Occupé ailleurs (un déménagement d'enfer) ça fait un moment que je ne venais plus sur le topic. A sa lecture des derniers jours je retrouve une problématique qui existe depuis les premières apparitions publiques de Johnny (la télé début des années 60)
Sur le terrain musical (je laisse de côté les autres approches, le pognon, les peopoleries, etc...) dés le début il y eu un hiatus : le rock "français" qui trouait l'écran avec Johnny venait APRES celui de la haute époque ricaine des pionniers, Elvis, Buddy, Chuck and so on. Or nous, jeunes ados, nous connaissions ces modèles, grâce aux disques surtout et un peu la radio.
Et il n'y avait pas photo ! Le rock, c'était les ricains, point barre.
Mais dans le même mouvement, abreuvés que nous étions de belles chansons françaises au rythme plan-plan (et de qualité, mais musicalement on se faisait chier), les 3 accords de base du rock à la Johnny avaient balayé tout ce répertoire gentillet, chez nous, en France, et en français, par un gars pratiquement de nôtre âge. Grande nouveauté, tremblement de terre !
Pour ma part, la syncope vocale de "Sou-ouvenir, sou-ouvenir" m'avait fait bondir de ma chaise quand le "clip" est passé à la téloche familial (ce devait être vers 1960, et j'avais 15 ans). Mon père m'a alors dit "Tu me déçois !". Cet échange, gravé dans ma mémoire, symbolise tout ce qui allait suivre dans cette histoire de conflit générationnel, qu'incarna alors Johnny (et davantage l'intello Antoine, peu après)
Il y a eu une vraie rupture à ce moment là, alors même que nous préférions bien sûr au franchouillard Johnny l'authentique rock anglo-saxon. Cette contradiction nous faisait apprécier Hallyday pour la rupture qu'il nous offrait avec tout le répertoire d'après-guerre, tandis que nous courrions aux concerts de ...Chuck Berry venu en Europe (dés 1964 j'ai vu ce dernier à l'Olympia, suivi de Bo Diddley, Vince Taylor, et tutti quanti, le public c'était des loubards de banlieue et des petits-bourgeois en phase révolte, quasi toute une génération)
La vraie rupture c'est la trajectoire devenue à son tour plan-plan de Johnny, militaire bien sage (le rebelle va se marier), et débordé par des groupes d'enfer qui le reléguèrent pour nous dans sa case "rock français laborieux et imitateur". Normal, on pouvait comparer avec l'original, avec la venue à Paris des Animals (vus à l'Olympia en 1965 avec leur version de house of the rising sun, ou les Beatles, vus au Palais des sports la même année...des années-lumières devant Johnny).
Bien sûr, ce dernier avait toujours son public, mais l'effet de surprise des débuts estompé, il apparaissait comme un chanteur yé-yé un peu caméléon, bon show-man (mais pour l'apprécier il fallait aller à ses concerts, et honnêtement le peu de fric dont nous disposions allait plutôt aux rockeurs US ou GB, du moins dans le milieu qui était le mien).
Après, j'ai suivi son parcours à travers les médias, et quelques chansons. J'avais toujours en mémoire la "scène inaugurale" de 1961 ou 1960, rappelée plus haut, et je gardais de l'estime pour ce Johnny surgi de l'écran.
Je l'ai trouvé excellent au cinéma, une présence indiscutable. Et la scène du stade avec "allumez le feu" dans le film avec Lucchini m'a presque fait regretter de n'avoir assisté à aucun concert (car sur grand écran la sono à fond, mes poils se sont dressés sur mes avants-bras)
Depuis quelques jours c'est le hourvari des récups médiatiques et politiques, toutes les vieilles gloires et les fans transis y vont de leur anecdote (dans le tas, il y en a de remarquables d'authenticité et d'émotions). Moi, je reste sur mon sou-ouvenir, ça me fait du bien.