Merci de nous rappeler une réalité que cachent les apparences.
Un marché mondial ?
Cela exigerait déjà une "éducation" à la bande dessinée dans les pays où elle n'est pas aussi bien implantée qu'en Francosuissobelgie. "Education" ? Disons plutôt "accompagnement progressif selon les âges", une implication émotionnelle de cette culture dès le plus jeune âge...
Réfléchissons : quelle est la raison qui nous fait apprécier ce médium ? La découverte spontanée des richesses qu'il contient ? Non : c'est dans notre enfance qu'est né le virus. Or, dans un pays où la BD pour enfant est abandonnée aux marchands (gags, dessins animés) ou aux éducateurs ("à-côtés" de vrais lectures), comment voulez-vous "embaucher" de futurs lecteurs ? J'ai l'impression que chez nous, la découverte de la BD-passion se fait plus tardivement qu'autrefois : à l'adolescence, avec les BD HF/SF et étrangères. Alors que dire des pays où il n'y a jamais eu ce genre de culture enfantine ?...
Accueillir de nouveaux lecteurs adultes via les romans-graphiques ou les BD à thèmes littéraires ou journalistiques (adaptations de romans, biographies, actualité, satire) ou faire prospérer la BD réellement adulte (histoire, contemporain) est une bonne chose... tant qu'on n'oublie pas les autres secteurs/âges !
Par ailleurs, pour valoriser notre BD au niveau mondial, il faudrait essayer aussi de ne pas focaliser sur les thèmes trop culturellement marqués : les recherches artistiques actuelles ont tendance à pousser les lecteurs de plus en plus loin dans une culture parfois très régionalisée et qui a surtout d'abord nécessité tout un background de BDphile pour y accéder : le troisième degrès, en BD, par exemple, ne peut être compris que par ceux qui ont déjà eu accès aux degrès précédents. Cette BD là aura forcément beaucoup de mal à s'exporter. En tout cas en masse...
Et surtout, il faudrait retrouver cet élan créatif proche des lecteurs qui fait la force des autres BD internationales. Chez nous, le "populaire" fait peur, alors que c'est sur lui que les bons auteurs peuvent s'appuyer pour dynamiser le secteur : le pire disparaîtra rapidement pour faire place au meilleur... qui lui pourra s'internationaliser.
Un exemple de BD online francophone, populaire par nature, puisque créée uniquement pour des lecteurs, qui ont accompagné l'auteur tout le long de la création, sans intervention d'un éditeur durant les 50 premières planches :
Primal Zone (Gabrion). Qu'on ne vienne pas me dire que cet auteur s'est vendu au diable en outrepassant (certes temporairement) le microcosme des éditeurs ! Cette BD n'a PAS été écrite pour des critiques distingués, mais elle ne transige en rien sur la qualité créative.
Maintenant imaginez une telle BD online, avec un modèle économique correct (à définir), et des bulles internationalisées, le tout avec un bon accompagnement médiatique, au sein d'un "magazine virtuel" ayant une ligne éditoriale cohérente et reconnue : vous aurez la BD mondialisée (et donc rentable) du futur !