Quel est le tocard qui s'est occupé de la traduction ? J'ai envie de jeter mon pavé d'intégrale par la fenêtre à chaque fois que je tombe sur l'expression "JE VEUX DIRE"...
Comme dit
cubik, c'est un peu lié à l'époque. Aujourd'hui, on pourrait aussi dire "enfin", "quoi" ou "tu vois"... L'idée est de retranscrire un dialogue beaucoup plus réaliste qu'à l'accoutumée dans une BD. Tu remarqueras que dans 95% des BDs, les personnages ne parlent pas comme toi et moi... C'est beaucoup trop écrit, trop "parfait", trop récité... Il manque les temps de pause, les hésitations... Là dessus, les américains ont une longueur d'avance. Neil Gaiman et Dave McKean ont beaucoup travaillé là-dessus.
Qu'y a t'il de si jouissif dans un découpage de milliers de cases rectangulaires qui se suivent sur environ 400 pages, cases toutes symétriques en effet puisqu'au même nombre de neuf par pages... Où est la mise en scène dans tout ça ?
Alors là, je pourrais partir dans une tirade interminable.... Je vais essayer de faire bref.
D'abord, je suis d'accord avec toi,
de façon générale. Le découpage régulier, ou "moule à gauffre" m'ennuie s'il n'est qu'une facilité narrative.
Dans le cas de Watchmen, c'est beaucoup plus intéressant. Ce découpage permet de mettre en valeur la narration parralèle. Par exemple: une scène est traitée en bleu, l'autre est traitée en rouge. En passant une case sur deux d'une scène à l'autre, ce découpage crée un damier rouge et bleu. Les echecs ne sont pas cités dans la BD, mais tout le monde sait que c'est un des jeux les plus cérébraux, les plus rationnels qui soient. De plus, la narration parralèlle est d'autant plus subtile que Moore continue souvent le dialogue d'une scène sur une autre, en créant un double sens. Et donc, plusieurs lectures.
Plus loin, pendant l'attaque de la prison, Moore introduit encore une double lecture. La séquence interieure est découpée sur six cases en haut de page. La séquence exterieure se déroule sur une case en bas de page, laissant la possiblité de lire cette séquence sur un format italien...
Le chapitre "Terrible symétrie" a été cité plusieurs fois: la structure du chapitre est graphiquement symétrique. C'est facilité par le moule à gauffre, mais ça va beaucoup plus loin. Il y a des cases horizontales, verticales et ce grand V au milieu du chapitre. Le V de Veidt, de sa Victoire ou de tout ce qu'on veut mettre derrière cette lettre (d'ailleurs, dépêche toi de lire V pour Vendetta).
Je ne reparlerais pas des motifs récurrents comme le cercle ou la tache, renforçant la thématique du temps, de la répétition des événements dans l'Histoire. C'est à mon avis, une des thématiques de l'oeuvre.
J'ai dû lire cette BD 3 ou 4 fois en français et une fois en anglais, et j'ai redécouvert des nouvelles choses à chaque fois... Mais contrairement à toi, je ne me suis pas emmerdé à la première lecture. Watchmen est, de loin, la BD la plus méticuleusement orchestrée que j'ai jamais lue. Tout est hyper-construit. Comme une montre suisse. Ou comme le projet d'Ozymandias...