Chronique de Numa Sadoul sur fb
Quatrième et dernière partie de L'ESPOIR MALGRÉ TOUT, le monument graphique d’Émile Bravo publié avec tant de soin par les Éditions Dupuis.
Il fallait bien que cela finisse un jour, je le sais ; mais le sentiment de vide qui m'a saisi en tournant la dernière page ressemble à celui d'un deuil.
Le deuil de toutes ces années où le héros généreux et "ingénu", son comparse idiot mais héroïque, les enfants des faubourgs et des campagnes, les Résistants et les collabos, les quartiers de villes belges et les forêts exemplaires, les convois sans retour des sacrifiés juifs, les histoires d'amour parfois difficiles, les amis sûrs et le fracas des explosions, les théâtres de marionnettes, les braves gens et les salopards, l'immonde antisémitisme, les artistes persécutés, la faim le froid, les envahisseurs ou les libérateurs, la peur mais l'espoir, l'espoir malgré tout, bref ce petit grand univers qu'un démiurge inspiré déployait devant nous, ce deuil, donc, dis-je, me traîne encore dans son sillage grisailleux, et je vais me refaire la collection complète d'une traite pour m'en libérer.
L'unité du monde peint par EB se révèle ici dans les nouvelles qui arrivent enfin de Kassandra, la lointaine "fiancée" que Spirou recherche depuis "Le Journal d'un ingénu", il y a treize ans ; nouvelles somme toute positives, mais cruelles pour le héros.
Et, cerise sur le gâteau, le profond encrage de cette fiction dans la réalité éclate sur les deux planches ultimes (no spoil) : un coup de théâtre qui m'a coupé le souffle et confirmé que j'avais bien entre les mains l'apex bouleversant d'une œuvre de haute tenue. Une œuvre qui est, pour l'instant, celle de la vie d'EB. Une œuvre qui transcende les genres et s'impose comme universelle.