Je ne voulais pas intervenir sur le cas Finkie, mais bon, tant pis. Pardon d'avance pour ce long post.
Oncle Hermès écrit :
"Ouais enfin, "intellectuel" pour Finkie, faut le dire vite. Ou alors vraiment faute d'un autre mot... Quoique... y a bien "salonnard" qui me vienne en tête... "
Oui et non.
Si l'on en croit la définition du dictionnaire, l'intellectuel est celui qui vit de la production de son esprit, à la différence du manuel qui vit de ce qu'il fabrique de ses mains.
Finkielkrault est souvent traité d'usurpateur. En effet, il exerce la fonction de philosophe, or il est agrégé de lettres modernes, ceci ne l'a pas empêché d'obtenir une chaire de philosophie à Polytechnique. Mais, qu'importe, Gaston Bachelard, mathématicien de formation restera le plus grand philosophe français du Xxème siècle. Le diplôme ne fait pas tout. Socrate et Aristote n'avaient pas de doctorats en philosophie...
Finkielkraut fait partie des intellectuels qui théorisèrent et firent Mai 68. Maoiste dans sa jeunesse, soutient du Cambodge de Pol-Pot comme Badiou et cie., il ouvrit les yeux (sur le tard), à leur différence et ne reclame plus, ni ne défend, comme ce pauvre Badiou le "communisme" et son "œuvre admirable".
Maintenant, il est devenu très critique sur les évolutions induites par le mouvement, ce qu'il nomma « défaite de la pensée » recouvre le le progressisme, le « relativisme », la « désintégration de l'école républicaine », « la perte de l’identité nationale », etc. Il est passé dans le camp des conservateurs, voire des réactionnaires, comme en témoigne son récent et intéressant "Identité malheureuses", ode nostalgique à la France de la IIIème République, aux Instituteurs de Ferry, à l'assimilation forcée, qui vomit en creux le "multiculturalisme", la "dégradation des savoirs et de l'école", le retour d'une "barbarie", phénomènes qui rongeraient la société française au risque de la faire disparaître...
ses idées, parfois nauséabondes, ses fréquentations douteuses (Renaud Camus, un des théoriciens du changement de civilisation et de l'invasion panislamique de l'Europe...), sa posture permanente du victime du "politiquement correct" ne peuvent qu'agacer.
Comme Zemmour qui lui ressemble, mais qui est fichtrement moins malin que lui, il est en effet omniprésent dans les médias.
Il dispose d'une émission, très intéressante, Répliques, sur France Culture, les Samedis Matins, où des gens intelligents -Mona Ozouf, Pierre Nora ou Régis Debray-, parlent, sans être interrompus, calmement, sur des sujets divers comme la littérature, l'art, l’éducation, l'euthanasie, le statut de l'historien, etc. Cela change d'"On n'est pas couché"...
Dès qu'il sort un livre, il est invité des talks shows, des émissions littéraires, la presse ne manque pas de juger son ouvrage. Même si les critiques sont sévères parfois, il vend beaucoup de livres et ses idées sont relayées. Bref, c'est un des intellectuels qui compte, comme BHL.
Même si, comme pour ce dernier, on peut emettre de lourdes réserves : Oncle Hermès écrit :
"Sérieusement, je ne vois pas en quoi c'est réjouissant de voir un "intellectuel" comme Finkielkraut accéder à la "sphère médiatique" telle que tu la conçois, si c'est pour en jouer le jeu et en suivre les règles les plus déplorables."
Effectivement, quoique méprisant la télévision et les médias modernes commme le Net, il est partout, tout le temps, il est devenu un spécialiste omniscient et omniprésent, l'invité incontournable d'une télé qu'il déteste. La fin justifie les moyens...
En outre, comme Zemmour, il est un bon client : il est incapable de se contenir, il part souvent en vrille et dérape fréquemment. L'intellectuel posé de Répliques, devient, à la télé, un clown médiatique (ses tics nombreux n'arrangent pas les choses) qui génère de l’Audimat qu'il méprise par ailleurs :
Comme l'écrit Oncle Hermès «
S'il squatte les plateaux, c'est parce que c'est un polémiste avec (dans ses meilleurs moments) un certain sens de la formule ; pas parce qu'il y apporterait je ne sais quelle lumière inusitée en ces lieux... »
Finkielkraut est en effet contradictoire, il vomit la modernité mais n'hésite pas à s'y vautrer pour vendre ses livres et ses idées.
Mais revenons à cette polémique : Finkielkraut contre la BD.
Au fond cela n'a rien d'étonnant. Il n'apprécie pas la « variété », ni la télévision, alors la BD...
Sa vision du savoir, de la connaissance restent très traditionnelles. Il me fait penser à l'intellectuel « bourgeois » décrit par Bourdieu dans "La Distinction".
Se sentant supérieur aux autres, il les écrase avec son corpus de textes savants et de citations apprises par coeur qu'il régurgite comme une Précieuse Ridicule.
Quand il dit que tout ne se vaut pas, ce qui est partiellement vrai, il dit aussi que seul ce qu'il lit ou apprécie à de la valeur.
Il pense la même chose des gens : ceux qui sont d'accord avec lui sont ses amis, les autres sont des « agents du déclin ».
On pense trop souvent que l'intellectuel est un sage honnête.
Rien n'est plus faux. l'intellectuel est souvent un individu narcissique, buté, fanatique et pervers (il diabolise ses ennemis et se fait passer pour une victime innocente d'un méchant système).
Le véritable intellectuel est celui qui dispose, bien évidemment, d'un solide bagage culturel, mais aussi d'une profonde humanité, celle-ci lui permet de dépasser ses constructions mentales, ses a priori, d'être humble (ben oui, on peut se tromper) et donc de chercer à comprendre les autres...
Dès que, comme lui, on se présente comme un penseur omniscient, on ne saurait se tromper, rien ne le ferait changer d'avis, on lui désignerait le soleil, il soutiendrait qu'il s'agit de la lune.
Il s'est enfermé, tout seul, dans un monde qu'il voit en déclin, une France menacée de l'invasion de « barbares islamistes», un monde où les communautés vont détruire la France de Renan (sic.), un monde dominés par des jeunes incultes, violents et stupides, dopés à l'internet et à la télé, ne sachant ni lire ni écrire, il voit, attend, dénonce, et, espère l'arrivée de l'apocalypse. Libre à lui.
Qui plus est, sa dénonciation de la BD, s'est faite dans le cadre de son délire.
Si je comprends l'initiative ironique de Fluide Glacial, celle-ci est vouée à l'échec.
Finkielkraut a dégommé Louis Schweitzer, ancien patron de Renault, promoteur du Musée des Arts Premiers Quai Branly, parce qu'il a déclaré aimer passionnément la BD.
Finkielkraut vomit la HALDE, institution renommée aujourd'hui Défenseur des Droits. Car son existence suggère tout ce qu'il nie, à savoir que certains français, en raison de leurs origines sociales, de leur couleur de peau, de leur handicap soient pénalisés de manière indigne dans notre république qui se veut égalitaire. La HALDE permet de comprendre pouquoi certains se sentent légitiment exclus de la société et non pas comme le pense Finki' qu'ils s'exclueraient eux-mêmes en raison de leur « barbarie ».
Finkielkraut nie qu'il est plus difficile pour un jeune d''une banlieue "mal-famée" de trouver un stage, il nie qu'un handicapé ait de très lourdes difficultés à décrocher un emploi, ou simplement à accéder à lieu public, ou même faire ses courses. Fink, pense que les associations, qu'il présente comme « communautaires » minent la cohésion sociale, alors qu'au contraire, une société qui persiste à rejeter dans la marge une partie des siens doit être combattue avec force pour qu'elle cesse d’agir de la sorte.
Dire de Schweitzer qu'il aurait été incompétent, illégitime, ou relativiste, "ennemi de la France eternelle", quand il fut à la tête de la HALDE, parce qu'il aime les BD, montre la perversité et la malhonnêteté du raisonnement de Finkielkraut qui mêle amalgame, jugement de valeurs, et raccourci.
Rendu aveugle par sa vision fantasmatique et cauchemardesque de la France, il en est réduit à voir des signes d'un « complot » contre la civilisation française, dans n'importe quelle déclaration d'un homme d'affaire et d'un intellectuel, pourtant respectable et estimable. Aussi estimable que Finkie, n'en déplaise à ce dernier.
Dès lors, je ne pense pas que l'on puisse dialoguer avec lui. Cela est inutile, le fanatique à toujours raison, les autres ont toujours tort. Finkiekraut parle fort, tape dur pour imposer ses vues. Il faut donc le contrer, montrer la nullité de son raisonnement, ses erreurs factuelles, son dogmatisme.
Comme le suggérait Alain (le philosophe théoricien de notre démocratie moderne), on ne peut raisonner avec des fanatiques, il faut être plus fort qu'eux.
PS. J'aurais dû écrire, je trouve que Bachelard est le plus grand philosophe français du siècle, cet avis n'engage que moi, mais la "Formation du Savoir Scientifique" et "L'eau et les rêves ", c'est quand même autre chose que "Le Traité d'athéologie...l