de mon côté, l'intérêt pour un bouquin sur le Bataclan est bien plus important que celui sur une guerre qui a eu lieu il y a 100 ans et sur laquelle on a déjà glosé sur des kilomètres
Ben justement, parce qu’il y a plus de chose à dire sur une guerre de 100 ans qu’une soirée. C’est en ça que je me demande ce qu’apporte un tel livre ? Certes, j’y étais pas, mais bon, le contexte « clos » de la situation fait qu’il n’y a pas 50000 solutions possibles, donc il est assez facile de s’imaginer ce qui peut se passer dans la tête de quelqu’un dans une telle situation : la peur de mourir, comment s’échapper, comment faire le mort s’en se faire repérer, comment fuir sans s’en prendre une, la frustration de se sentir impuissant devant la menace, etc…
Alors bien sûr, un survivant ira plus dans le détail, mais en gros, c’est certainement les questions abordées. Je suppose qu’il n’a pas pensé à ses prochaines vacances à Barcelone pendant ce temps là. Donc encore une fois, qu’est ce que ça apporte qu’on ne sache pas ? L’essentiel on l’a, on le connaît. Et la grande différence entre cette soirée et la seconde guerre mondiale par exemple, c’est la durée et la multitude des expériences selon le lieu, le contexte, l’époque, etc… Donc là oui, ca peut être intéressant de recouper tous les témoignages possibles afin de se faire une idée globale plus juste de la vérité.
Mais 2000 personnes enfermées dans une pièce qui se font canarder par 4 connards pendant 2 heures. Qu’est ce qu’il y a à raconter ? Et à peu de choses près, on peut facilement le deviner comme je l’ai expliqué plus haut. Et au final, que ce soit au Bataclan ou dans une ruine en Syrie, c’est à peu près les mêmes questions qui tournent certainement essentiellement au rapport avec la mort et la survie.
Tous ces gens, près de 2000 pour le Bataclan, ont des parents, des frêres des soeurs des femmes des maris, des enfants. Fait le calcul et tu t'apercevra que c'est colossal.
Mais colossal ou pas, ça ne change pas grand-chose. Comme je le disais, c’est la pauvreté de ce qu’il y a à raconter. Tout ce qu’il y a dans ton bouquin est certainement prévisible. On se doute bien tout ce qui t’es venu à l’esprit, la peur que tu as pu avoir, etc… J’ai pas besoin que tu me la racontes d’autant que ça me servirait à quoi ?
On parle de trauma national, ce n'est pas sans raison
Personnellement, je ne suis pas traumatisé par ça, j’en ai vu d’autres dans ma vie.
Que tu te foutes de mon trauma, cela ne me touche pas, mais ne retire pas l'intérêt que pourrais en avoir les autres.
Je ne conteste pas l’interet que pourrait avoir les autres, mais dans ce cas, à mes yeux, ça tient plus du voyeurisme que du désir d’informations car comme je l’ai dit, y a pas grand-chose à raconter quand on est planqué 2 heures dans une fosse.
J’ai un ami qui a survécu aux attentats de 1995, Tati a explosé juste devant lui quand il passait dans la rue. Il s’en est sorti avec une cheville foulée et c’est tout. Il n’en a pas fait un bouquin pour autant et quand je lui ai demandé ses impressions, sa seule réponse à été « j’ai eu du bol ». Sur le coup j’étais surpris mais après je me suis dit « c’est vrai ? Qu’est ce qu’il peut me raconter d’autre à part me décrire la scène de chaos qui a suivi l’explosion après ». Et ca s’arrête là et c’est pareil dans ton cas même si tu as une expérience un peu plus poussée.
Le mal être fait parti de l'humanité. N'as tu pas ressenti de douleur, à lire, entendre, un artiste sortir ses tripes sous une forme ou une autre
Non
Cet évènements n'est pas qu'un simple soir, il a des causes, des racines que je tente de voir mais surtout j'essaye d'exprimer une perte dans notre société.
Ben justement, tu sors de ton rôle. Parce que t’as survécu à un attentat ca fait de toi un spécialiste des attentats pour autant ?
j'essaye d'élever le débat sans le nourrir de haine, bien au contraire.
Mais je n’ai aucune haine. Encore fois, c’est la démarche opportuniste qui me dérange, c’est tout. Et encore une fois, pas spécialement venant de toi mais de ton éditeur qui a trouvé le bon coup grâce à toi.
Les conférences, interventions sont en cours, une est planifiée, j'espère en faire d'autres. Je me sers de l'opportunité qui m'est donné pour exprimer une idée qui m'est cher, celle que le monde irait mieux si on arrêtait de foutre la merde partout.
Ben t’as du boulot parce que depuis que l’Humanité existe, ça n’a pas beaucoup changé
tu ne pourra nier que se savoir commun est un élément rassurant pour tout un chacun quand il s'agît de douleur.
Personnellement je m’en fous
Maintenant une chose et une seule chose que je ne tolère pas que j'ai lu c'est la remise en cause de mon statut de victime
.
Je ne remets absolument pas en cause ton statut de victime, je reproche simplement à ton éditeur de l’exploiter
Une autre chose Baba, que tu ne peux percevoir parce que ce n'est pas ton vécu, dont je parle parce que c'est un des points central du trauma, la confrontation à une nouvelle réalité.
Je n’ai jamais vécu d’attentats, mais j’ai vu pas mal d’horreurs dans ma vie. Et j’ai jamais eu besoin de consulter un psy ou d’en faire un bouquin. C’a fait parti de mon expérience de vie, je la garde pour moi et c’est tout. La confrontation a une nouvelle réalité, oui, je peux le comprendre, mais encore une fois, il n’y a que toi qui puisse la comprendre car ca fait partie intégrante de ce que tu as vécu, c’est dans ta chair et ton âme jusqu’à la fin de ta vie.
Celle de la guerre, à contrario de la nôtre commune.
Non, moi ce n’est pas ma guerre. Je ne suis en guerre avec personne, c’est plutôt les autres qui me font la guerre
Cette incapacité à aborder ces deux réalité est perturbante mais surtout inconprehensible. Un décalage nait entre toi (victime) et les autres
C’est bien pour ça que je dis que ce bouquin ne parle qu’à toi.
mais finalement ce qui gène aussi peut être baba (il nous dira) c'est que ce livre soit "à vendre" et se vende comme des petits pains semble t-il?
Oui et non. Plus qu’il soit à vendre qu’il ne se vende bien. Simplement, ça ne parle qu’à ceux qui sont concernés. Donc ça aurait mieux de le faire financer par un organisme public par exemple et de l’offrir aux victimes et survivant comme moyen « thérapeuthique » si ça peut aider.
Moi je ne suis pas traumatisé par l’évènement et j’en ai rien à branler. Quant à savoir ce qu’il a vécu, je peux aisèment l’imaginer dans les grandes lignes, donc où est l’interet de lire la projection de mes propres pensées (qui seraient certainement identiques pour vous tous aussi) si je m’imaginais dans sa situation ? Et ce que véritablement je ne pourrai deviner et ressentir parce que justement je n’ai pas vécu cette expérience, ca me servira à quoi ? Je peux deviner qu’il a fait dans son froc et qu’il a eu peur. Voilà. Mais je ne pourrai jamais imaginer l’intensité de cette peur, sa durée, la manière dont elle l’a torturée pendant 2 heures dans cette fosse car lui seul en a fait l’expérience. Ok . Mais en même temps, ça m’avancera à quoi de savoir tout ça ? A moins d’avoir un petit côté voyeur morbide ?
Encore une fois il s'agît d'un procès déplacé, se soucis t'on des salaires des présentateurs télé par exemple ?
Ca n’a aucun rapport. Le présentateur est dans un contexte normal et gagne son fric par le fruit de son travail. Il ne le gagne pas par l’opportunité d’un évènement.
En ce cas attaquons les reporters de guerre, les photographes aux grandes idées dont les livres se vendent par milliers
Idem, aucun rapport. Comme je le disais au début de mon message, ils ont une réelle histoire à raconter par la richesse des évènements vécus. Dans ton cas c’est quoi ? Avoir été enfermé pendant quelques heures avec 4 fous furieux. Qu’est ce que tu vas nous apprendre ? On se doute bien que vous avez eu peur, que l’instinct de survie est fort, qu’on pense à comment s’échapper, à peut être se résigner à mourir, etc… Ton histoire c’est comme un scénario qui tient sur une feuille. Les reporters de guerre ont 1000 choses à raconter et à témoigner. Des choses vraiment utile parce qu’il y a une différence entre être enfermé dans un théâtre pendant 2 heures et couvrir un conflit pendant des mois, dans différents lieux, avec différentes, personnes, etc…
Si j'ai l'occasion, non pas de devenir riche, on ne devient pas riche par ce biais là, mais de vivre de ma passion je ne crois pas que cela soit un soucis, et si vous en voyez alors vomissez tranquillement, c'est pas ça qui va me choquer,
C’est pas que tu te fasses du fric le cas échéant, qui dérange, c’est (sans prendre de gants) bien que tu aies été un survivant qu’il n’y ait finalement pas grand-chose d’intéressant à raconter et j’ai déjà expliqué pourquoi. Donc partant de là, on se demande bien l’interet d’un tel bouquin et les motivations qui l’entoure.
Toujours la même réponse je ferais, se soucis t'on des motivations d'un éditeur en général ? Par exemple l'association ? L'éditeur de Maus ? Dois je continuer ?
A part Delcourt et ses BD sur le 11 septembre qui effectivement mérite bien qu’on lui crache à la gueule, une BD comme Mauss est un mauvais exemple dans ta défense. Car comme expliqué plus haut, dans cette BD il y a matière à raconter. C’est pas une soirée entre potes qui a mal tournée qu’il raconte. C’est ça que tu ne sembles pas saisir. A limite si vous aviez été pris en otages pendant 3 jours, ca aurait commencé à avoir un début d’intérêt car il y aurait réellement un « vécu » des pistes qui partent dans tous les sens selon les gens, ce qui s’est passé pendant 3 jours, etc… Mais là que s’est il passé ? 4 gugusses arrivent et flinguent à tout va pendant 2 heures. Et pendant 2 heures des gens se planquent comme ils peuvent en attendant les secours. Ca fait peu pour faire un bouquin quand même et encore une fois, on peu facilement imaginer ce qui vous est passé par la tête pendant tout ce temps, si on se projette dans cette situation. Et ce qui est vraiment hyper personnel, on en pourra jamais le comprendre et le ressentir à ta place. Donc ça sert à quoi ?. A mon avis à pas grand-chose. Ton public c’est les survivants comme toi et les familles de victimes, c’est tout.
Je rappelle que le but ultime des terroristes du Bataclan était notamment de tuer toute forme de liberté, d'art, de dialogue et de liberté de parole. De tuer, avant, pendant et après (extrémisme oblige), toute forme de penser qui n'irait pas dans leur sens (le culte sans culture).
Mais personne ne l’empêche d’écrire son bouquin. Perso je lui dis seulement que ça me semble inutile pour les raisons que j’ai évoquée et pour ces raisons, que l’on peut douter des motivations profondes (du moins de l’ éditeur)
Certaines victimes survivantes de la Shoah n'ont jamais pu en parler à leurs propres enfants, certains soldats n'ont jamais évoqué leurs propres guerres (14-18 ou Algérie)
Encore une fois, ce n’est pas comparable. Tu ne peux pas comparer des années de guerre avec un massacre qui a duré 2 heures.