Dernières lectures :
Cotton Point - Pete Dexter :
A Cotton Point, Géorgie, on n'a pas pour habitude de s'emmerder avec les recouvrements de dettes, surtout quand c'est des négros qui jouent à se sentir plus d'importance qu'ils n'en ont réellement.
Et Paris Trout est le dernier homme de Cotton Point à emmerder sur le sujet. Ce qu'on lui doit, on lui doit. Point. Ce petit merdeux d'Henry Ray, il faut qu'il paye ! Il a signé ! C'est bien la preuve qu'il doit lâcher son fric, que Paris Trout est dans son droit !
Paris Trout.
Rien que le nom fait à la fois rigoler et frissonner.
Car vous le savez, Paris Trout, tout juste soixante balais, va attraper un 45 à son magasin, va y insérer un chargeur plein et bordel, il va venir récupérer son dû. Il a signé ! Il doit payer !
Les années 50, Cotton Point, Géorgie, une ville américaine de plus où la peau d'un Noir ne vaudra jamais celle d'un Blanc. Mais il y a plus encore dans ce roman, il y a une sensibilité exacerbée, il y a ces rapports homme-femme dans le couple marié à une époque où la femme se mue en être libre et n'accepte plus la contrainte.
Pete Dexter réussit indubitablement ici un grand roman noir. Et puis ce nom, Paris Trout.
Nymphéas Noirs - Michel Bussy :
Vincent, Paul, Camille, Mary, et les autres...
Nymphéas noirs est le roman d'un auteur intelligent, cultivé et bosseur qui a su intégrer à son récit - ses récits- suffisamment de références à la culture française que le lecteur ne s'ennuie pas un seule seconde à la lecture de ce roman noir normand.
Je passe volontairement sur l'intrigue, certes, mais c'est dans le but pratique de ne pas l'édulcorer, elle pourrait gagner à surprendre encore.
Bussy réussit à étreindre Aragon, Monet, Ellroy et à tromper tout le monde.
Car non, Nymphéas noirs ne porte aucun rapport avec le célèbre Dahlia Noir de l'Américain. Il y a certes crime, mais nous sommes à mille lieues des collines de Los Angeles.
Non, Bussy trompe son monde parce qu'en temps qu'auteur, la solution de l'énigme lui apparaît tellement distinctement, qu'il va devoir tout embrouiller afin de tenir sur la longueur, 500 pages tout de même.
Les références sont maîtrisées mais certains écueils font mal aux yeux : les dialogues sortent à peine d'une pièce de boulevard, les enfants ne se comportent jamais comme ça ou seulement dans les souvenirs d'un auteur, les hommes et les femmes s'aiment sans nécessairement se "noyer dans le regard" de l'autre.
Et l'artifice, cette sensation d'être un jouet, de se sentir berner, amener puis enlever, emporter sur de fausses pistes, tout ça conduirait à un profond désamour si n'étaient les références justement, celles qui évoquent Monet et Aragon. On se dit qu'au moins on s'endormira moins con.
Le Roman de Bergen, tome 1 - Gunnar Staalesen :
Le Roman de Bergen s'étire mollement, il prend le temps de s'imaginer grandiose -ce qu'il deviendra sans doute- et de déployer chacun de ses membres, un par un, vaguement attirés par la puissance d'un crime, celui du consul Frimann devant sa maison de Bergen, le 1er janvier 1900.
La séance d'étirement passée, il faudra être patient et se demander jusqu'à quel point le lecteur pourra-t-il l'être ? Chaque membre va ainsi s'étendre jusqu'à Bergen sans qu'on y saisisse vraiment grand chose. Sagement assis, on assiste un peu contraint à un spectacle qu'on aurait imaginé tout autre. C'est là sans doute la limite de la scène de crime inaugurale : comme prétexte, et seulement comme tel elle ne vaut pas grand chose tandis qu'on se délecte des premiers chapitres où elle est exclusivement traitée.
On comprend alors que l'ambition de Staalesen est tout autre, que l'envergure de son idée s'étend à l'Histoire elle-même. Bêtement, et sans avoir lu les tomes suivants, je me demande si la résolution de ce premier crime ne suffisait pas à faire un très bon livre.