J'adore pourtant Yann (...) Il a d'ailleurs été un des premiers auteurs anti-conformistes de Spirou dans les années 80.
Ce qui représente bien évidemment le summum de l'art scénaristique

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Comment dire ? L'anticonformisme est une qualité dès lors qu'il s'agit de s'adresser à une population adolescente ou adulte-rebelle (anti-conservatiste, anti-capitaliste, anti-marketing, anti-modes, etc...). Bref, une population qui se retrouve et se regroupe dans cet état d'esprit qui lui permet de rester actif, vivant et critique (à défaut de constructif, parfois...).
Ainsi, lorsque le journal PILOTE évolue en accompagnant ses lecteurs-enfants vers l'adolescence puis vers le jeune-adulte soixante-huitard, puis le jeune-adulte yéyé, puis le soixante-huitard attardé, puis qu'il s'associe à CHARLIE-HEBDO pour un chant du cygne culturo-pathétique pré-bobo, l'esprit anti-conformiste avait une certaine logique : celle de rester en phase avec son public.
De même, les "Hauts de Page", "l'Elan" (quelque part), "Animal-lecteur" et "la Balise" représentent l'esprit "bouffon du roi" qui ose affirmer tout haut ce que personne n'ose évoquer, ce qui permet à une structure de ne pas s'endormir dans un conformisme effectivement sclérosant... tant que ça reste ponctuel, mesuré et parallèle !
Pour autant, la structure en question (le journal Spirou, la série Spirou) n'a pas pour vocation à devenir elle-même anti-conformiste : ses bases, son propriétaire, son histoire, son public traditionnel (et ce, même s'il évolue avec le temps)... rien dans Spirou ne permet réellement une évolution de cette nature (ou alors, en tant que pastiche, à diffuser dans un autre média).
Bien au contraire, pour moi, Spirou devrait rester le garant d'un certain conformisme propre à l'enfance... qui pousse logiquement ses lecteurs à en avoir marre, un jour, et à passer vers une BD plus réfléchie, plus anti-conformiste et rebelle (idem Ric Hochet, Alix, Tintin...)... ce qui n'exclue pas de produire une BD de qualité (sachant qu'il est faux de penser que "qualité = anti-conformisme") !
Le problème, c'est que l'effet "nostalgique" incite les lecteurs de Spirou à vouloir garder leur personnage fétiche MAIS aussi à le voir évoluer (vers plus d'anti-conformisme) qui correspond mieux à leur âge et à leur tempérament (qui a changé avec le temps). D'où cette "schysophrénie" : "on veut pareil, mais plus rebelle, plus moderne" !
Ne serait-il pas plus sage de s'en tenir à ce que représente réellement SPIROU pour la jeunesse, et de passer à d'autres BD si l'on veut de l'anti-conformisme... ou de profiter de la nostalgie SPIROU en tant que telle, c'est à dire, un personnage qui parcourt le temps sans vieillir, qui suit les moeurs des enfances des diverses époques (Franquin et la technologie, Tome et l'évolution des sociétés dans le monde, et pourquoi pas Morvan et une BD dynamique propre au manga... même si de mon point de vue, ce n'était pas réussi) ?