de pierryves » 22/03/2013 15:56
A mon sens, le décalage ne vient pas du fait qu'on écrive pour un enfant ou pour un adulte. Il vient de ce que l'environnement culturel d'un môme de 1959 ou de 1970, par exemples, et de 2013 n'ont rien à voir.
Exemple tout simple (venu d'ASTERIX - désolé - parce que c'est le premier et le plus parlant qui me vienne à l'esprit) : lorsque Goscinny écrivait un dialogue comme :
- Mais que fait César ?
- Il affranchit le rubicond
Un môme de 10 ou 11 ans pouvait comprendre le gag parce qu'il étudiait Vercingétorix et la guerre des Gaules en primaire. Alors qu'aujourd'hui, je ne suis pas certain que même un bachelier comprenne cet excellent jeu de mots.
Ce que les gamins pouvaient comprendre à l'époque, aujourd'hui seuls des adultes peuvent le saisir. Non pas parce que les gamins de 2013 seraient moins intelligents que ceux de 1959 ou 1970, comme certains pessimistes tentent de nous le faire croire, mais simplement parce que la culture (au sens général du terme, pas au sens "ministère de la culture") n'est plus la même. Et n'oublions pas que la tv était absente du quotidien et que la lecture était autrement plus répandue chez les enfants qu'elle ne l'est maintenant. Les Franquin, Goscinny, Hergé, Greg, Charlier, Tillieux etc... écrivaient pour des personnes qui lisaient beaucoup plus qu'aujourd'hui (et pas que de la BD). La qualité de ce qu'ils proposaient devait donc être bonne pour des lecteurs habitués à Stevenson, Verne, Dumas, Doyle, Hugo, Melville...
Sans oublier le côté "instruisez-vous en vous divertissant" très présent dans la BD de l'époque de la loi de 1949 sur les publications pour la jeunesse. Il y avait de manière latente un côté "culture générale" dans les petits Mickey de cette période qui servait de socle et qui n'existe plus aujourd'hui. Ce qui avait bien sûr ses avantages et ses inconvénients, notamment une certaine rigidité (période Franquin) par rapport à la liberté de ton moderne (Tome & Janry). Mais c'est pour cela que les vieux SPIROU & FANTASIO, TIF & TONDU ou GIL JOURDAN sont encore très lisibles aujourd'hui pour les adultes (et le seront encore un bon moment). Ce qui ne sera pas forcément le cas des plus récents. Cet aspect ayant disparu depuis pas mal d'années.
SPIROU étant ancré dans son époque, les auteurs font naturellement ce qui est à l'image de celle-ci : des histoires basées sur l'action pure, inspirée éventuellement de l'actualité. Et tout doit aller vite parce que c'est le rythme actuel du monde. Est-ce que les derniers albums seront toujours lisibles dans 20, 30 ou 50 ans ? On s'en fout. Ce n'est même pas le problème, je pense. Comme ça ne l'a, de toute façon, jamais été ; Franquin faisait SPIROU pour nourrir sa famille et lorsqu'il avait terminé une histoire, il passait à la suivante sans revenir en arrière. Il n'aurait jamais imaginé en 1956, par exemple, faire l'objet d'un tel culte au siècle suivant pour une série qu'il n'appréciait d'ailleurs que moyennement.
Quant au dernier album, plus je le relis, plus je trouve que Vehlmann est un fumiste.
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pierryves le 22/03/2013 22:11, édité 1 fois.
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