de Bandamoebius » 23/11/2019 21:23
Après les ventes et leurs résultats, cet article (« Enquête », osent-ils) du Figaro de la semaine dernière prend une saveur particulière...
ENQUÊTE - Cet automne, Christie’s et Artcurial proposent deux belles ventes dédiées au neuvième art. Elles rassemblent de nouvelles valeurs montantes, alors que Hergé connaît un repli.
La bande dessinée s’est largement imposée, depuis quelques années, sur le marché de l’art. Cet automne ne trahit pas cette tendance, avec pas moins de trois ventes dédiées au neuvième art. Après celle de Daniel Maghen, nouveau venu sur le créneau, Christie’s et Artcurial proposent leurs vacations, respectivement les 20 et 23 novembre.
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Deux catalogues riches de 300 œuvres. Avec un constat, le marché est à maturité et commence à se remodeler autour de valeurs montantes. «Hergé s’essouffle, reconnaît Éric Leroy, expert BD chez Artcurial. Ses planches sont montées très haut, mais aujourd’hui les collectionneurs attendent de l’exceptionnel, et les plus belles pièces sont déjà passées en vente, provoquant un assèchement du marché.»
«Hergé reste un investissement de bon père de famille. On ne s’attend à aucune explosion en ce moment», renchérit Alain Huberty, l’expert de Christie’s. Derrière la locomotive Hergé et son panache de fumée, se dissimulent d’autres auteurs dont la cote prend de plus en plus d’ampleur. Des valeurs sûres, présentes sur le marché depuis longtemps, qui gagnent en visibilité. Parmi eux, le génial Mœbius (1938-2012), dont Christie’s présente une vingtaine de lots. Les estimations oscillent entre 2000 et 50.000 euros: «Le marché américain est en train de découvrir Mœbius, qui s’y implante de plus en plus. En outre, l’admiration que lui porte George Lucas, qui compte prochainement ouvrir un musée de la bande dessinée, contribue à l’envolée de sa cote outre-Atlantique», explique Alain Huberty.
Éric Leroy tempère: «Le marché américain se vante un peu. Nous ne l’avons pas attendu pour vendre des belles pièces de Mœbius à des prix défiant toute concurrence.» L’expert, lui, offre des dessins de l’auteur d’Arzach à des prix plus accessibles, entre 800 et 7500 euros.
Une autre génération d’auteurs semble avoir le vent en poupe, celle du journal Pilote. Christie’s propose une pièce d’exception de Marcel Gotlib, la couverture emblématique du tome II de la Rubrique-à-brac, de 1971, estimée entre 42.000 et 48.000 euros: «Il n’est pas encore reconnu à sa juste valeur, mais est prêt pour un deuxième bond», estime Alain Huberty. Sans oublier Enki Bilal, «le Pierre Soulages de la BD», selon Éric Leroy. «Il n’a rien perdu de sa créativité, on s’en rend compte avec Bug.» Artcurial met en vente une pièce exceptionnelle, la couverture de l’album Le Vaisseau de pierre paru dans Pilote en 1976 (de 80.000 à 100.000 euros): «Une pièce de musée pour laquelle les collectionneurs risquent de s’écharper.»
Dans le même ordre d’idée, un auteur comme André Juillard voit sa cote grimper de manière significative. Alain Huberty s’attend à un record avec la première planche de son album emblématique Le Cahier bleu, publiée dans la prestigieuse revue (À suivre) en 1994, évaluée entre 42.000 et 45.000 euros. Les années 1990 ont aussi été marquées par l’arrivée de Largo Winch, dont Artcurial présente deux lots exceptionnels (de 9000 à 12.000 euros).
Les Italiens Hugo Pratt, Milo Manara ou Guido Crepax s’inscrivent dans cette mouvance, dans laquelle l’auteur de La Ballade de la mer salée prend la tête du classement. La preuve avec la quinzaine de planches proposées par la maison Artcurial. Son lot phare? Une planche des Celtiques estimée entre 25.000 et 35.000 euros, publiée en 1980: «Les dessins et aquarelles de Pratt dépassent le microcosme des collectionneurs de BD. C’est une œuvre à part», reconnaît Éric Leroy.
Plus international encore, la percée sur le marché français du manga, représenté par le «Hergé japonais» Osamu Tezuka. En 2018, il a créé la surprise avec une planche d’Astroboy adjugée 269.400 euros chez Artcurial. Éric Leroy a rassemblé, fait rarissime, une quinzaine de ses œuvres originales, dont les estimations oscillent entre 3000 et 40.000 euros.
À nouvelle génération de collectionneurs, nouvelle génération d’auteurs. Ces derniers tirent avantage de cet intérêt sans cesse plus grandissant pour la pop culture. Chaque expert lance ses paris, met en avant ses coups de cœur. Alain Huberty croit ainsi en Midam, auteur de Game Over et Kid Paddle : «Il touche une catégorie de fans qui, aujourd’hui âgés de 30 à 40 ans, veulent faire revivre leurs souvenirs de jeunesse», plaide l’expert de Christie’s.
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En matière de pop culture, la science-fiction règne en maître. Deux jeunes auteurs émergent sur le marché: Olivier Ledroit, pour Éric Leroy, et Vincent Perriot, pour Alain Huberty. Deux archétypes de la valeur montante qui ont su créer un univers fort et susciter un engouement chez les jeunes collectionneurs qui peuvent s’offrir une œuvre originale pour quelques milliers d’euros.