Mais je trouvais donc que les bandes-annonces dévoilaient presque entièrement l'intrigue, et je ne m'étais pas trompé, aucune surprise de ce côté, si ce n'est certaines péripéties qui ont donc été coupées ou re-modelées. Pour des raisons artistiques ? Je serais curieux de connaître la nature des rapports Edwards/Kennedy/Disney... Il reste une histoire sombre, artificiellement alambiquée, qui aurait pu être assez limpide et aller droit au but, ici on a une dilution laborieuse de rebondissements pas vraiment justifiés.
Ce qui suit n'est que mon avis, Je lis maintenant partout (pas forcément ici) que beaucoup confèrent à ce film le statut de "meilleur Star Wars jamais filmé", qu'ils ne s'offusquent pas, je leur souhaite sincèrement de bien profiter de leur enthousiasme. J'aurais aimé le partager.
Bien sûr c'est beau. Quel spectacle ! Globalement, aucun reproche à la réalisation, à la photo, c'est très lisible et bien foutu. J'aurais aimé voir des transitions "swipe" (à volets, si je me fais comprendre...) à la Star Wars à la place des titres des lieux et de leur fonction, mais je pinaille. Dans un premier temps, je me suis d'ailleurs demandé si je ne regardais pas un James Bond tant le rythme y ressemble. Passée la surprise, le déploiement de moyens va crescendo, et mon implication au contraire s'est peu à peu amoindrie, jusqu'à regarder ma montre et sortir parfois du film.
Commençons par la fin, une fois n'est pas coutume. On nous a donc fait miroiter un film "qui tient debout tout seul". J'imaginais un petit film nerveux sérré comme un expresso. Mais pas du tout. C'est l'épisode 3.5 ou 3.9, comme vous voudrez, puisqu'il finit dix minutes avant l'épisode 4, dans une tentative désespérée de raccrocher les wagons bien comme il faut, au point de nous montrer (de face !) une Leia robotique aux yeux de merlan frit qui te donne carrément le titre de l'épisode suivant (au cas où t'aurais pas pigé, après la paraphrase de Bail Organa). C'est particulièrement lourdingue, foireux et maladroit. Prochaine étape : effacer les premières lignes du défilant ouvrant l'épisode 4 et les remplacer par "Cf. Rogue One". Comme déjà dit, le plan silencieux de dos suffisait amplement, serait resté élégant, et ne m'aurait pas propulsé pour la énième fois hors du film. La prouesse technologique avait déjà démontré ses graves carences, avec un Peter Cushing factice encore plus mort que mort (ironique quand on pense à ses Dracula), dont on apprécie la première apparition... Puis à la deuxième, troisième... On se rend compte qu'il a davantage de temps à l'écran que dans Un Nouvel Espoir. Où il déployait en revanche des merveilles de perfidité. Quelle insistance, quelle horreur, quel manque de naturel... Consternante nécrophilie. Je commence par là parce que c'est ce qui m'a le plus déplu. N'est pas Gollum qui veut. Le robot de service est loin d'avoir le charme des anciens, il m'a simplement rappelé les autres robots numériques des I Robot ou Chappie, rien d'inoubliable.
Mais hélas ce n'est pas tout.
J'ai trouvé le casting humain presque aussi foireux que le casting numérique. A part Mikkelsen, toujours impeccable, mais peu présent, qu'est-ce que c'est que ces personnages tout droit sortis des Gardiens de la Galaxie ? Un Chinois aveugle qui fait du Kung-Fu en psalmodiant sur la Force, un Maori qui le suit sans raison et qui se trimballe une couscoussière sur le dos partout où il va, un Pakistanais dont les motivations m'échappent, le personnage de Forrest Whitaker complètement WTF et dont il ne reste que des questions sans réponse... Diego Luna, parfait en bagagiste rigolo dans Terminal, est ici à côté de la plaque de A à Z. Tout ça ne rime à rien. Et surtout... La protagoniste principale, complètement translucide, sans aucune épaisseur, ni psychologie, ni charisme, ni motivation, rien du tout. De quoi regretter la fraîcheur de la (vraie) Carrie Fisher ou la candeur et la détermination de Daisy Ridley.
Je me suis d'ailleurs félicité de n'avoir aucune empathie avec ces protagonistes, c'est fort à propos, puisqu'ils disparaissent pour la plupart dans la mièvrerie comme dans n'importe quel film-catastrophe de ces dernières années, sans une goutte de sang versée. C'est vrai que le comble est qu'on est plus touché par le sacrifice du robot que par celui des humains... Et que dire de cette mode du destruction porn que rien n'arrête ces derniers temps ? Ca me laisse dubitatif. La bataille de Yavin à côté passerait presque pour une anecdote.
Une apparition furtive, classieuse et évocatrice de Vador était très attendue. On a eu le Vador en carton de The Force Unleashed, over-the-top, pompier, grandiloquent, qui colle des mecs au plafond pour le show. Beaucoup apprécieront, mais il n'a rien à voir avec le Vador de l'épisode 4 (soit un jour plus tard dans la narration, je le souligne) bien plus terrifiant, sans lever le petit doigt ou presque, car de surcroît on ne savait presque rien de lui à l'époque.
La Force. Parlons-en. Ou plutôt citons-la. Elle est constamment évoquée mais cruellement absente. Normal me direz-vous, a pu de Jedi. Mais pourquoi en parler autant ? Le merveilleux des films d'antan est oblitéré.
Pas mal de clins d'oeil pour les intégristes très à cheval sur les détails. Ce que beaucoup ont reproché à TFA, ils semblent ici s'en réjouir. Les deux emmerdeurs de la Cantina ont juste le temps de faire coucou avant de vite décoller pour Tatooine, puisque dix minutes plus tard, Jehda est rayé de la carte. Soit. Beaucoup de nouveaux engins, en particulier des chasseurs, qu'on ne verra jamais plus dans les épisodes 4,5 et 6. Soit. Belle reconstitution de la base rebelle de Yavin, un coucou assez grossier de 3-PO et R2, les pilotes copiés-collés de 1977 sont aux manettes de leurs X-Wings, emballez c'est pesé. Le cahier des charges est respecté.
La déception majeure viendra de la musique. J'aime beaucoup les scores de Giacchino, mais là, il a dû se sentir un nabot face à l'héritage de Williams, et on le comprend. Ca se traduit par une partition particulièrement fade, voire insipide, sans aucun relief. A écouter quand même seule le temps venu pour essayer de l'aimer, le disque n'a pas l'air disponible pour l'instant. Je lis que le pauvre Giacchino n'a pas eu le temps nécéssaire pour composer... La faute au français. Quoi qu'il en soit, c'est indigne. Ecoutez le score de Shadows of the Empire de Joel McNeely de 1996, vous serez surpris.
Ensuite, et là je pense que plusieurs trucs m'échappent, comment Mikkelsen a-t-il pu concevoir l'Etoile Noire si les plans de la dite étoile sont issus de Geonosis et remis à Sidious à la fin de l'Attaque de Clones ? Soit 22 ans plus tôt ?
Qu'est-ce que c'est que cette histoire de mine de cristaux ? Ces mêmes cristaux qui servent à la confection des sabres-laser ? Lapocompri.
L'île des archives de l'Empire (sur disques durs non cryptés s'il vous plaît) avec ses palmiers et sa grande antenne, bonne idée ou alors un coup de génie du syndicat d'initiative des Maldives ? La question reste posée.
TFA est donc réévalué à mes yeux par comparaison, légèreté, symbolisme, charme visuel de la Trilogie étaient pour moi bien palpables. Il en a dérouté (dégoûté ?) beaucoup mais je l'ai beaucoup aimé, et encore plus maintenant que j'ai vu cette splendide, mais glaciale, laborieuse, désincarnée, factice et assez consternante digression.
(Sinon la recette de ces spin-off est évidente, ils peuvent en faire des charettes pleines, il suffit de ménager des trous dans les scénarios. Je me suis souvenu de la phrase curieusement élusive de Maz Katana lorsque Han lui demande d'où sort le sabre de Luke : "une autre histoire pour un autre moment". Ca prend tout son sens maintenant. Voilà un autre film tout trouvé.)