J'aurais peut-être dû créer un nouveau sujet comme Messer le demande, mais vu ce que je pense de ce "Journal d'un ingénu" et d'une manière générale des "Spirou vu par", je ne suis pas le mieux placé pour ce faire.
A travers tout ce que j'avais lu ici et ailleurs sur cet album, je m'attendais à le détester, puisqu'il me semblait s'inscrire dans une démarche que je ne partage pas du tout.
Effectivement, je l'ai détesté. Mais pas forcement pour les raisons auxquelles je m'attendais, enfin pas toutes.
Je m'attendais à lire quelque chose qui se rapprocherait moins de "Spirou et Fantasio vu par..." que de "Rémi sans famille vu par...". Finalement non (en fait, oui, si l'on parle de la "prequel" dans Spirou Mag. Au passage, j'ai trouvé la référence - certes subtile - à la pédophilie très déplacée)
Concernant l'album en lui même, j'ai plus eu l'impression d'avoir affaire à "Forest Gump vu par..."
Certains passages ne manquaient pas de charme ;
[spoiler]Je pense en particulier à la jeune fille blonde dont [strike]Jean-Baptiste[/strike] Spirou ne connait pas le nom, sa relation avec le boxeur, etc.[/spoiler]
Il y a plusieurs points scénaristiques qui m'ont fait bondir, principalement liés à la personnalité des personnages (c'est à ça que je ne m'attendais pas, pas à ce point) :
[spoiler]Fantasio, en partie responsable de la seconde guerre mondiale ? Qui ne se sent pas plus coupable que ça ? Et la chose présentée avec le même ton humoristique qu'une gaffe à Gaston ???
Spip voulant détruire l'humanité, et, ce faisant, également responsable de la seconde guerre mondiale, mais de manière volontaire ?????
[/spoiler]
Car voilà, selon moi, le noeud du problème, qui fait que cet album fait écho étrangement à "Machin qui rêve", dont il est pourtant totalement dissemblable : ce n'est pas un Spirou.
Oui, le personnage central s'appelle Spirou (euh, non, Jean-Baptiste, comme Seccotine s'appelle Sophie...
). Oui, il est roux. Oui, il est habillé en groom. Mais à part ça...
Je vais me répéter, les arguments étant les mêmes que pour MQR, mais : rien dans cet album ne correspond à Spirou, pas à celui que j'apprécie en tout cas.
Pas les personnages, même si je ne les trouve pas autant "défigurés" (pas au sens visuel mais scénaristique) que dans MQR (sauf Spip, et je ne pensais pas la chose possible) ;
Pas l'univers, qui pour le coup n'a rien à voir dans l'esprit à celui qui me plait (peut-être se rapproche-t-il des périodes Rob-Vel et Jijé, que je ne connais pas).
Et puis je ne comprend pas cette volonté de vouloir expliquer de manière réaliste un univers qui ne l'est pas par essence : Spirou est courageux et altruiste parce que c'est un héros et qu'on s'identifie à lui ! Spip est intelligent parce que c'est un animal de bd loufoque ! C'est tout ! Irait-on expliquer pourquoi Dupilon est ivrogne ? Ah, c'est sûr que ça lui donnerait de la profondeur, à Dupilon, si on racontait les détails sordides de sa vie qui l'ont fait se retrancher dans la boisson. Mais quel intêret, à part bousiller le potentiel comique du personnage ?
Cette démarche, selon moi complètement inappropriée pour Spirou, tue le charme de la série.
D'accord, ce n'est pas la série, ce sont les one-shots, donc plus de liberté. Sauf qu'il m'avait semblé qu'au départ, la série "vu par..." devait officiellement permettre à divers auteurs de faire de vraies aventures de Spirou. Bien sûr en y apportant leur touche personnelle, mais en conservant l'esprit de la série.
Que ce soit "Spirou" et "Spirou vu par", c'est le respect des contraintes faisant l'identité de la série qui rend l'exercice interessant. Sinon, ça ne sert à rien, autant proposer son propre univers.
Cependant, malgré mes vociférations, je dois quand même reconnaitre que l'album a une ambiance particulière et parvient très habilement à s'insérer dans un contexte historique. S'il était sorti dans une autre collection, en changeant les noms des personnages pour lui ôter une parenté artificielle avec une série-mère, je lui aurais certainement trouvé plus d'attrait (plus, en tout cas, que MQR si lui aussi était sorti dans les mêmes conditions).
"Vous ne vous êtes pas demandé si le Temps n'était pas tout bonnement l'Espace qui aurait pivoté de quatre-vingt-dix degrés ?" (L'Econome de l'Université de l'Invisible d'Ankh-Morpork)