Un texte fort inintéressant qui aborde les différents points sur le vêtement avec lucidité et questionnement :
Tenue Conforme
L’an passé dans mon lycée d’origine, il y a eu des conflits autour d’un vêtement dont j’entendais parler pour la première fois. J’ai grandi dans un milieu musulman, fréquenté l’école coranique, je connais des musulmans en vrai, et jamais je n’ai entendu le mot « abaya ». Quand je ne comprends pas quelque chose, je me tais, et si je ne peux pas, je fais des recherches, je réfléchis et j’écris. Alors voilà.
Je vais essayer de procéder de manière méthodique et sans doute un peu ennuyeuse car je ne donnerai pas de leçon, ni d’injonction à personne. Il est probable aussi que je ne m’indigne pas, que je ne hurle pas, que je ne m’exalte pas, le mieux si l’on désire l’inverse est d’arrêter ici la lecture.
Pour être méthodique et simple, commençons par le commencement : pourquoi s’habille-t-on ?
De l’avantage et inconvénient d’être nu
Le vêtement est une donnée que l’on interroge peu. Les naturistes et nudistes nous expliquent et nous montrent l’avantage de la nudité. C’est le même principe qu’un uniforme, il est commun à tous, mais n’induit aucune soumission, conformité ou obéissance. La nudité permet une égalité de vulnérabilité mais aussi une banalisation d’un tabou : la vision des parties dites génitales. La nudité choisie crée une forme de subversion tranquille, enfin délesté de conventions sociales, elle permet d’être là sans véritablement argumenter sur ce que l’on possède et ce que l’on représente. Evidemment, les conditions de cette nudité en occident sont souvent balnéaires. Lorsqu’elles existent ailleurs ou lorsqu’elles ont existé, elles sont perçues étrangement comme dénotant d’une forme de sauvagerie.
A ce titre, j’aime beaucoup le film de Kéchiche, d’une violence terrible, qui retrace la vie de la Vénus Hottentote confiée aux bons soins coloniaux français. Ce film est insupportable. Il se joue et nous replace dans le statut du voyeur, nous faisons – malgré nous – l’expérience cinématographique d’une réalité. L’on voit cette femme dénudée, explorée, mesurée, humiliée, vendue, violée comme un spécimen d’une « race » à part. La nudité noire est une nudité assez vite minorée et jugée comme témoin d’une animalité consubstantielle. Ainsi les mannequins des années 80, les sportives étaient souvent comparées à des animaux de la savane. Bien sûr, pour les complimenter, pour se satisfaire d’une forme d’adoption, d’acceptation de cette sauvagerie contrôlée et dominée. Il y eut des panthères noires, des gazelles, des tigresses, quelques lionnes quand la crinière s’ajoutait à la panoplie. C’était un autre temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas bien comprendre.
De l’obligation de s’habiller
Avant la Genèse dans les religions du livre, le mythe de Prométhée nous renseigne sur la nécessité de s’habiller. Alors que le monde allait être créé, il fut confié à Prométhée l’obligation de distribuer les qualités aux créatures. Epiméthée, son frère, réclama de le faire à sa place. Tout enthousiaste, celui qui pense après, donne la force au lion, la vitesse à la gazelle etc mais oublia un détail : l’homme. Il ne restait que quelques poils qu’il disposa sur le crâne, les parties reproductives, sous les bras et un peu par ci, par là. Prométhée, celui qui pense avant, est consterné par la connerie de son frère. Il lui faut trouver une solution. Tel quel, l’humanité allait se faire bouffer en deux deux, ou se transformer en sorbet au premier hiver si elle survivait jusque là. Voilà pourquoi Prométhée vole le feu. Voilà pourquoi il va voler les arts et la technique à Athéna. Pour que la race humaine puisse survivre. Que fera la loi ? Enchaîner Prométhée pour qu’un aigle lui bouffe le foie tous les jours. Bravant l’interdit, désirant protéger l’humanité, il fut châtié. La première fonction d’un vêtement est donc la protection.
Dès lors l’ethnographie montre la présence de vêtements il y a 170 000 années et note que plus les régions sont froides, l’être est habillé (en général vêtements taillés dans le cuir des bêtes), plus les régions son chaudes, l’être est dénudé. Plus il fait froid, plus les vêtements sont cousus, plus il fait chaud, plus ils sont drapés.
De l’évidence de paraître
Mais ce serait mentir que de noter cette seule fonction. De manière quasi simultanée, le vêtement offre une fonction sociale de reconnaissance et devient un costume. Si Eve et Adam se couvrent devant leur honte, celle d’un péché consommé dans le dos de Dieu, ils finissent par s’habiller mais en lien avec les codes sociaux en vigueur. J’ai toujours adoré apprendre ce qu’il en était dans la Grèce Antique, rien de plus passionnant que l’histoire du vêtement pour saisir les hiérarchies, les rythmes et la manière de vivre des êtres du passé. D’ailleurs on s’en amuse dans la bande dessinée Astérix où les vêtements codifient des peuples différents et des statuts différents. On reconnaît le druide dans sa longue robe blanche avec manche. On le reconnaît aussi à sa barbe. Panoramix est un sage, une forme de magicien-prêtre bucolique qui fabrique des remèdes à base de plantes et de baies. (Au passage, il est intéressant de noter ici comment certains escrocs de la naturopathie empruntent à Panoramix le costume et le mysticisme pour rendre leur business plus lucratif.) Je m’égare.
Paraître n’est pas superficiel, c’est essentiel. Paraître c’est une donnée première du vêtement qui doit rendre compte de vérités immatérielles : il orne, il rend beau et renseigne sur ce que l’on est ou n’est pas. L’on pourrait dire que c’est une fonction seconde.
Qui parfois s’oppose à la première fonction de protection : la quantité/qualité du tissu peut modifier notre thermo-régulation dans un sens comme dans un autre. Pour se protéger des rayons ultra-violets le bikini est totalement inefficace et pour augmenter notre résistance au froid, la doudoune est contre-productive.
De l’élégance….à l’appartenance
Abu Hassan Ali ben Nafi (dit Ziriab ou bien Ziryab) serait un musicien et premier homme d’élégance qui œuvrait en Andalousie, il avait le don de montrer à ses contemporains l’art de se bien vêtir et l’art de bien manger. Dans l’aristocratie andalouse, le monsieur avait bonne réputation et comme un influenceur des temps anciens, il pouvait lancer des modes. La question du vêtement est une question de possédant, mais la coquetterie n’est pas qu’une question de classe (sociale). Qu’est-ce que la mode ? L’on considère que c’est l’uniformisation d’un goût qui s’étend à l’individu depuis une société donnée. La mode est une affirmation de classe et une démonstration économique et sociale. Souvent le vêtement s’attache au lieu où l’on vie et l’on en remarque encore quelques traces dans ce que l’on nomme souvent avec mépris le folklore.
Être à la mode, revient à se conformer à un code, même lorsqu’il s’agit de se conformer à l’anticonformisme et donc à s’opposer à la mode par une autre mode. Le vêtement adopte alors une force politique évidente car s’habiller revient à appartenir à un groupe. J’ai longtemps porté un bandana et des badges comme pas mal de mes contemporains. Un peu indécise quant à définir mon groupe, j’ai toujours été à l’aise en marge, consciente de mon hybridité monstrueuse et impossible, je glanais une identification confuse entre ma référence à Renaud et mes obligations culturelles et familiales. C’est ma voisine du dessous qui me semblait le modèle idéal. Blonde aux yeux bleus, C. faisait de la moto, aimait Renaud. Je portais des docks et tout l’attirail de la fan de Renaud, mais je crois que j’étais surtout fan de C.
Si Louis XIV a fait de la mode un outil politique de domination, c’est parce que le vêtement n’a plus la possibilité de ne plus l’être. Dès lors que l’on s’habille, on décrète, on affirme, on démontre, on exhibe, on est ostentatoire de. Qu’on soit sans-culottes, porteur d’un bonnet phrygien, d’une casquette, d’une cravate, d’un gilet jaune, d’un Lacoste, d’un petit pull sur les épaules, de mocassins, d’une rolex, d’un polo, d’un sarouel on socio-politise notre corps.
De la pudeur… au désir.
Costumée en fan de Renaud, je composais aussi avec les normes de mon milieu : aucun vêtement moulant. Non pas à cause d’un interdit religieux mais à cause de mon embonpoint. Dans les années 80, les grosses devaient pour le moins se faire discrètes dans le paysage féminin pour ne pas froisser la pupille du bon goût qui préfère la minceur et ordonne la pudeur aux trop-bien-nourries-sans-volonté. Personne ne m’a donc refoulée aux abords de mon établissement scolaire lorsque j’arrivais avec des T-shirts et pantalons oversize.
C’est la fonction de camouflage. L’on connait cette fonction grâce aux chasseurs, aux militaires mais l’on oublie souvent que le vêtement est aussi une possibilité de se cacher. De cacher. Ce que l’on est. Ce que l’on a peur d’être. Ce que l’on voudrait être. Quoi de plus invisible qu’un vêtement porté par un groupe ? Si tout un groupe le porte, l’on se confond dans le groupe et l’on se protège. La fonction de camouflage rejoint alors la fonction de protection.
Je me souviens de cette histoire dingue qui concerne la pauvre Jeanne d’Arc. La mystique jeune fille allait à l’encontre des codes de la pudeur en montant à cheval dans des vêtements d’homme, à cours d’arguments pour la donner aux anglais, le clergé catholique, après l’avoir mise à nue dans sa cellule, lui laisse des vêtements d’homme, qu’elle revêt à son réveil. L’un des arguments de sa crémation vivante est le fait de porter des vêtements d’homme. Pensons aussi à Louise Michel, la surnommée vierge rouge qui aussi fut envoyée au bagne pour divers arguments dont celui de porter un pantalon. La pudeur était de porter robe et jupe qui donnent accès au sexe, mais de cacher ce sexe.
Une femme doit être cachée ET disponible au sexe.
La pudeur et la transmission de la pudeur est une norme sociale qui s’effraie des pulsions sexuelles déclenchées par la vision et la représentation des organes reproducteurs et des caractères sexuels secondaires comme les seins et les tétons. La fonction de camouflage porte sa propre limite : la pudeur devient une source d’érotisation.
Ainsi, la modestie d’un décolleté, ou la pudeur d’un voile exacerbe le désir par l’imagination ; (se) dénuder, (se) dévoiler, (se) déshabiller organisent alors un rituel érotique très puissant. Les vulves s’humidifient, les verges raidissent : la pudeur est sexuelle. On n’est pas rendu.
Je me souviens d’une collègue : « Quand je vois une femme voilée à Carrefour, j’ai envie de lui enlever. » Elle me dit cela paisiblement au pot de rentrée. A moi. Etait-ce le désir de tester ma loyauté républicaine ? Ma soumission africaine ? Peu importe. Sa phrase exprime surtout un désir, une envie. Inconsciente de la violence de son désir et confortée par son propre conditionnement plus ou moins colonial, elle se proposait d’aller agresser une femme dans une grande surface. Au nom de sa loi.
Du conditionnement à la « haute visibilité »
Il existe de fait des vêtements de « haute visibilité » ; ce sont des vêtements qui permettent d’exprimer très clairement, dans une forme d’immédiateté une fonction qui sert aussi la protection de celui/celle qui le porte. C’est le cas de l’uniforme mais aussi des vêtements professionnels : les blouses, les bandes fluorescentes, la couleur orange des vêtements protègent par sa visibilité : on est censé ne pas le violenter, voir pour ne pas rouler avec notre véhicule sur un ouvrier.
Qu’en est-il de la haute visibilité de ce qui au départ cherche le camouflage ? Tout vient des yeux. De qui regarde et qui juge. De qui a peur et veut contrôler. De qui veut dominer et ordonner.
Rappelons nous l’histoire d’Andersen : les habits neufs de l’empereur. Un empereur voit arriver deux tailleurs qui lui proposent un costume dans un tissu extraordinaire, en sus de ses qualités textiles, l’étoffe aura la capacité d’être invisible aux idiots et aux incompétents. Alors, l’empereur est perplexe quand il ne voit rien sur les machines à tisser, les ministres et les habitants du royaume quand ils aperçoivent la nudité de leur monarque. Un enfant prendra la parole, un enfant dira ce qu’il voit : un empereur nu. Ce qui abuse les uns et les autres ce n’est pas ce qu’il voit, ce qui est mais ce qu’ils ont peur que l’on disent d’eux s’ils affirment ce qu’ils voient. Conditionnés à interpréter selon une conformité arbitraire, ils ne devinent pas les escrocs qui font juste du business. Au moment où l’empereur défile, nu comme un ver et fier comme l’être supérieur qu’il se croit être, les tailleurs sont loin, ils sont riches de tout l’or et l’argent extorqués à l’orgueil et la crédulité d’un monarque et de sa cour. .
Ainsi pour rendre visible ou invisible une tenue, il faut la force de crédulité d’un chef et de ses serviteurs ou mieux encore, d’un influenceur et d’une masse conditionnée et donc consentante, ou encore d’un législateur zélé et sa cohorte exaltée.
Du regard des autres à la violence législative
J’ai toujours détesté le désir de pudeur des autres porté sur mon corps. La première c’est ma mère qui pour m’éduquer me demande de ne jamais m’assoir les jambes écartées. En arabe, elle me disait « range-toi ». L’idée était de ne pas attirer l’œil sur la possibilité de mon vagin. (Que je portais sur moi). On me sexualisait malgré moi.
Ainsi, la possibilité du sexe était une culpabilité. A vouloir protéger un bien, la virginité, on condamnait la possibilité avant l’acte. Même pas l’intention, la possibilité d’une intention. Au nom de la loi. (Domestique)
Ayant quitté mes parents, j’étais certaine que cette modalité ne me toucherait plus jamais. Ce fut une erreur, mon corps féminin ET arabisé fut sexualisé toute ma vie. (Attendons la vieillesse qui m’enlèvera toute projection sexuelle extérieure mais j’espère pas toute sexualité) Selon des curseurs différents mais jamais avec mon consentement, mon arabité et mon genre fusionnent à me déposséder de moi-même.. Il fallait vérifier si j’étais une bonne musulmane ou une bonne française. Une bonne arabe ou une bonne française.
Les Français sont toujours perplexes à se reconnaître et à se considérer dans leur histoire et leur hybridité et ce sont les femmes d’origines arabes qui doivent prêter allégeance et faire la démonstration de la supériorité d’une culture sur une autre. Le vêtement n’est plus là pour protéger contre le froid ou la chaleur mais pour exprimer une soumission, la femme d’origine arabe doit dire pour qui elle est bonne. Je dois faire état de mon état, démontrer une insoumission ethnique et une soumission républicofrancotruclaïcobizarronotdangerous arabic girl. Le fait est que cela m’ennuie.
L’émancipation à l’aune de la mondialisation
En France, la séparation de l’église et de l’état ne légifère pas sur les vêtements mais sur les édifices. La loi de 1905* avait pour ligne de mire la neutralité du pouvoir, des autorités publiques. La loi de 2004**, quant à elle, s’adresse pour la première fois aux musulmans et aux femmes en particulier. Elle formule un paragraphe plus général sur les signes vestimentaires. En 2010,** la même interdiction s’applique à la burqa et interdit la dissimulation du visage. Ces lois sont destinées à contrôler principalement la haute-visibilité de l’islam à travers les femmes musulmanes. Leur camouflage échoue et elles se transforment – souvent malgré elles- en étendard prosélyte, alibi des uns et des autres dans une confusion détestable.
Sous couvert de liberté et d’émancipation, on légifère sur les corps féminins, sous couvert de pudeur et de soumission, on légifère sur les corps féminins. C’est une impasse. Ils sont d’accords à dominer.
Le mal est fait et il est irréversible. Il eut fallu aimer l’émancipation plus que la domination pour échapper au piège, cela n’est pas et ne sera plus jamais le cas.
Au box-office cet été, des millions de spectateurs ont partagé une culture commune : le film Barbie. Il paraît que la couleur rose a été provisoirement en rupture de stocks et que le film a généré 1, 2 milliards au box office, 100 marques sont partenaires pour les produits dérivés dans le monde entier. Dans le même temps, certains pays ont interdit le film parce qu’ils y voyaient un prosélytisme LGBTQ+. Pourtant dans le film aucun acte de ce type. A peine une intention dans certaines remarques d’un personnage. Mais voilà, le haram est possible, on interdit le haram possible. La mondialisation fait son œuvre, elle avance comme une armée de masse, diffusant des modèles culturels qui se font la guerre. Dès lors que les Pays du Golfe ont ouvert leur capital pour diversifier leur économie, ils étaient les bienvenus.
Les pouvoirs hypocrites de leurs accords économiques font la guerre aux gens, les gouvernements pudiques de leurs ventes et achats d’armes, pudiques de leurs ententes et dépendance économiques, pudiques de leurs lâchetés géopolitiques, cherchent des voiles pour masquer leur violence dominatrice. Aucun pays ne s’émancipe des autres pays susceptibles de porter atteinte aux droits de l’humanité. L’on a beau connaître la nudité de leurs intentions, aucune loi ne vient protéger les victimes de ces violences-là. L’on sait par exemple que beaucoup de femmes afghanes vivent un calvaire mais où est le couloir humanitaire qui leur permettrait de quitter leur pays avec mari et enfants pour vivre dans un pays où elles pourraient être en paix ?
Interdire pour protéger ou mépriser ?
Les tenues conformes à la pratique d’un islam rigoriste ou pas sont innombrables, elles varient selon les pays et les individus souvent elles sont invisibles car elles miment les tenues occidentales, elles peuvent être traditionnelles, comme par exemple le sari qui se porte à la musulmane, ou plus contemporain, le jogging et il existe même un concept que je découvre : musulmane et sexy et voilé ( concept qui comme l’abaya est d’ailleurs aussi exporté par les pays arabes riches ). Va-t-on faire en France une loi pour tous les vêtements qui auraient une conformité plus ou moins explicite à l’Islam et donc pourraient porter l’éventualité, l’intention de prosélytisme et donc d’atteinte à la laïcité ? Si l’on ajoute à cela que ces vêtements sont plus coupables sur un corps clairement africanisé que sur un autre, on dépasse complètement le cadre de la loi et on va contre les principes que l’on veut défendre. A chaque fois qu’une loi interdit pour protéger, elle s’attaque à la potentielle victime. Parfois cela fonctionne et s’avère salvateur. L’interdit de fumer dans les lieux publics réduit la dangerosité de la cigarette pour les fumeurs et non-fumeurs. Mais sur le corps des femmes, c’est toujours une impasse. Dans la pratique, il n’y a pas de tenue religieuse, les tenues sont les mêmes au quotidien.
sari conforme
jogging contemporain
tenue de soirée
tenue urbaine
A-t-on le droit de considérer qu’être musulman est un état de conscience inférieur au sien ? Sans doute. Le mépris n’est pas interdit par la loi. Mais il ne faut pas faire semblant de se draper dans des valeurs étrangères à son mépris et donner des leçons de civilisation. A-t-on le droit de considérer qu’être non-musulman est un état de conscience inférieur au sien ? Sans doute. Le mépris n’est pas interdit par la loi. Mais il ne faut pas faire semblant de se draper dans des valeurs étrangères à son mépris pour donner des leçons de civilisation.
Aucune religion n’est inclusive. Qui ne respecte pas le dogme s’exclut. Lorsque la religion est d’état, si cet état est autoritaire, l’émancipation peut coûter la vie. Lorsque la religion est une option dans un état démocratique, elle est liée à la structure familiale, la loyauté est affective et l’émancipation est possible par désir. Elle peut être inoffensive où coûter une ostracisation.
Du droit à la nudité… à la foi
Dès lors, la solution serait-elle là ? Dans un droit absolu à la nudité partout dans le monde. Un droit qui ne serait pas une obligation. Un droit qui n’empêcherait pas le vêtement mais ne forcerait pas l’obéissance à un code. On arrête la fast fashion, la fashion week, les grands magasins, l’industrie du textile etc. Mais est-ce possible ? Nus on devinerait les garçons que leurs parents ont attaché à une religion sans leur consentement, les circoncis seraient alors obligés de trouver à cacher leur appartenance. Et il faudrait faire une loi contre l’absence de prépuce à l’école. De nouveau l’impasse.
Qui plus est, on ne peut enlever à l’humaine condition le droit de croire. L’homme mortel cherche ses réponses métaphysiques et il en a le plein droit. Se sentir supérieur parce que l’on ne croit en rien ou se croire supérieur parce que l’on croit n’est pas illégal mais cela n’aide pas à réfléchir.
Qui choisit sa religion, son pays de naissance, sa famille, ses conditionnements en 2023 ? Personne. Est-ce qu’en 2023 l’on peut cacher l’évidence d’une reconnaissance identitaire ? Je ne crois pas. Cette reconnaissance est-elle une revendication ? Parfois. Il faudrait être d’une très grande mauvaise foi pour ne pas reconnaître que chaque femme compose avec ses soumissions et certaines plus que d’autres. Il faudrait être aussi d’une très grande mauvaise foi pour ne pas reconnaître que les religions fondent un patriarcat que pour ma part j’ai fui. Pour autant. Qui peut juger de l’émancipation des femmes sinon elles-mêmes ? Qui peut décider de la foi ou de la conscience d’un individu sinon lui-même ? Nul ne devrait juger et décider ce qu’une femme doit croire et porter.
Il existerait une solution radicale. Il faudrait tout revoir, interdire les baptêmes, interdire les circoncisions, les prières avant 18 ans, l’enseignement religieux, les mariages religieux où les enfants sont invités, les fêtes religieuses, il faudrait empêcher les enfants de vivre avec leur parents pour ne pas être influencés par leur foi, leurs convictions, leurs habitudes alimentaires ou vestimentaires. Il faudrait enlever les enfants à la maternité et les revêtir d’un uniforme et les garder dans d’immenses orphelinats militaires jusqu’à 18 ans.
Les religions les plus prosélytes savent se rendre désirables malgré les contraintes inhérentes à leur pratique. La foi individuelle apparaît moins importante que la religion qui devient la défense d’un groupe. On ne peut nier qu’il y a quelque chose de l’ordre de la lutte, de la défense d’une dignité primordiale : le peu qui reste du passé des ancêtres. Cette défense peut inquiéter les tenants de l’assimilation. Ce que je crois c’est que nous multiplions les impasses en multipliant les législations sur ces questions. On ne peut enlever le peu qu’elle possède à une personne qui possède peu.
Il faudrait se rappeler qu’on s’émancipe seul et jamais par la force. Il faudrait se rappeler que tout être est un être de désir et que l’on ne crée pas le désir par la loi ou la force.
Après et auquel cas j’aurais perdu plusieurs heures à écrire ce texte, si l’objectif est d’éradiquer les femmes musulmanes et/ou les Arabes du paysage français, c’est illégal et impossible. Les musulman.e.s français.e.s sont musulmans et français. Ils sont chez eux.
dalie Farah