Hem... Je faisais la faute, il y a peu, c'est pourquoi je n'ai aucune gêne à souligner que : "dévaluer" est une expression financière (baisse numérique) et "dévaloriser" une expression signifiant une dépréciation de "valeur" psychologique. Par fainéantise (une syllabe de moins), on a tendance à employer l'un pour l'autre, mais... non y-faut-pas
!
"Dévaluer le travail d'Uderzo" pourrait s'entendre si ses dessins valaient moins chers dans les salles de ventes. Or, je ne crois pas que c'est de ça qu'il s'agit
...
Je pense que tout artiste est plus ou moins facilement copiable, pour peu que le repreneur soit doué et volontaire (Achdé ou Veyron, par exemple). Ce qui n'est pas copiable, c'est l'histoire créative d'un artiste, la raison pour laquelle il en est arrivé à ce style de dessin (et à la limite, pour le remplacer, il faudrait juste trouver un artiste ayant eu un passé du même ordre : comme par exemple un cartoonist, plus adapté pour dessiner Astérix qu'un simple copieur de studio).
Uderzo, c'était du "Milton Caniff", à la base. Puis il s'est mis au dessin humoristique... et pas très bien, au début, d'ailleurs ! Quand on voit le génie qu'il avait en réaliste et comment il dessinait les premiers Astérix, on peut avoir un doute (alors qu'il dessinait admirablement les héros semi-réalistes)... C'est en mêlant le dessin de "Tanguy et Laverdure" à celui d'Astérix que son dessin s'est caractérisé et que son style caricatural typique a laissé place au style humoristique copié des USA. Car il a ainsi pu refaire ce lien entre le dessin réaliste et le dessin humoristique que l'on rate systématiquement lorsqu'on part d'une inspiration comique pure (Séron, De Gieter, Walt...). Uderzo aurait pu caricaturer son dessin réaliste, mais il a préféré copier un style comique "gros nez" qui lui plaisait (et qu'imposait la faible hauteur des vignettes : d'où les petites jambes, selon une vieille interview). Et ce n'est qu'ensuite qu'il a fait le rapprochement entre ces deux styles. Avec le succès que l'on sait (l'ennui, c'est qu'il avait tendance, dans les derniers albums, à aller un peu trop vers le réalisme).
Pour le village et ses environs, je pense que tu extrapoles un peu... Tout ce petit monde s'est construit peu à peu, en fonction des besoins scénaristiques et de ses recherches documentaires. C'est juste son imaginaire intérieur qui s'est exprimé sur la durée et non un travail conscient de construction systématique. Il n'en avait tout simplement pas le temps ! Cela aurait été un luxe inimaginable à son époque que de passer du temps à construire dès le début un monde cohérent comme Bourgeon a pu le faire. Et puis Astérix était tout le temps à l'étranger, dans des décors tout le temps différents !
Tiens, hier, j'admirais le merveilleux dessin du village de Moralélastix au bord de sa falaise ("Le chaudron", planche 41A). Et je m'étais fait la même réflexion que toi : "quelle belle vue ! Et quelle bonne idée pour bien le différencier du village gaulois, avec sa maison sur un arbre, en terrain plat !". Et puis je me suis aperçu que chacune des caractéristiques de ce village répondait à un impératif issu du scénario : la maison du chef au bord de la falaise au pied duquel se trouvent les pirates, le chemin d'accès que devra protéger Obélix pendant le combat final, le gardien qui protège l'entrée du village : tout y est, dans ce simple décor ! Et c'est
le scénario qui a construit ce village, pas le génie artistique d'Uderzo
!
En ce qui concerne les personnages secondaires, le génie vient surtout de Goscinny.
Uderzo a cette formidable capacité à rendre vivant tout ce qu'on lui raconte, et d'autant mieux que c'est bien détaillé. Alors pour peu qu'il tombe sur un scénariste qui fait vivre avec des mots et des situations tout le caractère d'un personnage, ce merveilleux dessinateur saura exactement de quelle façon représenter l'attitude et les expressions dudit personnage.
Mais ces personnages si vrais, ils viennent de Goscinny. Car lui ne s'est jamais dit qu'il s'agissait de personnages "secondaires", à construire sur le pouce, comme autant de personnages féminins ou accompagnateurs ont pu exister auparavant : pour lui, c'était une véritable famille qui avait sa propre vie et chacun son caractère différent. Il en jouait et en avait besoin pour confronter chacun d'eux avec une originalité chaque fois renouvelée. Alors qu'un véritable "personnage secondaire", qu'un "méchant" banal et cloné, ne pourrait rien apporter à un scénario. Même les légionnaires avaient leurs caractéristiques propres : les centurions ivrognes Roméomontaigus et Ballondebaudrus sont très différents, tout autant que les bétas espions Joligibus et Caligulaminus, malgré leurs fausses moustaches respectives.