de Philemon » 18/01/2021 17:57
Une de mes plus belles expériences de lecture !
Et je parle bien d'expérience, car c'est vraiment qqchse que j'ai vécu d'une façon tellement différente d'une lecture classique de BD. D'ailleurs, je ne saurais pas vraiment à quoi comparer...
Tout d'abord, la lecture elle-même.
Je ne sais pas quel âge peut avoir le lectorat de C. Ware, mais moi, ce genre de pattes de mouche, il me faut dorénavant une loupe... C'est ce que j'ai utilisé, en me trouvant d'abord ridicule. C'est pas beau de vieillir...
Mais phénomène étrange, j'ai trouvé que ça faisait partie de l'expérience (voulue par Ware ?): avec ma loupe, j'avais l'impression d'ausculter la vie des personnages, de scruter le moindre détail caché, de chercher les indices me permettant de comprendre qui ils étaient... Enquêteur-Sociologue un brin voyeur.
Médiocrité des personnages ?
Le constat est facile, sans appel. Trop facile. Ce n'est probablement pas le but de Ware de disséquer et nous jeter à la figure la médiocrité de ses congénères. J'ai plutôt le sentiment d'une réflexion sur les parcours de vie, qu'est-ce qui peut faire la différence entre le bon du mauvais. Au départ, Rusty et Jordan sont des enfants mignons. Et petit à petit, ça dérape. Tout doucement, inéluctablement. Evènement après évènement, c'est à chaque fois le mauvais chemin qui est pris.
C'est intéressant de voir qu'il y a bcp de Ware dans les personnages (on y retrouve pas mal d'éléments de sa vie, de son caractère, de ses passions). Comme s'il se demandait ce qui fait la différence entre lui et eux. Voire peut-être s'il n'est pas devenu lui aussi un gros con ? D'ailleurs, l'expérience du miroir, du reflet dans la vitre, des lunettes, reviennent souvent.
Et au final, ça ne s'est peut-être pas joué à grand chose qu'il devienne lui aussi un gros con ?
Hasard et association d'idées et ressentis, j'ai revu il y a peu un film de Woody Allen, "Une autre femme". Probablement pas le plus connu, mais il m'avait marqué (inquiété, surtout). L'angoisse du regard - tout à coup lucide - posé sur sa vie, à la cinquantaine. A regarder sous euphorisant, sinon c'est dangereux...
Ce qui est étrange avec C. Ware, c'est que je ne suis même pas certain de savoir - ou même vouloir - recommander sa lecture... C'est tellement à part, tellement intime, et aucun des critères habituels ne colle ("c'est drôle, c'est bien dessiné, il y a du suspens, il dessine super bien les nibards", etc.).