Et bien, l’arc colonial est en grande forme, ce qui se traduit par ne jamais considérer les arabes comme des êtres humains, ne pas dire que c’est compliqué (apparemment c’est réservé à l’allié suprémaciste israélien), etc. Bon on va quand même donner d’autres opinions que celles du communautarisme blanc :
"Les Syriens ont le droit de célébrer la chute du régime d'Assad sans être sermonnés par des non-Syriens sur la réalité de leur avenir.
Peut-être que certains d’entre vous ont besoin d’un rappel, mais Assad n’était pas un dictateur ordinaire. Non seulement il a dirigé un État policier d’une ampleur effrayante, mais il a également incendié son pays pour rester au pouvoir, détruisant des villes entières et tuant des centaines de milliers de Syriens pour maintenir son régime en place.
Laissez les personnes dont des membres de leur famille ont été assassinés, torturés et emprisonnés par l’État connaître un moment de soulagement et de célébration.
Cela ne veut pas dire qu’elles sont naïves quant à l’avenir de la Syrie."
Yashar Ali journaliste contributeur au NYT, NBC, Huffington Post.Quant à la géopolitique de comptoir :
« En Occident, une certaine sympathie pour le régime d’Assad est née de l’impression qu’il s’opposait, aux côtés de l’Iran et de la Russie, à l’hégémonie de l’impérialisme américain. Selon cette grille de lecture, c’est l’Etat syrien – et non le peuple syrien – qui est censé représenter les opprimés. Un examen plus approfondi des politiques néolibérales du régime ainsi que sa collaboration avec les pays occidentaux en matière de sécurité, tout comme la tolérance des Américains vis-à-vis des coups tordus de ce même régime, tendrait à saper rapidement les fondements sur lesquels repose une telle approche. Pourtant, cette lecture a persisté, apportant de l’eau au moulin des partisans des thèses conspirationnistes. Pour ces personnes-là, non seulement la révolution syrienne, mais tous les printemps arabes, relèvent d’un complot ourdi par l’étranger. Ainsi, les slogans en langue anglaise de Kafranbel seraient la preuve de la présence de la CIA et le soulèvement égyptien s’expliquerait mieux par le don américain de 250 millions de dollars à des programmes pour la démocratie dans le pays – sans tenir compte des 7,8 milliards de dollars accordés à l’armée égyptienne. Ces récits ôtent toute capacité d’action spontanée aux peuples concernés, et présentent les Arabes comme des êtres innocents, naïfs, satisfaits de vivre dans la pauvreté, d’endurer la torture et l’humiliation, à moins qu’un Occidental machiavélique leur murmure à l’oreille de se révolter.
Ce campisme, autrement dit cette attitude qui consiste à penser le monde en deux camps, est un héritage archaïque de la guerre froide qui conduit ceux qui y adhèrent à développer un anti-impérialisme sélectif et confus. Les « anti-impérialistes » qui soutiennent les politiques russes et iraniennes dans le monde arabe devraient tenir compte de ceci : à travers son intervention militaire massive, l’Iran se trouve du côté d’un régime clientéliste et illégitime, et en ce sens, il est à la Syrie ce que les Etats-Unis ont été pour le Sud Vietnam. Quant à la Russie – en fournissant des armes, en contournant les sanctions, en faisant écran pour empêcher les condamnations –, elle est à la Syrie ce que les Etats-Unis sont à Israël. »
— Leila Al-Shami, Robin Yassin-Kassab, Burning country. Au coeur de la révolution syrienne, éd. L'échappée, 2019, p. 288-289.