Les idées reçues sur l’assurance-chômage ont la vie dure. Taux de chômage surévalué, nombre de demandeurs d’emploi qui bénéficient d’une allocation surestimée, méconnaissance des règles d’indemnisation… Les Français ont souvent une vision erronée des réalités du chômage. Mais plus ils sont informés, plus leurs préjugés et leurs critiques vis-à-vis des demandeurs d’emploi reculent.
Pour la sixième fois depuis 2020, l’Unédic – l’organisme paritaire qui gère l’assurance-chômage –, en partenariat avec le cabinet Elabe, a publié, mardi 26 novembre, son « Baromètre de la perception du chômage et de l’emploi ». Une enquête réalisée sur Internet du 4 au 27 septembre auprès d’un échantillon représentatif de quelque 4 500 personnes (dont 1 500 demandeurs d’emploi), selon la méthode des quotas.
Depuis le premier volet de l’étude, en mars 2020, certaines représentations semblent bien ancrées dans la population, avec des éléments qui ont très peu évolué. Ainsi, 95 % des Français partagent l’idée que « tout le monde peut connaître une période de chômage au cours de sa carrière » et 90 % considèrent que les allocations sont un « droit puisque issues de cotisations ». L’assurance-chômage est également perçue comme un « bouclier permettant à la plupart des chômeurs de vivre dignement » par une grande majorité des sondés (88 %).
Vision inquiète de l’avenir
En revanche, certaines positions évoluent. Le contexte économique est l’un des éléments qui jouent en faveur de ces variations. Ainsi, lorsque la situation sur le marché de l’emploi paraît plus incertaine, comme c’est le cas actuellement avec une remontée du chômage – 7,4 % au 3e trimestre – et une cascade de plans sociaux et de faillites d’entreprises, l’assurance-chômage bénéficie d’une meilleure image.
Aujourd’hui, 60 % des personnes interrogées se disent attachées au modèle français d’indemnisation, un résultat en augmentation de 3 points sur un an. De plus, 73 % des Français considèrent que l’existence d’un tel dispositif réduit l’inquiétude de perdre son emploi. Un chiffre à mettre en regard avec la crainte des actifs de perdre leur emploi dans le contexte économique actuel. En effet, 28 % d’entre eux jugent « probable de connaître une période de chômage dans les deux prochaines années », contre 24 % en 2023 et 22 % en 2022.
Cette vision inquiète de l’avenir n’est toutefois pas étrangère à la méconnaissance de la réalité du marché de l’emploi. Les Français ont une tendance assez forte à « noircir » le tableau ; 60 % pensent, par exemple, que le taux de chômage se situe à 15,3 % de la population active, alors qu’il était de 7,3 % au moment où ils ont répondu au questionnaire. La plupart d’entre eux (87 %) surestiment également la part des demandeurs d’emploi qui bénéficient d’une allocation – seules 40 % des personnes inscrites à France Travail sont indemnisées par l’assurance-chômage.
Différences de perception
Une vision déformée des choses qui peut en partie s’expliquer par de nombreux discours politiques véhiculés ces dernières années ayant installé dans le paysage l’idée que le modèle français n’inciterait pas les demandeurs d’emploi à retrouver du travail et que la situation de ces derniers serait plus favorable au chômage qu’en emploi.
Une conception que la ministre du travail essaie de combattre. « Je pense qu’il faut débunker un certain nombre d’idées reçues, déclarait Astrid Panosyan-Bouvet, le 23 octobre, sur TF1. Non, le système d’assurance-chômage n’est pas nécessairement plus généreux » que celui de nos voisins. Les critiques envers l’assurance-chômage sont d’ailleurs toujours répandues dans l’opinion publique, même si elles restent minoritaires. 37 % des personnes interrogées estiment que le montant des allocations est trop élevé ; 46 % qu’elles sont un frein au retour à l’emploi.
Mais l’information sur les réalités du chômage, des demandeurs d’emploi et des modalités de l’assurance-chômage « produit mécaniquement un recul de la critique », explique l’enquête. Les Français semblent également avoir un grand besoin d’information sur les règles d’indemnisation, car seulement 4 actifs en emploi sur 10 sont certains de leurs droits vis-à-vis de l’assurance-chômage. Il faut dire que les très nombreuses réformes du régime depuis 2017 et la complexité du système ne facilitent pas sa compréhension.
Pour évaluer la différence de perception des sondés selon leur niveau de connaissance, certaines questions leur ont été posées une seconde fois, après leur avoir transmis une série d’informations sur les réalités du chômage. Sur plusieurs points, les jugements sont alors moins négatifs : ils ne sont plus que 39 % (contre 46 %) à penser que les allocations-chômage sont un frein au retour à l’emploi, par exemple. Aussi, seuls 38 % considèrent que la durée moyenne d’indemnisation est trop longue, contre 47 % lors de la première question. L’idée que les chômeurs seraient des assistés recule également (32 %, contre 36 %).
Raison pour laquelle le président (Medef) de l’Unédic, Jean-Eudes Tesson, estime qu’il est « nécessaire de faire de la pédagogie ». « On doit faire des efforts pour faire connaître les réalités du terrain », a-t-il expliqué lors de la présentation du baromètre à la presse.