nexus4 a écrit:Ah il parait que Francois Sureau a lui aussi légèrement tancé le président lors de ses voeux. Le Monde publie le texte mais l'article est reservé aux abonnés. Déjà, rien que le début en imaginant le son de sa voix.
https://www.lemonde.fr/politique/articl ... 23448.html
François Sureau a écrit:
L’avocat, écrivain et académicien et, par ailleurs, ami du président de la République, François Sureau, a regretté, lundi 8 janvier devant l’Académie des sciences morales et politiques, la multiplication des entorses aux libertés individuelles. Ces critiques s’ajoutent aux reproches formulés le même jour par Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, après le vote de la « loi immigration ». Voici l’intégralité du discours de François Sureau.
Document. Entre tous les sujets qui s’offraient à votre sagacité collective, vous avez choisi le plus périlleux. La justice est une vertu ; juger est un péché. Toute notre tradition nous l’enseigne, du Livre de Samuel aux Evangiles. Dans ceux-ci, on s’en souvient, le juge est mis plus bas que tout, plus bas que les prostituées, les soldats ou les percepteurs, au point que le maître de Nazareth recommande, en cas de dispute, de préférer l’arrangement privé. Là-dessus d’ailleurs ces textes prolongent simplement la méfiance qui exsude du Livre d’Amos, si magnifiquement commenté par Rachi [Rabbi Chlomo ben Itzhak HaTzarfati, rabbin et exégète français 1040-1105] : « Ils changent le droit en plante vénéneuse et foulent aux pieds la justice » et Rachi d’ajouter, prêtant à Dieu sa voix : « Mais ils ne se souviennent pas des transformations que j’opère, moi qui change le désespoir en matin ».
Bien sûr, dans l’autre sens, les spécialistes relèvent l’origine biblique de la procédure contradictoire. Dieu, pourtant omniscient, connaissant donc à la fois l’acte et l’intention, ne prononce aucun jugement avant d’avoir entendu l’homme et la femme, sinon le serpent, et d’avoir confronté leurs témoignages. Mais on peut aussi y trouver l’idée, qui n’est pas précisément réconfortante, qu’aucune procédure ne tient si elle n’est pas mise en œuvre par un juge bienveillant.
« Une sorte d’effroi devant l’exercice de la justice »
Je voudrais donc distinguer les institutions de la justice de la faculté de juger. Les premières sont à l’évidence nécessaires et l’exercice de la seconde continue de m’inspirer une sorte d’effroi. La fréquentation des cours et des tribunaux n’y a pas aidé. Il faut dire que la technique du droit, dont pourtant on ne peut se passer parce qu’elle vise à mettre à l’écart les passions, met souvent à l’écart aussi l’humanité, et même parfois les principes. Lorsque j’étais au Conseil d’Etat, j’étais frappé par les trésors d’ingéniosité qui pouvaient s’y trouver déployés pour ne jamais rapporter une question apparemment technique à son principe fondateur, ou bien, si tel était le cas, pour en dire le moins possible.
C’est frappant si on compare nos grandes décisions, par exemple, à celles de la Cour suprême américaine, opinions dissidentes incluses. Il est vrai que notre droit semble parfois, au rebours du leur, moins transcendantal qu’historique ; on s’explique mieux, si l’on s’en souvient, que le propre de la juridiction administrative n’est pas à proprement parler de garantir les droits du citoyen, mais d’éduquer l’Etat à les respecter, ce qui est très différent.
A celui qui la pratique, l’idée vient assez vite que la valeur qui l’inspire, jusque dans les exercices délicats de la balance et de la proportion, est, non pas relative à la valeur prééminente de l’existence individuelle, mais à la nécessité d’assurer, dans la durée, un ordre social acceptable par tous. Un commentaire comme celui du juge Brandéis dans sa célèbre opposition dissidente sur Olmstead (1928), est proprement inconcevable chez nous. Aussi bien, comme le relevait Robert Badinter, sommes-nous le pays, non des droits, mais de leur Déclaration.
« La liberté est l’exception et non la règle »
Contrairement à la bonne idée que nous avons de nous-mêmes, la liberté est l’exception et non la règle, sauf pour quelques décennies de la IIIᵉ République, si l’on oublie bien sûr l’expulsion des religieux et la dissolution des congrégations, qui seraient aujourd’hui condamnées par la CEDH [la Cour européenne des droits de l’homme] ; et pour les années heureuses qui séparent la grande décision du 12 janvier 1977 du Conseil constitutionnel de la première décennie de notre siècle [qui a jugé non conforme la fouille des véhicules, au nom de la liberté individuelle]. Relativement à la question des droits fondamentaux, nos errements sont de toutes les époques.
Il suffit pour s’en convaincre de relire la somme que Maurice Garçon [avocat, 1889-1967] a consacrée à la justice de la IIIᵉ République, que nous voyons pourtant comme le temps béni d’une justice libérale. La censure morale s’y donne libre cours comme aujourd’hui, et la justice d’exception de même. Un fil noir relie à l’évidence la répression de la Commune, des menées anarchistes, des résistants, des collaborateurs, des tenants de l’Algérie française, des attentats terroristes. S’y déploie la même idée saisissante, si répandue dans le personnel politique français de toutes les époques, que la garantie des droits est un obstacle à une répression efficace.
Cette idée est d’autant plus forte, comme il arrive souvent, qu’aucun élément de fait ne vient l’étayer. Les pays qui pratiquent rigoureusement l’habeas corpus [les pays anglo-saxons] n’ont pas un taux de punition des crimes et délits inférieur au nôtre, au contraire. Peut-être faut-il voir dans cet état d’esprit, qui nous fait préférer l’incessante modification des normes à la réflexion sur les pratiques, un trait du caractère national. Il en résulte une confusion sur laquelle je reviendrai, et qui a eu pour effet de dégrader les grands principes sans en obtenir aucun progrès dans le domaine de la sécurité publique ni dans le sentiment que l’opinion peut en prendre.
Je vais donc tenir, afin d’apporter je l’espère utilement, ma contribution à vos débats, des propos qui pourront vous paraître sévères. Je vous prie de ne pas oublier qu’ils sont dictés par l’amour de nos institutions judiciaires au sens large. Celui qui a eu pendant près de quarante ans affaire à la justice, et je ne parle pas ici bien sûr de la vertu, mais de l’institution, peut reprendre à son compte, à propos de l’institution même, les mots que Paul Valéry a mis dans la bouche de M. Teste s’adressant à lui-même : « Je me suis détesté, je me suis adoré ; puis, nous avons vieilli ensemble ». Dans cette contribution j’emploierai, vous me le pardonnerez j’espère, un ton souvent personnel, mais après tout le thème que vous avez choisi est « Regards sur la justice », et il n’y a pas de regard collectif. J’évoquerai aussi en passant, pour prendre congé d’eux, certains souvenirs que j’ai gardés de ce monde en équilibre instable entre Daumier et Portalis [Jean-Etienne Portalis, philosophe du droit, 1746-1807], entre le sourire et l’ennui.
« Les juges maintiennent le patrimoine immatériel des droits »
Parce que je dois cette invitation qui me fait honneur à l’amitié de Bruno Cotte [ancien président de la chambre criminelle de la Cour de cassation] et de Bernard Stirn [ancien président de la section du contentieux du Conseil d’Etat], je me défends mal contre une sorte de nostalgie. Je revois le conseil d’Etat de mes débuts, auquel dans la suite je vais consacrer quelques critiques. Il est de bon ton aujourd’hui de le vouer aux gémonies lorsqu’il ne souscrit pas aux passions de l’époque, de la même manière que le Conseil constitutionnel ou la Cour de justice de l’Union européenne. Cette critique porte le plus souvent à faux, parce qu’elle se réclame de la souveraineté populaire contre le gouvernement des juges. Mais un peuple, traversant l’histoire, ne peut être réduit à sa seule forme actuelle. Celui d’aujourd’hui n’a pas, ne saurait avoir, le pouvoir d’anéantir les principes que celui d’hier et d’avant-hier a voulu faire advenir, et au prix de quels sacrifices. Je continue de savoir gré à nos juges, où qu’ils servent, de vouloir maintenir contre les vents et les marées de l’opinion, ce patrimoine immatériel dont nous avons tout lieu d’être fiers.
Aussi je revois le grand couloir tendu de rouge où sont passés tant d’anonymes supérieurs, tout occupés des soucis de l’Etat, des libertés et du pouvoir, composant de mystérieux précipités dans leurs éprouvettes, avant de rouler dans la retraite et dans l’oubli. Nommé dans cet empyrée, et pourvu d’un titre qu’avaient porté et Stendhal et Renaud de Saint-Marc, qui avait été mon professeur, le roi n’était pas mon cousin. Je me disais que la France devait à mes nouveaux collègues une partie de sa beauté et de son charme, parce qu’ils avaient empêché les catastrophes que peuvent provoquer l’amateurisme politique, l’enthousiasme bureaucratique ou le culte des opinions.
Les vivants de la confrérie célébraient seuls le culte de leurs morts, en passant bien sûr sous silence les démérites de ceux qui avaient laissé leurs noms au bas de ces arrêts portant sur « la qualité de juif au sens de ». Il n’y avait alors au Palais Royal qu’une seule photocopieuse et l’on recopiait les précédents à la main, ce qui était la cause de la précision du tir et de l’imperatoria brevitas [l’impératif de brièveté]. Le président [Jacques] Chardeau, dont nous avions lu les conclusions d’après-guerre, et était l’héritier de Caillebotte [le peintre Gustave Caillebotte], nous avait reçus en nous disant en souriant que quand il était entré lui-même, la tradition voulait que les auditeurs reversent la totalité de leur traitement à la caisse de secours du personnel, ce qui donne une idée du milieu auquel ils appartenaient.
On évoquait [Jérôme] Solal-Céligny [membre du cabinet de Michel Debré], au souvenir duquel m’attachaient des liens quasi familiaux, mort tragiquement d’une chute de cheval après avoir collaboré à la rédaction de la Constitution. Les révoqués de 1941 y côtoyaient les anciens du cabinet du maréchal, les pilotes de la RAF, les attentistes de 1943, et personne n’en parlait jamais. On disait que Tony Bouffandeau, président du contentieux, avait laissé à son départ une feuille où étaient inscrits les noms de cinq membres qui devaient lui succéder, et qu’il ne s’était pas trompé. Je n’avais pas encore compris que la phrase « J’ai quelques doutes » signifiait : « Je vous tiens pour insuffisant », et « J’ai les plus grands doutes » voulait dire « Vous êtes un parfait crétin ». C’était un autre monde, comme dit Jouvet dans Quai des Orfèvres, un monde tout de mesure que les vagues du temps léchaient sans le mouiller.
« Si la civilisation est un vernis, les cours suprêmes sont le vernis de ce vernis »
Comme nombre d’autres, j’ai pu ressentir de l’impatience devant ces atmosphères prudentes. Si la civilisation est un vernis, les cours suprêmes sont le vernis de ce vernis. Je me défends à présent contre cette impatience, parce qu’elle est désormais partagée d’un côté par les chevaliers du bien, qui nous préparent en toute inconscience un monde amnésique et cruel, de l’autre par les mordus de l’efficacité politique pure. L’activiste a remplacé le citoyen, le communicant a remplacé le ministre. Dans ce paysage souvent désespérant, l’appareil judiciaire, des cours suprêmes aux juges d’instruction, paraît la dernière institution sociale où se trouve porté jour après jour le témoignage irremplaçable de ce que nous avons voulu être en tant que nation.
Les critiques que je vais formuler ne portent donc que sur les manifestations les plus éclatantes d’une sorte d’infidélité à soi-même dont les juges ne sont d’ailleurs pas les premiers responsables. Nous sommes le pays de la lutte entre l’autorité judiciaire et de l’autorité politique pour la définition de l’intérêt général dans ce qu’il a de plus essentiel, et cette lutte a traversé tout l’Ancien Régime jusqu’à vouloir réduire les juges à n’être que cette bouche de la loi qu’on pouvait fermer avec des rubans rouges.
Dans le mouvement des trente dernières années, qui nous a vus, contrairement au conseil de Gide, suivre notre pente en la descendant plutôt qu’en la remontant, les Cours elles-mêmes ont moins lâché prise que la classe politique ou l’opinion. Je vous proposerai donc de m’accompagner dans un voyage d’hiver, la neige des entraînements, des habitudes, ayant recouvert nos monuments institutionnels au point qu’il devient difficile d’en discerner les formes. On s’en rend mieux compte si l’on rapporte les évolutions de ces dernières années à deux principes simples sur lesquels nous pouvons tous, je crois, tomber d’accord : (1) la justice doit être digne du citoyen libre. (2) La justice doit garantir l’existence du citoyen libre. La question est de savoir si nous maintenons, ou si nous dégradons, cet idéal.
« Les droits ne sont plus le centre de notre Etat de droit »
Peut-être [Giorgio] Agamben a-t-il eu raison d’écrire que nous avions changé de monde en admettant, même sans en avoir une conscience claire, que les droits ne soient plus le centre de notre état de droit, mais qu’ils puissent être compris comme une simple concession du pouvoir. Ainsi les droits sont-ils désormais largement définis dans leur essence comme dans leur étendue, par les titulaires des offices, politiques ou judiciaires, au lieu d’être ce point de fuite inaltérable par rapport auquel toutes les perspectives s’ordonnent. Si bien que le rôle du juge ne peut être séparé de celui du législateur.
Je ne parle pas ici seulement du spectacle affligeant donné par certains membres illustres du parquet terroriste faisant les couloirs des commissions des lois pour obtenir la diminution des garanties des présumés coupables. Si l’on reste attaché, comme le veut la tradition libérale, au rôle du juge, on ne peut manquer d’être frappé de la manière dont ce rôle peut se trouver d’une part obscurci par l’évolution de la conception que nous avons des lois, et d’autre part empêché par la tendance du législateur à vouloir transformer le juge en fonctionnaire du tarif répressif. Les peines planchers ou l’automaticité en disent long à cet égard, tout comme l’émotion qui s’empare de la classe politique après qu’un drame a suivi une mise en liberté prononcée en toute conscience par un juge indépendant.
Il ne sert à rien d’affirmer que l’autorité judiciaire est gardienne des libertés, si le juge se trouve contraint par la loi, directement ou de manière implicite, de l’exercer dans un sens qui n’est précisément pas celui des libertés. Ceci ne vaut pas seulement pour les injonctions particulières, mais pour les procédures – le référé détention à l’initiative du parquet, absolument incohérent par rapport à la mission du juge d’instruction – ou par l’esprit général d’une législation. Dès lors que l’on crée une incrimination d’association de malfaiteurs à but terroriste, sur laquelle je reviendrai, on crée par là même une incitation à en user qui ne va nécessairement pas dans le sens des libertés.
D’autant que l’incrimination ayant été créée, la Cour de cassation, chambre criminelle, l’a étendue dans son application aussi loin qu’il lui était possible, réduisant à peu de chose l’exigence de l’élément intentionnel et pratiquement à rien l’exigence de l’intérêt matériel. Je recommande la lecture de l’arrêt du 10 janvier 2017 à tous ceux qui veulent prendre une vue réaliste de ce que la formule du « juge judiciaire gardien des libertés » peut recouvrir. On y lit en toutes lettres que l’infraction n’implique pas une intention individuelle mais l’adhésion à un projet collectif de trouble à l’ordre public par l’intimidation. Les mots parlent d’eux-mêmes.
« La transformation du sens de la loi »
Il est un autre élément à garder en mémoire pour apprécier la situation de l’institution judiciaire, c’est la transformation du sens de la loi. La vérité est qu’elle ne correspond plus guère à la définition qu’en donne la Constitution dans son article 34 ; si l’on se souvient que les articles 20 et 21 [le gouvernement détermine la politique de la Nation] sont également passés de mode, c’est la définition même de l’exécutif et du législatif, qui sont au fondement du dispositif constitutionnel, qui a cessé sous nos yeux d’avoir cours.
Là-dessus, s’agissant de l’article 34 [qui délimite le domaine de la loi], Laurent Fabius, s’exprimant devant vous en novembre de l’année dernière, a eu des paroles définitives, qui sont moins remarquables par leur originalité que parce qu’elles ont été émises par le président en exercice du Conseil constitutionnel. Que la plus haute autorité constitutionnelle du pays indique froidement qu’un article central de la Constitution a cessé de produire de bons effets mérite au moins réflexion. Rien n’indique, rassurez-vous, qu’il se passera quelque chose, et si la réforme constitutionnelle qu’on nous promet depuis six ans finit par advenir, vous pouvez être sûrs qu’elle passera à côté de ce point essentiel. Car la classe politique, dans la situation où elle se trouve, a besoin de l’inflation législative pour laisser croire qu’elle agit.
Le troisième pouvoir, qui comme on sait n’en est pas un mais une autorité, se trouve inévitablement affecté par ces évolutions. Il l’est, plus profondément encore, parce que l’exercice du pouvoir de juger, si du moins il doit être conduit conformément à l’idéal de la Déclaration [des droits de l’homme et du citoyen], suppose des lois simples, claires, peu nombreuses, et qu’un large pouvoir d’appréciation soit reconnu au juge. Il n’en est plus rien, et c’est le pont aux ânes de la sociologie administrative que de le relever.
« Un Code pénal modifié 133 fois en dix ans »
Laissez-moi vous donner quelques éléments de pur fait. Le Code pénal a été modifié 133 fois en dix ans. Le code de 1810 recensait 500 infractions. Le code actuel en établit plus de 15 000, 16 374 exactement si on rajoute les infractions douanières et fiscales. Plus généralement l’activité législative s’apparente à une rivière en crue. De 1958 à 1981, le Journal officiel ne change guère. A partir de 1981, la bonde est lâchée, aboutissant à une croissance de près de 100 %. Un membre du conseil d’Etat, Christophe Eoche-Duval, s’est livré récemment à une analyse exhaustive de Légifrance, aboutissant à cette notation effarante qu’au début de l’année 2022 le stock net de « mots », au sens de normes, s’élevait à 44 millions. Les amateurs de pittoresque y trouveront d’innombrables occasions de se réjouir. Le président Gabriel Vught a eu là-dessus, à l’intention des jeunes auditeurs que nous étions, une formule définitive : « Le Journal officiel n’est pas fait pour ceux qui vont l’appliquer, mais pour ceux qui vont y croire ».
Et tout cela, dans d’innombrables cas, en pure perte. Arnaud Philippe, dans son livre « La fabrique des jugements » [La Découverte, 2022], auquel je vous renvoie, cite parmi d’autres l’exemple d’une réforme du Code pénal, décidée en 2007, le chef de l’Etat [Jacques Chirac] s’étant ému, à juste titre, du décès de plusieurs enfants attaqués par des chiens. Un texte crée donc 24 nouveaux délits, 25 contraventions de 4ᵉ classe et une infraction de 4ᵉ catégorie dans la nomenclature du ministère de la justice. La mort causée par un chien dangereux devient une circonstance aggravante du délit d’homicide involontaire. Dix ans plus tard, une seule condamnation avait été prononcée. Il y avait bien eu depuis 1 250 condamnations, mais toutes les peines prononcées avaient été permises en l’absence de la loi.
Le législateur contemporain ressemble à la fois à Dieu, qui fait exister les choses en les nommant, à l’athanor [le four alchimique] des faits divers, et à un caporal d’intendance, qui règle avec passion des points de détail. On peut rêver sans mesure sur cette préférence pour la norme, qui à la fin n’en est plus une, et qui est sans exemple dans les Etats comparables. Les raisons de cette évolution dépassent évidemment le cadre de mon propos. Peut-être la paix civile nous paraît-elle si peu assurée qu’il faille l’obtenir en quelque sorte par force, et dans les détails, parce que si le moralisme est partout la morale commune a disparu, et que seule la loi, fût-elle adultérée, nous paraît avoir le pouvoir magique d’assurer cet assentiment public aux institutions dont parle Pascal. La loi, et non le jeu ordinaire des institutions, judiciaires en premier lieu.
« Un mélange incompréhensible pour le citoyen »
Il n’y a pas non plus de justice rendue au bénéfice des citoyens sans une définition claire des fonctions de chacun des acteurs. Là aussi, le spectacle auquel nous assistons est bien curieux. La France est un étrange pays, visiblement gouverné par le principe de l’échange des rôles. Chacun y fait le travail d’un autre. Les ministres twittent comme des journalistes et parlent comme des fonctionnaires. Le premier ministre a disparu. Les éditorialistes forment le shadow cabinet de toutes les oppositions. Des brigades de folliculaires miment les pratiques de la police judiciaire. La répression judiciaire des actes politiques l’emporte. Les parlementaires se rêvent juges d’instruction et convoquent l’une après l’autre des commissions d’enquête.
Si l’on prend l’institution judiciaire, on est frappé par le même travers. Le parquet se voit chargé de la police administrative des manifestations. La garde à vue est utilisée comme un instrument du contrôle des foules. Le président des assises ou du tribunal correctionnel refait à la barre le travail du juge d’instruction qui, lui, est absent du débat public. Le parquet se transforme, même au bénéfice d’une homologation, en juge, par le jeu de la reconnaissance préalable [de culpabilité] ou de la convention judiciaire d’intérêt public.
Je mentionnerai en passant, à titre d’exemple, la confusion due à la concurrence des juges administratif et judiciaire dans la défense des libertés publiques. Cette confusion, qui a débouché sur un mélange, incompréhensible aux yeux du citoyen, de la police administrative et de la police judiciaire, a évidemment été accrue par un recours immodéré à l’état d’urgence. Plaidant en référé-liberté, il y a quelques années, sur la question du renouvellement de l’état d’urgence antiterroriste, j’ai été frappé de ce que la représentante du gouvernement – c’est-à-dire en l’espèce, parlons franc, du ministère de l’intérieur – insistait sur la permanence de la menace terroriste, qui n’était pas près de disparaître.
J’ai donc demandé si, dans ces conditions, l’état d’urgence avait vocation à être indéfiniment maintenu et les garanties élémentaires suspendues par voie de conséquence. La réponse m’a surpris, et c’est un euphémisme. L’état d’urgence, d’après ce fonctionnaire, avait vocation à demeurer en vigueur jusqu’à ce qu’on ait enfin pu transférer au juge administratif la compétence générale de protecteur des libertés. J’ai cru que les murs de Jéricho allaient s’effondrer devant cet étonnant aveu claironné par la trompette policière. Rien ne s’est produit, et le débat a continué sous la houlette bienveillante du président Stirn.
Je cite cette anecdote parce qu’elle révèle la confusion des esprits. La digne représentante du gouvernement se faisait sûrement des illusions sur la docilité du juge administratif. Et il s’en faut de beaucoup que j’adhère entièrement à l’exposé remarquable du président [de la Cour de cassation, Guy ] Canivet sur la « décomposition », ce sont ses termes, de la protection constitutionnelle de la liberté individuelle, telle qu’il l’a décrite dans un article de 2021. Le juge judiciaire n’est pas libéral par nature. Le juge des libertés et de la détention est surtout, comme le savent ceux qui l’ont pratiqué, un juge de la détention. Son intitulé relève de l’imposture légère qui s’attache aux titres dans notre monde contemporain, où l’exécuteur des hautes œuvres s’appellerait sûrement, par la grâce de l’Etat, « défenseur de la vie », si on décidait de lui redonner du travail.
Le juge judiciaire agit dans le cadre de la loi ; que celle-ci vise trop large, et, quand bien même serait-il animé des meilleures intentions, il n’en pourra mais. Nous apprenons Voltaire à l’école, et ces juges moitié singes et moitié tigres dont il parle à propos de l’affaire Calas, et voici nos législateurs, étendant à l’infini le domaine du soupçon, encourageant ces mêmes juges à disposer, dans le vague des rédactions qui servent à incriminer, des libertés de la nation entière.
« La pente dangereuse de l’état d’urgence »
Cette référence à l’état d’urgence me conduit à en examiner brièvement la problématique. Je ne vous infligerai pas un développement juridique, mais je voudrais simplement relever ce qui sous-tend le recours à ces pratiques. Le Conseil d’Etat l’a rappelé récemment, depuis 2015, c’est-à-dire pour sept années, la France aura vécu la moitié de la période sous le régime dérogatoire de l’état d’urgence, antiterroriste ou sanitaire. Ce qu’on peut y voir, en prenant un peu de recul, c’est une étonnante perte de confiance dans la vertu et les possibilités de nos institutions de droit commun. D’ailleurs, en se retirant, si je puis dire, les états d’urgence ont laissé derrière eux nombre d’innovations qui se sont incorporées à ce même droit commun.
A grands traits, l’état d’urgence antiterroriste consiste à retirer des pouvoirs au juge judiciaire pour les remettre à l’administration. C’est supposer qu’un fonctionnement normal n’aurait pas permis de poursuivre les méchants. C’est adhérer à l’idée que nos institutions ne vaudraient que pour les temps calmes, et la garantie des droits du citoyen avec elles. Rien de tout cela ne peut être admis sans examen. Pour les avoir fréquentés, je ne trouve pas qu’un procureur ou un juge d’instruction antiterroriste doivent être rangés dans la catégorie des humanistes bêlants, là où le sous-préfet ou le président du tribunal administratif seraient habités par nature par le sens de ce qu’un Etat doit à une collectivité meurtrie par des attentats criminels. Mais il fallait paraître faire quelque chose de décisif.
Cette pente est une pente dangereuse. De même que l’est, mais c’est un autre débat, même s’il lui est connexe, cette tendance à la reconnaissance du motif politique ou religieux dans la répression du crime. Il est je crois tout à fait indifférent que le criminel ait prétendu agir au nom de telle religion, de telle idéologie. Une justice antiterroriste est, relativement aux principes, dégradée par nature simplement parce qu’elle reconnaît une valeur particulière au motif politique, lequel seul fonde en définitive son existence. Là-dessus je vous renvoie aux remarquables développements de Léon Blum critiquant, dans La revue blanche, les lois de 1893, dites lois scélérates, organisant la répression des menées anarchistes. Nous nous y sommes faits. Ce n’est pas une raison.
« Un délinquant chevronné n’y retrouverait pas ses petits »
Trop souvent ces questions essentielles sont vues comme procédant du pur corporatisme : avocats contre magistrats, magistrats contre avocats, juges administratifs contre juges judiciaires, parquet contre instruction, police contre tout le monde et corps préfectoral en embuscade, au cas où on libérerait un assassin corse qui a purgé sa peine. Ces luttes existent, bien sûr, mais elles sont anecdotiques. La seule vraie question est de savoir si ces dérives institutionnelles rendent plus efficace une répression nécessaire ou si elles placent seulement le citoyen dans un état d’incertitude préjudiciable à l’exercice de sa souveraineté. Le citoyen doit savoir à quoi s’attendre. Il doit savoir sur qui compter. Il ne doit pas pouvoir être intimidé par l’Etat, et, plus prosaïquement encore, il doit comprendre ce qui lui arrive. Il ne s’agit pas ici à proprement parler des droits du délinquant en tant que tel, mais du droit de ce citoyen qu’un simple moment sépare de la commission du mal, comme l’a si bien exprimé Simenon dans ce chef-d’œuvre qui s’appelle Lettre à mon juge. C’est en définitive du climat d’une société tout entière qu’il s’agit.
Et là-dessus, nous n’y sommes pas du tout. Prenez, pour rester concret, le déroulement de la justice pénale. Le prévenu a eu affaire à la police ou au parquet. Il a passé des heures dans le bureau d’un juge d’instruction. Le voilà à l’audience. Son juge, pour parler comme Simenon, n’est pas là. Du haut de son poste surélevé, l’accusateur public, c’est-à-dire le parquet, reste silencieux pendant que le président refait l’instruction à la barre. Un délinquant même chevronné n’y retrouverait pas ses petits. Bien sûr, il en résulte un pittoresque auquel un esprit littéraire est sensible et dont les chroniques judiciaires recueillent les traces, dont l’une des plus belles reste la réponse d’un malfrat comparaissant autrefois aux assises de la Seine. Le président feuilletant un dossier épais lui jette d’un ton las : « Je vois que vous avez déjà été condamné de nombreuses fois ». A quoi notre homme répond fièrement : « Ah oui, monsieur le président, mais ça ne compte pas, c’était en province ! »
Plus sérieusement, il ne faudrait pas de grands efforts pour rendre ces séances simplement intelligibles : que le parquet s’exprime d’abord, comme il convient, pour dire ce que la société reproche au prévenu ; que le président et la cour, et le public, entendent le rapport du juge d’instruction, comme il est fait, aux noms près, devant les organes de sanction des autorités administratives. Après tout, aux assises, le président procède bien à la lecture de l’ordonnance de renvoi. Après quoi le débat s’engagerait, témoins inclus, sur la base de la proposition du magistrat instructeur présent à l’audience.
« Nous n’avons pas d’habeas corpus »
Il y a dans notre système bien d’autres défauts avérés, dont on se soucie assez peu. Je n’en citerai qu’un : comme nous n’avons pas d’habeas corpus [le droit à ne pas être emprisonné sans jugement], le régime de la détention provisoire est bien commode. On est détenu sans jugement un, deux, trois ans. Après quoi vient le moment de juger. Quand bien même le prévenu n’aurait mérité que six mois ferme, s’il a fait un an de préventive [de détention provisoire], c’est à cette peine qu’on le condamne, parce qu’une institution ne se déjuge jamais. Ces errements sont bien fâcheux. A tout cela il serait assez simple, me semble-t-il, de porter remède, sans même songer à appliquer in extenso le célèbre rapport [en 1991 ]de Mireille Delmas-Marty.
La vérité est qu’à peu près tout le monde en convient. Puisque je me suis laissé aller tout à l’heure aux confidences, je vais solliciter votre indulgence à nouveau. Lorsque j’ai été nommé avocat aux conseils, je suis allé me présenter selon l’usage au premier président de la Cour de cassation et aux présidents de chambre. Par les hasards du calendrier, ils sortaient tous de leurs fonctions au moment où j’entrais dans les miennes, bien plus modestes. La conversation fut passionnante. Chacun d’entre eux m’expliqua ce qu’il aurait fallu faire, de la réforme du filtre en matière de justice constitutionnelle jusqu’à la réforme du système des audiences. Je me suis gardé de leur demander pourquoi ils n’y avaient pas pensé avant et les ai quittés à la fois admiratif et songeur.
Je n’ai donné que quelques exemples concrets de ces fractures qui me paraissent assez faciles à réduire. Il en est d’autres qui le sont moins. Je veux parler ici de la langue de la justice, de la conversation judiciaire, fascinantes aussi bien pour le juriste que pour le littérateur. Il y a d’abord cet abîme infranchissable entre les mots du tout-venant et les mots de la justice. Là-dessus les commentateurs se partagent en deux espèces. Au rang des optimistes il y a Gide, dont vous vous souvenez qu’il s’était fait désigner – heureuse époque – comme juré d’assises pour pouvoir en écrire.
Lorsqu’on lit ses Souvenirs de cours d’assises, on voit que pour lui, rien n’a échappé au discernement, chacun à sa place, des magistrats professionnels ou du jury. Sur l’autre bord, il y a Giono, saisi d’effroi de voir le président des assises, dans l’affaire Dominici, traiter de ce que Giono prend pour un drame antique en usant du vocabulaire de la causalité bourgeoise, un peu comme si Ulysse était jugé par Paul Bourget. En ce domaine sans doute, il n’y a pas de règle générale, et rien qu’on puisse imaginer changer pour le meilleur.
« L’antidote des juges constitutionnels »
Trop peu digne du citoyen libre, notre justice en garantit-elle l’existence politique ? Je n’en suis pas absolument sûr. Je dirai un mot de sa partie sommitale, la justice constitutionnelle, avant d’en venir à la justice pénale dans son rôle politique au sens large. J’insiste sur le fait que je n’entends pas critiquer les juges eux-mêmes, à quelque cour qu’ils appartiennent. Il me semble que nous sommes tous responsables de ce que notre système est devenu au fil du temps, opinion, partis, parlements, gouvernements.
Notre justice constitutionnelle mérite bien des éloges. Partie d’à peu près rien, c’est-à-dire de ce rôle de gardien de la compétence réglementaire auquel les fondateurs de la Vᵉ République avait prétendu la cantonner, elle a su, depuis 1971 et 1977, et depuis la création des questions prioritaires de constitutionnalité, faire respecter ce patrimoine immatériel des droits qui est étrangement chez nous un objet de débat récurrent alors même que l’invocation républicaine est sur toutes les bouches.
Il faut savoir gré à ces neuf juges d’avoir défendu qu’on puisse, comme en 1793 ou en 1815, assigner à résidence par décision de l’autorité préfectorale, ou incriminer quelqu’un à raison de sa consultation d’un site, entre autres constructions délirantes auxquelles tout le monde dans la classe politique avait consenti, sans que personne puisse raisonnablement espérer de ces errements aucune efficacité particulière. C’est bien le Conseil constitutionnel qui constitue le dernier antidote à cette passion si française d’écrire les lois non en fonction de la réalité, mais de la manière dont les bureaux de l’administration l’appréhendent.
On trouve, à cet égard, dans le registre des délibérations du Conseil constitutionnel pour 1977, une perle que je vous livre. Il s’agit d’un propos de Roger Frey, alors président, dont les plus anciens se souviennent qu’il n’avait que peu de choses en commun avec [l’ancien président de la Ligue des droits de l’homme] Henri Leclerc. « Le président remercie Monsieur Coste-Floret de son rapport et formule deux observations. Il rappelle que le Conseil compte dans ses membres deux anciens ministres de l’intérieur, fonction que pour sa part, il a conservée pendant une longue durée. Ceci lui a permis, tout comme à son collègue, de constater que l’administration a toujours dans ses cartons d’innombrables textes de circonstances qui, en fait, ne servent à rien et dont l’adoption serait lourde de dangers. Il n’y a pas de mois où l’on ne propose à un ministre de l’intérieur un texte limitant la liberté au motif qu’il faciliterait l’action de la police ». Tout est dit. A notre perte collective de sang-froid le Conseil constitutionnel a opposé depuis vingt ans une résistance tranquille qui n’est pas sans grandeur. Il est frappant qu’il ait été à peu près seul à le faire.
On peut trouver la raison de cette relative solitude dans la manière que nous avons de bouter le respect du droit en dehors du cercle des finalités de l’action publique. La conséquence est évidemment que l’administration, le gouvernement, le parlement, s’en tiennent facilement quittes et comptent sur le Conseil pour faire respecter à la fin les tables de la loi. Je ne sais si cette façon de faire est concomitante à l’avènement de la technocratie, qui tend à confondre la règle et le règlement de l’infanterie, le principe étant un fétiche, un chiffon de papier, toutes choses gênantes. Cette mode est assez récente et connaît de multiples manifestations.
« Contourner le Conseil constitutionnel »
Prenez par exemple la création de cet étrange « Défenseur des droits », qui, comme si ce n’était pas le travail de l’administration de défendre ces droits qui sont au cœur de notre existence collective, ou celui du juge de la censurer lorsqu’elle y manque. Cette création résume parfaitement notre entrée dans un univers nouveau, marqué par la division des fonctions : d’un côté la politique, l’administration les gens sérieux. De l’autre, les amis des fétiches, les gardiens de musée, les théologiens byzantins. J’exagère à peine : voyez la manière dont, après avoir favorisé un compromis sur la loi relative à l’immigration, comme si la Constitution ne le tenait en rien, l’exécutif a saisi le Conseil constitutionnel sur le texte qu’il avait voulu.
Je n’aime pas citer les ministres, parce que nul ne peut plus guère les prendre au sérieux et que leurs propos ne sont que feuilles au vent. Mais parfois l’un d’entre eux lâche par mégarde, en ouvrant la bouche, comme le maréchal Lebœuf et son bouton de guêtre [ministre de la guerre en 1870, qui se disait « archiprêt »], un morceau de la vérité du temps. Voici le ministre de l’intérieur déclarant benoîtement : « Le travail du Conseil constitutionnel fera son office (sic), mais la politique ce n’est pas être juriste avant les juristes ».
Ces attitudes insensées ne sont pas absolument nouvelles. Je me souviens qu’après la publication d’une décision du Conseil constitutionnel censurant le mécanisme de la rétention de sûreté [mise en place par l’Allemagne en 1933], le président de la République [Nicolas Sarkozy] d’alors avait, c’était en février 2008, publiquement demandé au premier président de la Cour de cassation de lui faire des propositions pour aider le gouvernement à contourner cette décision lamentable. Il ne s’était d’ailleurs pas pour autant attiré les foudres de ce dignitaire, la magistrature sommitale réservant ses objections, ou sa colère, aux déclarations qui la mettent en cause en tant que corps bien plus qu’à celles qui menacent ces libertés qu’elle a pourtant pour vocation de garantir.
On pourra méditer à loisir sur cet esprit des lois qui nous est propre, et qui permet à un ministre de la police de manifester contre les juges, comme à des centaines de parlementaires de tous bords de se défausser de leurs responsabilités constitutionnelles en attendant paisiblement, entre paresse et démagogie, la décision de censure dont ils sont pourtant certains. Qu’elle intervienne d’ailleurs et personne ne se le tient pour dit.
« Des juges heureusement extérieurs à notre tradition juridique »
Puisque je me suis laissé aller aux confidences, je continuerai donc sur cette voie. Immédiatement après que le Conseil constitutionnel a censuré une loi relative à la consultation des sites djihadistes, avec une formulation de bon sens et qui ne prêtait à aucune équivoque, l’existence d’un simple délit cognitif étant évidemment une monstruosité logique et constitutionnelle, j’ai été témoin d’une intense activité cérébrale de la commission des lois du Sénat, aidée d’une foule de parquetiers bénévoles qui n’avaient pas tous l’excuse d’être à la retraite, activité visant à faire revoter un texte du même genre, mais qui, découpé selon le pointillé, permettrait d’éviter la censure.
En soi, cette tentative, qui s’est d’ailleurs développée deux fois sur ce sujet, le Conseil constitutionnel maintenant sa position, n’est pas absolument blâmable. Mais elle l’est lorsque ses auteurs veulent à toute force ignorer le texte sur lequel le Conseil se fonde comme le sens profond de son raisonnement. Ces tentatives en disent long sur notre rapport à nos textes fondateurs et à ceux qui ont la charge de le faire appliquer. Car il ne s’agit jamais que de trouver une sortie à nos difficultés par une sorte de fuite hors du droit qui manifeste à la fois l’excès de confiance que nous portons à la norme et l’incompréhension de ce qui en fait la valeur.
Il y a donc lieu de féliciter ceux qui tiennent bon face à cette marée-là. Mais cela ne dispense pas de s’interroger sur les carences évidentes de notre justice constitutionnelle, dont ses juges ne sont pas au premier chef responsables. D’autant que dans un pays où la souveraineté absolue de ce peuple qu’on n’a jamais vu est brandie à chaque fois qu’une règle nous contraint, où la moindre manifestation de bon sens est taxée de relever du gouvernement des juges, ils ont affaire à forte partie. Si bien que, comme les historiens du droit le relèvent tous, une part de la timidité du Conseil constitutionnel dans certaines affaires peut s’expliquer par la conscience qu’il a d’être assez extérieur à notre tradition juridique. La saisine directe n’arrange rien, le Conseil faisant à cet égard figure de troisième chambre, les deux premières ayant manifestement oublié l’existence d’une Constitution. Il n’empêche. Puisque son rôle est si délicat, le Conseil constitutionnel devrait être gardé contre les critiques les plus évidentes.
« Une préférence accordée à l’ordre plutôt qu’aux droits »
La première critique tient à sa composition. Il n’est guère sérieux d’y faire siéger si largement d’anciens parlementaires, d’anciens ministres, d’anciens premiers ministres, d’anciens collaborateurs de ministres, qui, s’ils l’ont été au cours d’une période récente, ont pu voter, proposer, préparer, approuver, telle mesure déférée à la censure. Soit ils délibèrent, et l’exigence d’impartialité visible n’est pas satisfaite. Soit ils s’abstiennent, et la Constitution qui a voulu un conseil de neuf membres est méconnue. Le Conseil doit à mon sens être émancipé de cette forme d’échevinage politico-juridique qui affecte sa crédibilité. Et je n’évoque pas ici tel ou tel membre que j’ai connu et qui se répandait en téléphonages interminables avec ceux qu’il avait pour mission de censurer. Ces choses-là sont courantes. On ne peut les imaginer dans aucune cour sérieuse, à Washington, Londres ou Francfort.
La seconde tient à une certaine forme de modération pratique, où la prudence quasi-administrative se combine avec les arrangements stylistiques. Que peut comprendre le citoyen à ces annulations de phrases, de membres de phrases et même de mots ? Et comment défendre le Conseil constitutionnel face à ceux qui veulent le circonvenir en tripotant avec ardeur les textes annulés, quand lui-même fait passer ses raisonnements dans le même moule ? De même, à quoi peut bien correspondre la mise en application différée d’une annulation ou d’une réserve ? Il ne s’agit pas de remembrement rural ou du régime des prises maritimes, mais de droits imprescriptibles. Comment admettre qu’ils pussent continuer d’être méconnus jusqu’à ce que le gouvernement et le parlement aient pu racheter leurs fautes ? En soi, cette manière de faire en dit long sur la préférence que nous accordons à l’ordre, quel qu’il soit, sur les droits du citoyen.
La troisième critique est plus radicale et tient au système de motivation. Au fond, le système du raisonnement constitutionnel est simple. Soient donc les grands principes. On peut les méconnaître s’il existe un motif d’intérêt général de le faire. ce motif doit être en rapport avec le texte. Il peut être simple, ou « sérieux » pour les cas les plus graves. En réalité, si on les compare aux motivations des cours comparables, celles du Conseil constitutionnel pèchent par leur vide. Elles relèvent vaguement un motif, et son existence suffit. Mais en quoi l’intérêt général allégué est-il suffisant pour justifier un manquement à un principe cardinal ? Le plus souvent, on n’en saura rien. Pour le dire, il faudrait en effet s’interroger sérieusement, au vu de tous, sur l’intérêt général lui-même.
Cet exercice n’aura pas lieu, alors qu’il a lieu aux Etats-Unis ou en Allemagne, ou même à la Cour européenne des droits de l’homme ou à la Cour de justice de l’Union européenne, pour ne rien dire de la Cour suprême de l’Etat d’Israël, dont on méditera avec profit une décision récente. Cette attitude ne correspond pas à ce qu’on peut attendre d’un juge constitutionnel. On voit bien qu’elle procède d’une sorte de prudence politique, tenant au souci de ne pas paraître substituer son jugement au jugement des assemblées élues. Paradoxalement, elle produit un effet inverse, et un procès en arbitraire dont on pourrait se passer.
« De la nécessité des opinions dissidentes »
A mon sens, cette question est inséparable de celle des opinions dissidentes. Nous savons tous qu’elles ont mauvaise presse dans les corps judiciaires. Je crains que ce refus ne soit simplement dicté par la paresse intellectuelle. C’est bien, en définitive, l’opinion dissidente qui rend la décision majoritaire acceptable, parce qu’elle montre au justiciable - l’Etat dans le cas de la justice constitutionnelle, le particulier dans le cas de la justice ordinaire – que son raisonnement a bien été pris en compte, et non que quelques juges anonymes, soucieux de ne s’engager personnellement en rien, en ont disposé dans le secret de leurs délibérations. Le renforcement des motivations appelle les opinions dissidentes et je continue d’entretenir l’espoir de les voir advenir. Je rappelle d’ailleurs que le président de la République les avait voulues, explicitement, dans un discours devant la Cour de cassation prononcé au début de son premier mandat. Une vaste conspiration du silence et de la mauvaise volonté a disposé de cette intention.
Mon optimisme n’est pas entier, c’est que j’ai pu constater, au long des années, que le mal, comme disait le vieil Ignace [de Loyola], se cachait le plus souvent sous les apparences du bien. Ainsi, pour échapper aux opinions dissidentes, nous vante-t-on les beautés de la collégialité, alors que c’est quand on est seul à répondre d’une décision devant sa conscience qu’on se montre courageux, comme votre secrétaire perpétuel [Bernard Stirn, au Conseil d’Etat] en a donné l’exemple dans ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Dieudonné. Telle est aussi la raison de ma préférence pour l’institution du juge d’instruction, dont on a pourtant continûment gêné l’activité, au fil du temps, par toutes sortes d’innovations discutables.
« L’effacement programmé du juge »
Au fond, puisqu’il s’agit de justice, de qui se souvient-on, toutes fonctions confondues ? et qu’est-ce qui nous la fait aimer ? non pas les juges anonymes du temps de la guerre, de l’épuration, des cours militaires de justice, non pas ces machines qui avaient pris les noms de Patin [Maurice Patin, président du Haut tribunal militaire pendant la guerre d’Algérie], de Montgibeaux [le président du procès Pétain], de Benon [Michel Benon, juge de la Section spéciale], mais [l’avocat général] Raymond Lindon requérant, avec une hauteur de vues que les péripéties de sa vie personnelle rendaient plus saisissante encore, le bannissement d’Abel Bonnard [chantre de la Collaboration] et pas davantage, [l’avocat général Jean] Reliquet au procès d’Hélie de Saint-Marc, les opinions dissidentes de [Louis] Brandeis [juge à la Cour suprême américaine] sur la vie privée ou de [Antonin] Scalia [juge à la Cour suprême] sur la liberté de penser. Ce n’est pas à dire qu’il faille, bien sûr, de l’individuel partout, ce qui serait impossible. Mais nulle institution judiciaire ne peut se passer de ce grand ton-là, par lequel on s’expose, surtout lorsqu’il s’agit de droits, et de circonstances, qui nous intéressent tous.
Au titre des garanties offertes par l’institution judiciaire, je dirai un mot pour finir de la justice pénale. Nous avons perdu de vue qu’elle engage, non pas seulement l’ordre social, mais aussi l’existence même d’une société politique digne de ce nom. Or, une émotion après l’autre, un gouvernement, un parlement après l’autre, une loi après l’autre, il me semble qu’elle s’est éloignée d’un rôle que, si nous sommes attachés à l’idéal d’une société libre, nous aimerions lui voir tenir. Car la justice pénale, si elle a pour mission de condamner ceux qui violent la loi ou s’en écartent, ne peut être tout à fait réduite à cette mission. Ici, comme nous le verrons, nous sommes loin du gouvernement des juges, et l’évolution des trente dernières années tend plutôt à son inverse – c’est-à-dire à la disparition du juge.
La démocratie que nous aimons suppose l’existence d’un citoyen libre ; par liberté je n’entends pas ici le désir de faire absolument ce qui lui plaît, désir à quoi nombre de nos contemporains réduisent l’idée de liberté. J’entends la possibilité de concourir, sans contraintes ou avec un nombre de contraintes réduit à l’essentiel, à la société politique ; je parle donc de la liberté d’écrire, de s’associer, de manifester, de publier, de voter, ou, par le truchement de la représentation, de mettre en jeu la responsabilité du gouvernement.
« L’indispensable séparation des pouvoirs »
Les auteurs du 18ᵉ siècle, [Cesare] Beccaria en premier lieu, et après lui les constituants américains, avaient bien vu que l’exercice des libertés politiques supposait que le citoyen ne pût d’aucune manière être intimidé par l’Etat. D’où la séparation des pouvoirs. D’où l’idée que la répression nécessaire ne pouvait en aucun cas être exercée par une autre autorité que l’autorité judiciaire, indépendante des deux autres et jouissant de garanties à cet effet. Nous nous sommes portés à l’inverse, par la fréquence des états d’urgence et le transfert de compétences auquel ils ont donné lieu.
Mais ce n’est peut-être pas le plus grave. Afin que le citoyen reste libre de ses choix, si du moins nous entendons persévérer dans l’être, quatre conditions sont nécessaires : la séparation des pouvoirs doit être maintenue ; le citoyen doit être réputé innocent jusqu’au moment de la commission du crime ou du délit ; une fois sa peine purgée, il doit être, a priori et par principe, jugé capable de reprendre sa place dans la société ; il doit enfin avoir le sentiment d’avoir été bien jugé, dans le cadre d’une procédure claire, par un juge et non par une machine. Je reprendrai brièvement ces quatre points.
Que nous n’attachions pas autant d’importance que nous le devrions à la séparation des pouvoirs, c’est l’évidence même. Tous les acteurs y concourent. Quand il advient, j’en ai eu l’expérience, qu’une demande de levée d’immunité parlementaire ait été sollicitée, puis obtenue, sur la base d’un faux, le bureau de l’assemblée nationale ne se juge pas compétent pour rétablir l’immunité, ni la juridiction administrative pour contrôler son refus d’agir. Là-dessus d’ailleurs, on reste frappé que notre droit n’ait pas évolué.
Le régime des immunités date d’un temps où le parquet était aux ordres et le juge d’instruction tout puissant. Le simple déclenchement d’une enquête préliminaire suffisamment médiatisée peut aujourd’hui réduire en pratique à l’inaction le parlementaire, comme aussi le membre du gouvernement. Bien sûr, les politiques ne peuvent échapper à la loi commune. Mais la manière dont ils s’y trouvent soumis doit comporter des garanties qui à la fin servent nos privilèges et non les leurs.
« Protéger les citoyens »
De même que le secret de l’avocat ne vise pas à le défendre, mais les justiciables, la séparation des pouvoirs ne vise pas à protéger les détenteurs de ces pouvoirs, mais le citoyen dans l’intérêt de qui cette séparation a été instituée. Et les exemples sont nombreux, au-delà même des manifestations de jactance gouvernementale à quoi nous nous sommes habitués, à chaque fois qu’un jugement déplaît à un ministre. Prenez le règlement du Sénat : il prévoit la convocation obligatoire, à peine de dénonciation au parquet, et l’obligation de témoigner sous serment, sans respecter aucunement le droit de ne pas s’incriminer soi-même, quand bien même le témoin en question serait visé au même moment par une enquête judiciaire. Personne ne s’en formalise.
Lorsque la Cour de cassation a rendu, très récemment, une décision de principe relative à la purge des nullités relatives à la séparation des pouvoirs, ce qui m’a surpris n’a pas été qu’il la rende, mais qu’on ait pu vivre si longtemps dans un système où la méconnaissance éventuelle de principes essentiels était mise au rang d’une erreur dans la publication d’un arrêté de nomination, ou de ces brindilles procédurales dont est difficile de reprocher au juge de vouloir reporter l’examen à plus tard. Cet état de confusion n’est pas satisfaisant. Il ne l’est pas quel que soit le bénéficiaire de la confusion. Evidemment, il est regrettable, du moins en ce qui concerne mon propos, que les violations soient commises au détriment de l’autorité judiciaire. Mais l’inverse ne l’est pas moins.
Lorsque l’autorité judiciaire dépasse le champ de ses prérogatives, ce qu’elle met à mal, c’est la possibilité d’une action gouvernementale digne de ce nom. Or celle-ci est également à la base du régime représentatif. A quoi rimerait un système où le citoyen peut participer au débat public et choisir ses représentants, si c’est pour que ceux-ci se trouvent empêchés d’agir par le soupçon ? C’est ici que le problème de la répression pénale des actes ministériels apparaît dans toute son ampleur.
« Les défaillances avérées de la responsabilité politique »
On voit bien que, la nature ayant horreur du vide, les défaillances avérées de la responsabilité politique encouragent la mise en jeu de la responsabilité pénale. Toute la difficulté vient de ce qu’en la mettant en œuvre, les juges utilisent un corpus qui n’a pas été prévu à cet effet. Toute décision publique suppose un arbitrage. Une fois réalisé, cet arbitrage a nécessairement suscité au mieux des mécontents, au pire des victimes, dont les intérêts les plus graves ont été lésés.
On ne peut pas sans déraisonner s’attacher à ces conséquences seules sans considération du reste, et sanctionner un ministre de la santé qui a pris, ou s’est abstenu de prendre, telle décision difficile en se fondant sur des griefs d’empoisonnement ou de mise en danger de la vie d’autrui. Il est rien moins qu’évident que ces incriminations ont été prévues pour des actes individuels sans aucune portée générale. Autant assigner le ministre des armées à raison des morts en opération, au motif qu’une action diplomatique bien conduite aurait rendu inutile cette guerre qui a causé les morts.
Et ceci vaut aussi bien, sur un autre terrain, pour le conseil d’Etat statuant en référé sur l’urgence climatique. Si les juges utilisent, comme c’est d’ailleurs souvent le cas, un corpus inadapté, c’est qu’ils n’en ont pas d’autre. Le crime de forfaiture me semblait bien préférable. On peut, le cas échéant, reprocher à un ministre d’avoir imprudemment abandonné sa charge ou, à supposer qu’on puisse le prouver, de s’être montré inférieur à sa tâche en prenant les décisions qu’il devait prendre en fonction d’objectifs personnels ou collectifs étrangers à ses devoirs.
« Cette étrange présomption de culpabilité »
Mais on ne peut pas s’attacher, après les faits, aux conséquences seules, comme si elles n’étaient pas venues d’un arbitrage complexe que le juge n’a pas vocation à juger puisqu’il est par nature du ressort de la responsabilité politique. Le citoyen a droit, d’abord, à la séparation des pouvoirs. Mais il a droit surtout à ce que son innocence de principe soit présumée. Je ne parle pas seulement de la présomption d’innocence, mise à mal de toutes parts, par l’opinion, les réseaux, la publicité des enquêtes, les violations du secret de l’instruction ; mais plus profondément de cette étrange présomption de culpabilité que nos législations successives ont fini par créer.
Si le citoyen est réputé coupable, et susceptible d’être traité comme tel, il cessera tôt ou tard de jouir effectivement de sa liberté. Or nous sommes entrés depuis un certain temps dans une justice de l’intention, à l’opposé de ce que pensait Beccaria lorsqu’il écrivait que « la vraie mesure des crimes est le tort qu’ils font à la nation et non l’intention du coupable ». Par le truchement de diverses incriminations, l’entreprise terroriste individuelle, l’association de malfaiteurs à but terroriste, nous avons fait reculer dans le temps la définition de l’acte criminel, qui peut exister sans qu’il existe même un commencement d’exécution.
L’idée fondatrice de notre droit pénal était qu’avant l’acte criminel il n’y a rien. Et qu’avant donc qu’il ne soit commis, fût-ce sous la forme du commencement d’exécution, il n’existait que des citoyens comme les autres, c’est-à-dire des citoyens innocents. Rompre avec cette conception, c’est faire de tout citoyen un criminel en puissance, c’est organiser la société précaire du soupçon, de la surveillance généralisée, de la rétention générale, ou pire encore.
« Les tests génétiques aux Jeux olympiques »
Nous n’y sommes pas encore, bien sûr, et les propos de ceux qui parlent à notre propos de dictature ne méritent qu’un haussement d’épaules. Mais la liberté effective tient au climat de liberté, et l’on voit bien que celui-ci se dégrade. A preuve, parce que c’est le dernier exemple en date, les dispositions relatives aux Jeux olympiques, passées sans que personne, pas même le Conseil d’Etat, y fasse un tant soit peu obstacle, et dont je vous rappelle qu’elles prévoient, pour mieux céder au chantage d’une organisation sportive internationale privée, des tests génétiques auxquels nous nous refusions depuis trente ans, et admettent la possibilité de leur transmission aux pires Etats de la planète, mais en passant par le Canada, pour ne pas paraître violer trop ouvertement le règlement européen sur la protection des données.
Hier le terrorisme ou la pandémie, aujourd’hui le sport et l’argent, demain les préoccupations climatiques, on voit bien qu’un motif après l’autre nous nous éloignons paisiblement de notre idéal. A la fin, nul ne peut être réputé prédisposé au délit ou crime, ou même au grief de troubler l’ordre public, à raison de ses opinions, de sa race, de ses lectures, de ses habitudes, de son origine, de sa religion, fût-elle l’islam, du caractère agité qu’il manifestait dans l’enfance, sur la base des statistiques qui prétendent en rendre compte.
En dehors de cette idée, c’est la doctrine du contrôle social de la ségrégation et de l’éloignement qui s’impose, et celle-là, on sait à quel genre de droit il faut la rattacher. Il en va de même de la prescription. Y renoncer, comme de larges secteurs de l’opinion poussent à le faire, c’est atteindre de la même manière les droits du citoyen. Contrairement à ce qu’on lit parfois, la prescription n’a pas essentiellement trait à l’oubli ou au pardon. Elle a trait d’abord à l’impossibilité d’assurer un procès équitable longtemps après les faits, alors que les circonstances ont changé, que les idées dominantes ne sont plus les mêmes, que le passage du temps a altéré les témoignages et les preuves. Et tout ceci n’a pas à voir avec la gravité des actes commis, sauf à décider, comme autrefois pour le parricide ou la lèse-majesté, que certains actes devraient échapper aux règles communes.
D’autant que la poursuite pénale, en définitive, trouve sa légitimité dans la répression de l’atteinte portée à l’ordre social d’aujourd’hui, pas à celui d’avant-hier. Mais surtout, et corrélativement, la règle de prescription fait obligation au parquet de poursuivre et n’a été faite que pour cela. La multiplication des actes interruptifs n’a pas d’autre effet que de maintenir indéfiniment le citoyen dans la dépendance de l’Etat et cela n’est pas acceptable. Le citoyen a droit enfin, me semble-t-il, à savoir par avance qu’il sera réintégré dans la société politique une fois sa peine accomplie. Il y va, là encore, de la cohérence d’une construction d’ensemble.
« Un juge, pas une machine »
Si le citoyen cesse de pouvoir le penser, il cesse d’être un citoyen libre. Or on voit bien, là aussi, que cette conception change insensiblement sous nos yeux, le point de retournement ayant été atteint avec la tristement célèbre rétention de sûreté. Là-dessus [l’avocat et académicien] Jean-Denis Bredin, dont j’évoque avec émotion la mémoire, a dit en son temps tout ce qu’il y avait à dire. Il faut enfin que le citoyen ait le sentiment constant de savoir que s’il est jugé, il le sera dans le cadre d’une procédure claire, par un juge et non par une machine.
J’ai dit un mot de l’obscurité des audiences pénales. Mais le problème est bien plus grave. Ici, tout paraît combiné pour que le justiciable ne sache jamais à qui exactement il a affaire. Regardons-y d’un peu plus près, du début à la fin, en se souvenant que pour l’essentiel et contrairement aux apparences, l’issue du procès pénal se dessine au début de la procédure. L’inculpé est introduit après un temps qui peut être long dans le bureau du juge ; il ne sait pas ce qui l’attend. Il est fondé à imaginer que ce juge-là sera son juge, que c’est entre ses mains qu’il va remettre son sort. On ne lui dit pas qu’il n’en est rien. D’autres juges se manifesteront au fil du temps. Or la multiplicité des intervenants dilue les responsabilités au-delà de l’acceptable.
Le juge au sens large prononce une peine lourde, en imaginant toujours que le juge de l’application pourra l’aménager. Le magistrat instructeur saisit le juge des libertés, qui lui ne connaît du prévenu qu’un dossier, et d’ailleurs ignore l’état exact de l’instruction et des enquêtes qui lui sont liées. C’est à lui pourtant que reviendra, manœuvrant une balance absolument théorique, de régler le problème de la détention. La durée des détentions provisoires est longue, mais cela n’a pas d’importance, assuré que l’on est qu’elles seront toujours validées par le jugement qui vient.
Le parquet peut user du référé-détention, la chambre de l’instruction revoir les décisions du juge. Un chat même passé par l’école de magistrature n’y retrouverait pas ses petits. Et ce qui est vrai des responsabilités l’est aussi de l’argumentation. Le juge devrait écrire ce qu’il pense, et là-dessus la motivation des décisions anglaises, qui pourtant appliquent des directives générales précises, notamment sur le quantum de la peine, est de nature à nous faire monter le rouge au front. Mais le juge s’en abstient parce qu’il est porté à imaginer ce qui conviendra le mieux à ceux qui jugeront son propre jugement. Ainsi tout concourt au vague.
Prenez l’application de l’article 144 du Code de procédure pénale sur les « nécessités de l’instruction », justifiant le maintien en détention, formule aussi creuse qu’il est possible. Les nécessités de l’instruction sont à la justice pénale ce que la crainte de la persécution est au juge de l’asile, ou le motif d’intérêt général au juge constitutionnel, un ensemble de mots-valises fonctionnant comme un piège conceptuel sans égard pour la réalité. A la fin, on s’en tire toujours mieux par ces formulations vagues qui ne prêtent à aucune critique et dont le fonctionnement courant de la justice nous présente d’innombrables exemples.
« L’exigence d’une motivation du juge »
Mais en revanche, une mise en examen, qui est probablement l’acte le plus important de toute une procédure, ne fait l’objet d’aucune exigence de motivation. Cela dit, il ne servirait absolument à rien que la mise en examen soit motivée, si c’était pour l’être au moyen de ces formules creuses dont abusent les juges lorsqu’on leur inflige l’obligation de motiver. Je regrette de n’avoir pas plus de temps à consacrer à cette question de la motivation, qui me paraît absolument centrale, parce qu’elle fonde, en soi, la légitimité du système judiciaire, bien sûr, mais aussi parce qu’elle est évidemment relative à cette imputation de « laxisme des juges », si courante aujourd’hui.
En réalité, l’imputation de laxisme est consubstantielle au système des plafonds, la différence entre la peine encourue et la peine effectivement prononcée alimentant un procès sans fin. La seule manière de progresser, à mon sens, c’est que la différence apparaisse à chaque fois justifiée par une motivation où la conviction profonde d’un juge visiblement soucieux de l’assumer entièrement tiendrait autant de place que l’analyse de la personnalité et des actions du prévenu. En raison de notre méfiance à l’égard du juge en tant que personne, nous en sommes extrêmement loin.
On perd trop souvent de vue, en effet, que la motivation est inséparable de l’engagement de celui-ci qui signe. Faute d’avoir rendu à la justice la dimension personnelle qui lui est nécessaire, toutes les réformes de la motivation, et j’ai le regret de devoir me référer ici à ce qui a été fait depuis dix ans dans les Cours suprêmes sans en excepter aucune, n’aboutissent qu’à augmenter la part du bavardage sans profit pour personne, et relèvent d’une pure et simple rhétorique de l’illusion. La simple obligation de motiver ne suffit donc en rien, si elle aboutit, ce qu’on voit le plus souvent, du haut en bas de l’échelle judiciaire, à la répétition des mêmes formules creuses et qui n’éclairent pas sur le sens profond d’un jugement, substituant simplement au silence une fausse motivation qui n’a que l’apparence de cette raison véritable qu’elle échoue toujours à donner.
Plus de la moitié des détenus dans les prisons françaises ne le sont pas au titre d’une condamnation motivée. La moitié, ou bien davantage en réalité, puisque les jugements ne sont pas motivés dans l’écrasante majorité des affaires correctionnelles, sauf bien sûr en cas d’appel, l’appel seul déclenchant l’obligation de motiver. La conséquence est simple, et de nombreux juges m’en ont fait l’aveu : ce système les encourage à tenir une sorte de milieu en termes de peine, pour que ni le parquet ni le prévenu ne soient tentés de faire appel, ce qui obligerait alors à motiver. C’est le choix du ventre mou. Pas de relaxe, le parquet ferait appel. Pas de peine trop lourde, le prévenu ferait appel.
« Vers une réduction partout de la part du juge »
Ainsi vont à la rivière ensemble l’idée de la liberté et celle d’une répression juste. Ici je vous paraîtrai peut-être trop prosaïque, mais je ne peux m’empêcher de souligner le fait que les acteurs appartiennent au même corps et se côtoient sans cesse n’arrange rien. Il est plus difficile de relaxer quand le parquetier avec lequel on partage la cantine a requis une belle condamnation. A l’origine de ces errements, il y a comme une volonté diffuse, tenace, inavouée, de réduire partout la part du juge. Pas de nom, la collégialité, pas d’utilisation de la première personne, pas de motivation de la décision la plus importante, et lorsqu’elle existe la motivation stéréotypée qui naît de l’anonymat, refus des opinions dissidentes. Le juge dans sa fonction, dans sa dignité, en est la victime autant que le citoyen.
C’est qu’au fond, en France, on n’aime pas le juge, contrairement à ce qu’on voit par exemple en Angleterre. Tout conspire donc à son effacement, à ce qu’il devienne gris, invisible, et presque sans opinion. Lorsque les corps judiciaires et la classe politique semblent s’affronter, on se demande parfois s’ils ne sont pas secrètement d’accord : les politiques veulent que les juges appliquent un tarif et s’en tiennent là ; les juges, en tant du moins que leur hiérarchie les représente, ne veulent pas s’engager personnellement par crainte de voir leur responsabilité mise en cause.
J’ai peine à croire à l’argument du monde complexe. Le monde est toujours complexe pour ceux qui ont à juger. Ce qui s’est passé depuis que je suis entré il y a quarante ans dans l’univers de la justice, c’est que l’homme, celui dont parlent également Simenon, Gide et Stevenson, n’inspirant plus confiance, a disparu sous les procédures, pas davantage. Et je parle ici de l’homme qui juge comme de celui qui est jugé. De même l’esprit, la faculté de juger, ont-ils disparu sous la poussière sédimentée des législations. La langue des jugements s’est altérée, devenant plus abstraite et partout plus obscure.
Bien sûr, des lois surabondantes, techniques, administratives y ont leur part, mais ce n’est pas, et de loin la seule. Une voix désespérante nous souffle que nous n’y pouvons rien. Si nombre de principes se sont effondrés au fil du temps, c’est peut-être tout simplement que nous n’y tenions pas ; qu’ils étaient en quelque sort des importations un peu artificielles du rêve de Montesquieu dans la théorie rousseauiste, ou plus prosaïquement du pessimisme anglo-saxon quant au pouvoir dans l’optimisme bonapartiste. Il est vrai qu’entre l’avènement Tocquevillien des masses émotives et stimulées par les réseaux, d’une part, et de l’individu réduit à sa vocation de narcisse et de consommateur de l’autre, le temps nous semble passé du grand style de la justice.
« Le juge doit s’engager et reprendre toute sa place »
Le règne si particulier chez nous de l’administration, qui colonise à la fois par ses habitudes de pensée le monde politique et le langage même du droit, n’arrange rien. Pour reprendre une formule de Marc Fumaroli, en tout politique français un Baour-Lormian [Pierre Baour-Lormian, académicien, 1770-1854] des épopées bureaucratiques sommeille, et s’il se réveille nous ne sommes que trop portés à lui donner nos suffrages. La justice en paie le prix. Sans doute n’entendra-t-on plus Léon Blum conclure, Lindon rappeler, du milieu d’une magistrature à demi repentante de ses errements de la guerre, une société meurtrie à l’équité, et le parquet se taire pour que le jury des assises puisse entendre à loisir la grande voix de [Gustave] Chaix d’Est-Ange [vice-président du Conseil d’Etat en 1863].
Personne au fond dans cet univers, j’en témoigne, n’a plus de respect pour personne parce que les acteurs de ce jeu que le citoyen ne comprend qu’à peine ne paraissent plus concourir à une œuvre commune. Le juge donc doit reprendre toute sa place. Il faut qu’on le connaisse, qu’il signe, qu’il s’engage, qu’il diffère publiquement le cas échéant. Il n’y a pas de respect du droit sans assomption du juge. Point n’est besoin pour cela de porter perruque, comme en Grande-Bretagne, et j’ai souvent pensé que les costumes ridicules dont la justice s’affuble, la robe de pasteur, les simarres écarlates et l’hermine, n’avaient d’autre fonction que de masquer, ou de réparer, le caractère dégradé aux yeux du public d’une vocation qui reste malgré tout parmi les plus belles.
J’ai voulu diriger un peu de lumière sur ce qui, depuis mes débuts, m’avait frappé dans le fonctionnement de nos institutions judiciaires. Peut-être le tableau vous a-t-il paru sombre. Mais c’est parce que nous restons malgré tout l’un des derniers Etats civilisés de la planète que nous avons, me semble-t-il, le devoir de transmettre ce que nous avons reçu. Je vois bien les forces qui s’y opposent : l’idéal du citoyen, qui semble disparaître avec la société politique elle-même, remplacé par ces individus ou ces groupes qui se croient fondés à faire passer la nation au tourniquet des droits de créance : l’indulgence pour moi, les bagnes et les supplices pour les autres.
Et avec l’idée du citoyen cette idée qui lui est connexe que toute forme d’intimidation, personnelle ou publique, est inacceptable. On y objectera la gravité des atteintes portées à l’ordre social, fraude, pédophilie, harcèlement ou terrorisme. A chaque fois que l’une de ces atteintes paraît avérée, le premier mouvement est d’abolir la garantie des droits, présomption d’innocence comprise, comme si notre système n’avait vocation qu’à éviter qu’un innocent avéré soit, comme on dit, traduit en justice ; alors qu’il vise surtout à ce que l’Etat ou l’opinion ne puissent faire peser sur personne la présomption d’être coupable, ce qui est très différent.
« La foi perdue dans la grandeur de nos prédécesseurs »
Pendant des années, comme toute personne formée à l’idéal du libéralisme politique, j’ai vu dans l’Etat, soucieux de contrôle social et peu porté à respecter autre chose que l’efficacité, l’ennemi du citoyen. Après tout, [Thomas] Jefferson ne pensait pas différemment. Je suis frappé aujourd’hui par l’inverse. Non pas que l’Etat soit devenu faible face aux forces de dislocation qui semblent nous menacer. Jamais les facilités d’intrusion qui lui ont été consenties n’ont été aussi grandes, surveillance, dévoiement de la garde à vue, et j’en passe. Toutes les occasions lui sont bonnes, de l’attentat aux jeux olympiques en passant par le virus.
Ce qui inquiète d’abord, c’est précisément la conjonction de ces pouvoirs et des réquisitions impératives de la société. C’est le parquet ou les juges motivés par les passions du temps, mises en mouvement par les intérêts personnels et communautaires, et y trouvant l’occasion de regagner un crédit perdu. A ces évolutions concourent les effets de notre crise morale, de notre crise de l’action publique, nos doutes, notre perte de foi dans la grandeur de ce que nos prédécesseurs avaient, au prix de quelles batailles, de quels sacrifices, voulu créer.
Et peut-être, pour finir, l’évaporation de cette idée du salut collectif dans l’histoire qui nous avait longtemps guidés, religion, sciences ou Lumières aidant. Il n’empêche. Il me semble que nous sommes tenus de conserver ce qui mérite de l’être. Que dans des circonstances troublées, nous avons le devoir collectif de défendre les institutions judiciaires, et la tradition de civilisation qu’elles portent, contre les attaques insensées dont elles font l’objet ; mais alors il faut que ces institutions soient pleinement défendables.
« Pour de modestes arrangements »
Cela ne suppose pas de grandes réformes. Ces dernières années, l’idée même de réforme est devenue suspecte, et à juste titre. Depuis trop longtemps la réforme est devenue synonyme de loi nouvelle, introduite après ramassage des copies dans les bureaux, et présentée avec le secours de ces « éléments de langage » qui sont devenus l’autre nom du mensonge. Nous voilà sommés de compatir, de nous méfier, de lutter contre nous-mêmes, d’éprouver de la reconnaissance ou de l’admiration, de consentir à ces réformes de hasard qui, censées préparer le monde nouveau, ne témoignent que de notre éternelle préférence pour la forme, mais surtout d’obéir à ces trente mille pages de lois dont on nous gave comme on ferait à des oies pleinement républicaines.
Et nous devons réciter sans fin le psautier du monde nouveau, remis à jour par les apôtres de ce qu’on appelle, d’un terme savoureux, la légistique. On peut rêver, s’il s’agit de défendre la justice, à des arrangements plus modestes, qui viseraient à rendre, ou à donner, au juge une dignité incontestable, fondée sur l’engagement personnel, et au citoyen un meilleur sentiment de ce qui l’attend s’il vient à manquer à ses devoirs. On peut dire des institutions judiciaires ce que [Ernest] Lavisse répondait à l’impératrice Eugénie soucieuse d’être instruite en une phrase des méandres de notre histoire nationale. Après un temps de réflexion, le vieil historien avait lâché : « Au fond, madame, ça ne s’est jamais très bien passé ».
Il n’en va pas autrement des institutions judiciaires. Leur propos est de faire entrer l’éventail déplié des passions humaines dans le mince fourreau du droit et de ses techniques. Cet exercice ne peut satisfaire profondément, jamais, ni ceux qui jugent ni ceux qui sont jugés. On devrait se méfier d’institutions qui susciteraient l’entière approbation de tous. C’est pourquoi je vous demande pour finir d’oublier ce qui dans mon propos vous a paru marqué par trop de pessimisme ; ainsi puis-je reprendre à mon compte la dernière phrase de Paulhan, concluant les quatre cents pages des Fleurs de Tarbes par ce faux regret : « Mettons que je n’aie rien dit ».
François Sureau (Avocat et écrivain, de l’Académie française)
nexus4 a écrit:marone222 a écrit:Juste pour préciser : 2 refus de CDI aux mêmes conditions (salaire, distance notamment) dans les 12 mois....
L'art et l manière de présenter les choses...
Si c'est le même employeur qui peut pas te saquer et qui te propose deux fois le même CDI à des conditions inacceptables juste pour que tu te retrouves à la rue, ca vaut ?
bdmaniak a écrit:Les officialisations du remaniement :
- Darmanin reste à l'Intérieur
- Dupond-Moretti reste à la Justice
- Le Maire reste à l'économie
- Prisca Thévenot nouvelle porte-parole
Emmanuel Macron a l'intention de s'adresser aux Français la semaine prochaine après le remaniement
Le chef de l'État a l'intention de prendre la parole la semaine prochaine après le remaniement.
bdmaniak a écrit:Les officialisations du remaniement :
- Darmanin reste à l'Intérieur
- Dupond-Moretti reste à la Justice
- Le Maire reste à l'économie
- Prisca Thévenot nouvelle porte-parole
nexus4 a écrit:C'est pas bien gros la macronie, finalement.
Nils Wilcke a écrit:« On manque de femmes (de gauche) au gouvernement », désespère un conseiller. Maud Bregeon a raté la marche ministérielle, trop proche de Darmanin et Sarkozyste. Bergé est encore dans la course pour la Santé… Où sont les femmes?, chantait Patrick Juvet
Pas de news sur les Affaires étrangères et le sort réservé à Colonna (pas franchement dans les petits papiers de l’Élysée): « On sait que Macron prend toute la lumière dans ce domaine mais quand même », s’inquiète un conseiller. Nos ambassadeurs apprécieront ce flottement…
ubr84 a écrit:nexus4 a écrit:marone222 a écrit:Juste pour préciser : 2 refus de CDI aux mêmes conditions (salaire, distance notamment) dans les 12 mois....
L'art et l manière de présenter les choses...
Si c'est le même employeur qui peut pas te saquer et qui te propose deux fois le même CDI à des conditions inacceptables juste pour que tu te retrouves à la rue, ca vaut ?
Oui on donne aux employeurs un contrôle sur les prestations sociales de leurs salariés
C'est hallucinant d'inversion du rapport de force.
Une des fonctions du chômage est d'être un outil émancipateur qui te protège des aléas du monde du travail.
Là on ajoute un moyen de pression colossal à l'employeur et on annihile toute possibilité de négociation au salarié.
On ne s'étonne plus, mais on peut continuer à s'en désoler
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