ai été surpris par la mollesse des coups qu'il dessine, lui dont le dessin est souvent tellement tonique. En revanche il possède déjà étonnamment bien Obélix, et dans l'ensemble c'est évident du très gros -- et dans l'ensemble beau, c'est-à-dire efficace -- travail.
Pour un album qui a manifestement été en amont scruté aussi attentivement qu'il l'est à posteriori sur ce forum et dans le reste du monde habité, je suis surpris qu'on ait laissé passer certaines incohérences (l'histoire du brouillard cité page 24 case 2 alors qu'on n'en voit pas du tout page 23 case 8, Astérix qui ne comprend pas le fonctionnement de l'élection alors qu'il lui a été expliqué plus tôt, une queue de bulle d'Obélix mal placée, l'absence que quelques signes typographiques et de ponctuation...).
Enfin pour la réimpression (sous peu sans doute ?), deux suggestions de correction d'une erreur due à un manque flagrant de documentation
: il y a quatre "HA" à
Stayin' Alive et jamais deux "help" consécutifs dans la chanson éponyme.
Quoi qu'il en soit la version luxe est un bel objet -- et je reste fasciné par le trait de Ferri.
Pour moi la grande nouvelle n'est pas structurelle (le duo des repreneurs est posé et ne peut que progresser) mais conjoncturelle : Ferri doit avoir enfin terminé
De Gaulle à Londres !