de geep » 30/03/2011 09:00
Bonjour à tous, j'ai fait remonter ce topic(?) parce que, justement, je me suis posé la même question que pas mal des intervenants précédents: "Pourquoi cette impression que le dernier Adèle Blanc-Sec était largement au dessous du niveau des (disons quatre) premiers et en conséquence, Tardi n'aurait-il pas dû laisser Adèle reposer pour l'éternité plutôt que de la réveiller et de caricaturer ses propres aventures?"
La grosse différence pour moi tient dans le fait que d'un coup, a peu près au milieu de"Momies en folie", le scénario part en vrille, on dirait que l'auteur peine à finir, que ses personnages lui pèsent et qu'il ne sait plus trop quoi en faire. Du même coup, tout ce qui fait le charme des trois premiers albums; la précision de la reconstitution des décors, du langage de l'époque (argot compris) des courants intellectuels (symbolisme, sociétés secrètes vaguement rosicruciennes...), de l'actualité (évocation d'anars façon Bonnot dans le 1er tome), plus les références à ce qui n'était pas encore la SF et à la littérature populaire, tout ça "barre en botte". En même temps, le dessin devient presque caricatural et le fond-même du récit tourne à l'auto-parodie façon "plus c'est gros, plus ça passe". Les personnages n'évoquent plus le Paris début XXème, mais plus une sorte de carnaval déjanté de masques entre Ensor et Diégo Rivera. En allant plus loin, il n'est plus question que de revenants, non seulement Adèle, revenue d'entre les morts, mais aussi Brindavoine et diverses victimes de machines infernales défigurées (une constante chez Tardi qui renvoie peut-être à une fascination pour les gueules cassées -cf. "Putain de guerre!"). Ce retour avait été initié avec l'arrivée des personnages du "Démon des glaces" venus s'entretuer à la fin de "Momies en folie". Tardi y rajoute des personnages d'"Adieu Brindavoine" et revisite son oeuvre. Excusez le pompeux de mes explications, mais ça donne presque l'impression d'une analyse dont "Le labyrinthe infernal" serait la conclusion. Je ne suis sans doute pas loin du compte si on pense à "Tous des monstres" et à sa collection de cauchemars dessinés par divers auteurs, à la "dépression sévère" du beau frère d'Adèle et pourquoi pas de l'auteur. Cet album serait en quelque sorte pour Tardi ce que "Tintin au Thibet" fut pour Hergé et "QRN sur Bretzelburg" à Franquin? Peut-être. En attendant, n'ayant (peut-être) plus trop envie de raconter des histoires (à partir du 4ème volume), et ayant réglé (ou pas) certains comptes avec lui-même, Tardi s'est un peu enferré dans un final qui tire à la ligne et devient du même coup moins intéressant (ou intéressant sur un autre mode).
La boucherie est passée et a plombé les aventures un peu primesautières des débuts, le fantastique à vocation humoristique devient de plus en plus grinçant, et quelque part, Adèle compte au nombre des victimes de guerre.