Spike_Spiegel a écrit:« Est-il nécessaire que je boive ma propre urine ? Non et pourtant je le fais car c'est stérile et j'aime ça. ». Réplique culte du film Dodgeball, un film certainement unique, dans le 7è art, sur le jeu/sport de la balle au prisonnier. Le traitement qui lui est accordé dans le 9è art est tout aussi rare et pourtant, Merwan s'y colle et j'aime ça ! On pourrait se dire que l'auteur a pété un câble, qu'il s'est pris une balle en mousse lancée bien trop fort dans sa tête mais non l'essai est réussi, j'ai adoré. Ça ne plaira pas à tout le monde mais laissez moi vous expliquer ma lecture et mon ressenti (léger spoiler possible).
L'aventure commence et nous plonge dans un monde, notre monde, dévasté. Guerre nucléaire très certainement doublé de catastrophes écologiques. Le monde est divisé, des sociétés se sont créées, certains y sont assimilés (comme Willis, habitant de la cité agricole de Pan), d'autres rejetés (comme Aster). Néanmoins ces deux là s'aiment bien et partent tout deux à l'aventure, récupérer des matériaux abandonnés afin d'acheter le peu de nourriture disponible à Pan, le riz. Un beau jour des émissaires de Fortuna (une colonie bien plus grande et puissante) souhaite rattacher Pan. Une promesse leur est faite, une protection accrue. La contre partie ? Des denrée alimentaire à fournir. La petite colonie semble n'avoir qu'un choix et pourtant la Mécanique Céleste pourrait bien les aider. Mais qu'est ce donc ? Un tournoi de balle aux prisonniers pardi, permettant à Pan de refuser l'offre de Fortuna. Si ils gagnent deux manches sur trois, c'est la victoire et l'indépendance, si ils perdent c'est l'annexion et un taux de denrée alimentaire plus élevé. Que le match commence !
Au delà du jeu, il y a des thématiques sous-jacentes. Dans un premier temps, le cataclysme qui, j'en suis persuadé, nous menace et grandement. Le changement climatique amènera très certainement des bouleversements sociétal, des conflits, des guerres et le pire peut arriver si rien n'est fait. Cette situation n'est pas ubuesque et la vision de Merwan crédible. Vient ensuite la création de nouvelles sociétés. Un peu comme Shangri La on a envie de croire qu'en recommençant à partir de zéro ou presque, l'humain peut gommer ses erreurs passés. Faux. Nouvelles croyances, racisme, violence, gouvernements corrompus, le tout recommence et l'histoire ne serait qu'une répétition. Prenons Aster (trouvée bébé dans un panier) qui pourrait être comparée à Moise, qui va sauver un peuple du grand dictat. Alors non elle n'écarte pas l'eau mais elle lance des balles dans la tronche. Aster que je pourrais également comparer à Juliette, l'amour impossible etc.
Revenons à nos moutons et attention ici on ne tire pas à balle réelle mais pourtant ça fait mal. Les armes utilisés pour propulser les balles sont tout sauf décoratifs. Si le premier match semble banal, la suite révèle de belles surprises. Les décors sont utiles, pas là pour combler les cases. Merwan envoie du bois avec ses dessins, prenant un plaisir immense à mettre vie à cette partie de balle aux prisonniers. Graphiquement c'est réussi, c'est fluide, c'est vivants, c'est punchy. Les couleurs sont douces et agréables à l'oeil. Le dynamisme de chaque match est parfaitement retranscrit.
Alors oui certains pourront dire que ça va vite, trop vite peut être. Mais soyons clair, on est balancé dans ce monde pour une partie de Mécanique Céleste, pas plus. On comprend certains liens entre les personnages, des histoires passées sont évoquées mais pas détaillées. A nous de nous faire notre propre histoire, d'imaginer des situations. Elle vient d’où la queue de renard que porte Aster par exemple ? C'est aussi ça cette bd, l'appropriation du lecteur au monde offert. Je ne vais rien vous cacher, j'en aurais repris pour 200 pages et je prie l'auteur de conserver ce monde. Je veux revoir Aster, Willis et tous les autres car étrangement, même si on n'a pas beaucoup d'info sur eux on s'y attache. Mais si c'est un doux rêve, je m'imaginerai leur vie en dehors de l’œuvre. C'est une parenthèse (non sans défaut je vous l'accorde) qui nous est offerte, on entre dedans, on jette un œil et puis s'en va. Il faut accrocher j'en convient, mais de mon coté j'ai été happé et c'est certainement l'un de mes coups de cœur 2019.
ça c'est clairement ce qu'on peut appelé une belle critique, et qui peut donner envie de sauter le pas pour les indécis