bewegen a écrit:
Les BDGest Arts fonctionnent sur ce principe, et on ne peut que constater que c'est toujours les albums les plus connus/vendus qui se retrouvent en tête...
Je reprends les propos très justes de Xavier : "Il y a deux types de prix: le prix décerné par une académie, donc par un vote de plein de monde; et le prix décerné par un jury, soit un panel limité. Le premier abouti généralement un consensus autour du plus petit dénominateur commun, le deuxième correspond à l'affirmation d'un choix singulier. Ce sont deux options, radicalement incompatibles."
Les BDGest Arts fonctionnent de manière hybride.
Tout d'abord, il y a le travail d'un jury qui permet de faire émerger des choix singuliers et ensuite, parmi les albums sélectionnés, un vote du public qui aboutit en effet généralement à un consensus du plus petit dénominateur commun parmi les titres sélectionnés.
Ce qui est étonnant en ce qui concerne le Grand Prix d'Angoulême, c'est qu'il s'agit d'un mode de scrutin ouvert, qui devrait donc logiquement se solder par la victoire d'un auteur consensuel, mais qui, bizarrement, aboutit pourtant à un choix qu'on peut qualifier de pointu.
Je pense que c'est ça qui crée le malaise et qui motive la volonté de connaître les détails de l'élection.
Pour beaucoup, il semble difficilement concevable qu'un vote ouvert sans liste préétablie puisse aboutir au choix d'un auteur dont le succès public est resté "confidentiel" comme c'est le cas de Julie Doucet.
Il y a sans doute un effet de concentration des votes autour d'une ou plusieurs personnes alors que les votes pour des auteurs qui paraissent plus évidents à un grand nombre de lecteurs sont sans doute plus dispersés.
Si c'est le cas, qu'est-ce qui fait qu'une Julie Doucet fédère tout à coup autour de son nom assez de votes pour passer au second tour et ensuite l'emporter ?
La récente sortie d'une anthologie de son travail est certainement un facteur conjoncturel qui a joué en sa faveur.
Sa place importante et son rayonnement international au sein d'un courant de la bande-dessinée qu'elle a contribué à développer a certainement amené certains à voter pour elle.
Le contexte sociétal également. On ne va pas nier que les récents mouvements #metoo et autres ont pu amener certains votants à délibérément voter pour des autrices de talent plutôt que pour des auteurs de talent, sans y voir pour autant une démarche collective concertée visant à porter Julie Doucet en particulier (le nombre d'autrices primables restant encore aujourd'hui plutôt restreint, des votes d'une telle nature vont mécaniquement se porter sur peu de noms).
Ce sont quelques éléments et il y en a certainement d'autres.
Au final, que ça plaise ou pas, chaque auteur a voté en son âme et conscience et c'est Julie Doucet qui a reçu le plus de votes.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"