C'est dommage de mettre sur le même plan la légitimité que tu lui confères (ou non) pour recevoir le grand prix et le propos de sa lettre qu'elle adresse au Ministre de la culture sur la survie des auteurs. Lettre adressée en tant que présidente du jury du festival, ce qui lui confère une triple légitimité : en tant qu'autrice, en tant qu'autrice populaire dont la voix porte et, donc en tant que présidente du Jury.
Par là même tu mets l'accessoire au niveau de l'essentiel.
Le texte, publié par Libé :
La fin est assez virulente. Un présidente du jury qui dit à son ministre de tutelle de rester chez lui, c'est pas banal.
«Comme tout le monde en janvier, Vincent Montagne, le président du SNE, le syndicat des éditeurs, fait des vœux durant lesquels il se félicite – et à raison – de la bonne santé du secteur de la BD. Plus de 500 millions de chiffre d’affaires dans un contexte de crise éternelle, c’est vraiment balèze. Quand il présente ses vœux, le chef des éditeurs n’oublie pas les auteurs, il a une pensée pour ceux qui sont à la base de toute son industrie et qui vivent pour l’essentiel sous le seuil de pauvreté, qui se débattent dans un cadre administratif absurde et qui travaillent pour rien, ou presque. Il leur dit, je ne veux pas que l’Etat vienne se mêler de notre relation. Alors pourquoi ? Parce que l’Etat, précisément, a demandé à une commission de se pencher sur la situation des auteurs, et ce texte existe, c’est le rapport Racine, et il semble avoir été égaré par le ministre Riester.
«Alors, en attendant qu’il soit dévoilé, redoutant peut-être ses conclusions, le patron des éditeurs prévient : pour lui, c’est niet, non à un éventuel rééquilibrage du rapport de force, non aux auteurs qui voudraient vivre de leur travail, non à une meilleure répartition des droits. Bref, les éditeurs veulent que tout reste comme avant, et on les comprend. Alors 2020, "année de la BD", des parrains de prestige, une affiche formidable, peut-être même un président de la République au festival d’Angoulême… mais pas le moindre début de mesure concrète pour ceux qui font de la BD. Rien.
«Nous, on aimerait que le ministre Riester se réveille. Proclamer son attachement à la BD, nous écouter avec gravité, c’est bien ; mais agir, c’est mieux. Aujourd’hui, ce que nous demandons, pour commencer, c’est de lire le rapport Racine. Contrairement aux éditeurs, nous n’en avons pas peur, nous voulons savoir ce qu’il dit, savoir ce qu’il constate et, surtout, savoir ce qu’il propose. Nous voulons nous mettre au travail pour améliorer la situation du livre et de sa création. Alors cette année, merci de pas nous endormir avec la promesse d’une nouvelle commission, d’une décennie de la BD ou d’un centre intergalactique des livres de l’image, cette année on veut aller au festival en lisant le rapport Racine dans le train. On veut que le ministre le retrouve et le libère, qu’on ne finisse pas par croire que cette année de la BD n’est qu’un soutien industriel plutôt qu’une véritable réflexion sur les conditions de la création et de la situation des auteurs. Nous avons hâte de vous voir à Angoulême, monsieur Riester, mais si vous avez oublié le rapport, s’il vous plaît épargnez le budget de l’Etat et restez chez vous.»