Si je peux me permettre, c'est toi qui t'autorises à porter des appréciations sur la façon de noter des autres membres. Donc, fatalement, l'arroseur à un moment, finit par être arrosé.
C'est toi qui traites les autres de fanatiques ou d'idolâtres, manifestement la modération et la tolérance ne transparaissent pas de tes interventions.
Avant de décréter qu'untel ou untel est un fanatique ou un idolâtre, remonte un peu ce fil en amont et jette-un oeil aux notes décernées par ceux que tu dénigres ainsi, voire aux abstentions qui traduisent une retenue.
Ma fourchette, tous auteurs confondus doit aller de 7 ou 8 à 18/20. Et encore, il ne doit y avoir qu'un 7/20 et un seul 18/20. Et lorsque je n'ai pas lu ou ne garde qu'un vague souvenir, je préfère m'abstenir. Je ne viens pas ici dans l'idée de me défouler ou de provoquer par les notes décernées. Elles seront juste comptabilisées pour établir une moyenne, et elles ne sont pas laissées en fonction des autres notes. Enfin, je m'efforce d'être le moins influencé par les autres notes.
Sur ce, je te laisse à tes certitudes et à tes jugements. Mais pour ma part, il n'y a pas plus de Saint Franquin ou de Saint Janry que de beurre au cul de la chèvre.
S'agissant de Franquin (ou d'un autre auteur), lorsque je me prononce sur une de ses histoires, non seulement je prends en considération sa virtuosité graphique, son immense talent reconnu bien avant moi par plusieurs générations de lecteurs et par ses pairs, mais je tiens aussi compte de ses qualités narratives et littéraires. Manquant de temps pour concocter des histoires, Franquin n'en demeurait pas moins un des meilleurs pour découper une séquence (dans Le nid, comme ça, pris au hasard, j'ai le souvenir justement de la construction du nid, des plongées, contre-plongées, plans rapprochés, etc... un modèle du genre, où Franquin, via Seccotine, se révèle un excellent reporter animalier. Cette succession de vignettes, à elle seule, suffirait à éviter un zéro pointé...
) et pour faire mouche avec de succulents dialogues et une langue jamais relâchée, toujours à la recherche du mot juste et du bon mot (si possible). Cette aptitude se révèle dans Spirou et Fantasio, notamment lorsque Franquin est seul aux manettes et fera merveille ensuite dans ses gags pour Gaston ou les Idées Noires. Un peu moins pour Modeste et Pompon où je crois que Greg fournissait un scénario assez élaboré, à la différence des autres scénaristes.
Bon, à propos de ce nid, donnons la parole à Franquin. Ce dernier, au sortir de sa dépression, confiait à Numa Sadoul, en présence de Madame Liliane Franquin et de sa fille Isabelle, ne pas aimer "Le nid des Marsupilamis". Cette histoire le "faisait suer", selon ses propres termes.
Sadoul, alors de s'écrier :
"Quel sacrilège ! Alors, là, tu devrais avoir honte !" Et Liliane de surenchérir :
"Oh, oui, alors !... Que cet homme est irritant !"...
Isabelle Panichi :
"Il y avait quand même quelque chose de troublant, c'est que Le nid des Marsupilamis a été réalisé pendant la grossesse de maman. La gestation de cet épisode s'est exactement déroulée en parallèle de la mienne. Alors, tu peux (elle devait s'adresser à Numa S.)
essayer d'y voir certaines analogies : la recherche du nid, l'attente de la naissance, la couvaison, les enfants, etc..., il y a vraiment de ça, là-dedans !..."...
Sadoul :
"Moi, j'adore cette bande."Liliane Franquin :
"Moi aussi."Isabelle :
"Moi aussi."Franquin :
"C'est surtout assez mal dessiné, enfin, les Marsupilamis sont mal dessinés." ...
Franquin :
"J'ai fait mes décors tout seul, et c'est pour ça qu'ils sont moches !... Non, sérieusement, ils sont assez moches. Mais il fallait que ce soit clair, je ne pouvais pas dessiner une véritable forêt."...
Sadoul (conciliant) :
"Tu as peut-être raison d'ergoter sur la qualité du dessin, parce que tu sais mieux que personne comment tu aurais pu mieux réussir telle ou telle chose, mais ce n'est pas notre problème, à nous lecteurs, et je me permets de déclarer ici solennellement que cette superbe bande est un grand moment de ton oeuvre, voilà !"Franquin (toujours aussi autocritique) :
"Merci !... Et nous arrivons à cette histoire qui, elle, est vraiment moche : La foire aux gangsters (1958)." :lol: Incorrigible Franquin !
Je prends le parti d'en rire parce que le temps s'est écoulé depuis et que j'ose croire tout de même que Franquin, même mal en point, essayait de jouer avec Sadoul, s'amusait à le désarçonner avec des réponses proprement désarmantes. Mais, il y a dans cet échange quelque chose de pathétique, malgré la connivence entre Franquin et Sadoul et leur sens de l'humour respectif. Mais Franquin, visiblement, n'était pas totalement remis de sa dépression pour que le jugement qu'il portait sur son oeuvre fût d'une telle sévérité, aussi impitoyable. A mettre en parallèle avec l'autosuffisance de certains auteurs.