Un pote médecin (je vous le colle ici vu qu'il s'agit d'un problème public et tout ça)
De mon côté, les 2 semaines pré-confinement ont été très bizarres à l’hôpital, on a commencé à réorganiser tout l’hôpital pour accueillir la vague, et on s’est retrouvés à imaginer des solutions d’urgence pour sevrage de crack, d’alcool, de pleins de trucs en ambulatoire pour des patients qui seraient confinés…dehors... Après 3 semaines sans soins et contrôlés 10 fois par jour sans solution, certains vont très mal, dommages colatéraux. D’autres se sont paradoxalement améliorés, se sentent dans leur élément dans le climat pré-apocalyptique.
Donc on vide l’hôpital, et on se retrouve une semaine avec personne, et rien d’autre à faire que des réunions pour attendre la vague. Mais elle est finalement arrivée… Moins violente qu’à l’Est pour plusieurs raisons (plus de temps et plus de moyens) mais un peu chaud quand même. On s’organise au jour le jour, on ferme le reste des services chaque jour pour ouvrir des lits de malades Covid. Il faut ouvrir à la fois des lits « normaux » et des lits de réa, si on ne maintien pas l’équilibre ça peut vite vriller. Dans mon hôpital, qui dépend de Lariboisière mais qui est de l’autre côté de la Gare du Nord, et qui n’a pas de service de réanimation, on hospitalise les patients Covid+ qui n’iront pas en réa. Donc les vieux.. Ça peut faire peur mais en réalité les statistiques se vérifient : au dessus de 70 ans, on fait plus de formes graves, mais ça reste du 10-15%. Du coup dans la salle de 22 lits, 88 ans d’âge moyen, on a pas eu un décès en 10 jours. Les équipes d’infirmiers et d’aides soignants qui flippaient de bosser dans un mouroir sont rassurées, et maintenant l’ambiance est bonne... Je ne regarde pas la télé, à priori c’est beaucoup plus impressionnant qu’en réalité : à l’hôpital, on ne croule pas sous les patients qui traînent en étouffant dans les couloirs. On bosse dans nos services, qui se sont tous transformés en services de pneumologie, on voit des malades, comme d’hab, on donne des médicaments et de l’oxygène, comme d’hab. En réa, les patients sont intubés, comme d’hab. Ce qui est fatigant c’est de changer de métier dans l’urgence (là je suis gériatre infectiologue en soins palliatifs), mais je trouve que c’est équilibré par le fait de ne pas être confinés, de se barrer au boulot le matin, comme d’hab aussi. La semaine qui commence va aussi connaitre son lot de réorganisations, les premiers patients vont sortir de réa (ils y restent 2 semaines environ), il faut un service de « post-réa ». Nos petits vieux, rescapés pour la plupart, sont encore contagieux, il faut un service « post-covid ». Pas mal de personnel tombe malade au fur et à mesure, il faut les remplacer 2 semaines, mais ils reviendront après. On va commencer à être fixés sur certains médicaments dont la chloroquine, qui est peut être un peu efficace mais pas miraculeux (on le met à quelques patients, pour lesquels on est sûrs de ne pas aggraver la situation). On sent que l’hôpital s’est bien vidé de son personnel ces dernières années, mais ça on en reparlera dans 2 mois...