<mode MESSAGE TRES LONG on>
Bien...tout ça est intéressant...j'hésitais à venir vous rejoindre mais bon, pourquoi pas et puis j'ai eu une discussion acharnée avec mon beau-fils récemment à ce sujet qui a duré jurqu'à 3h du matin...
Je ne vais parler que de mon expérience personnelle d'abord parce que je ne veux pas parler au nom des autres et ensuite parce que c'est ce que je connais le mieux...donc voici
quelques réflexions personnelles en vrac...
1. La surproductionDire que ça n'impacte pas le lecteur est faux à mon humble avis.
Comme on l'a dit plus haut, "l'abondance de choix tue le choix".
En temps normal je ne passe qu'une fois par mois chez mon libraire et j'achète mes nouveautés.
Imaginons que je passe le vendredi, s'il reçoit des nouveautés le lundi, lors de mon prochain passage, elles auront un mois et ne se trouveront plus en tête de gondole.
Pour les blockbusters, pas de problème mais quid des albums plus confidentiels ou d'une nouvelle série ? Réléguées au fond du magasin parce qu'il faut faire de la place à la promo du dernier Largo Winch (ou Blake et Mortimer ou XIII,...) qui lui n'en a justement pas besoin. Vous trouvez ça normal ?
On doit en être à 6000 titres franco-belges tous les 2 ans...comment voulez-vous écouler une telle production ?
Vu mon âge j'ai connu plusieurs époques de la BD et notamment le boum des années 80.
Pas compliqué, vu que je commençais à travailler, mon pouvoir d'achat avait augmenté et j'achetais TOUT ce qui paraissait (et qui me plaisait bien entendu)...je pouvais me le permettre.
Pour son anniversaire, j'offrais à mon beau-fils un bon d'achat de 1000 BEF (165 FF - 25 EUR) et il sortait avec une dizaine d'albums. Aujourd'hui avec de la chance il en aurait deux...mais je n'oserais plus lui offrir un bon de 25 EUR...
Puis les années ont passé et mon budget BD a augmenté avec mon pouvoir d'achat...mais le prix des BD et la production augmentaient aussi donc je ne pouvais plus tout acheter, je devais choisir.
Depuis quelques années, je suis au top de mon pouvoir d'achat mais j'achète de moins en moins alors que la production a encore augmentée. Comment expliquez-vous cela ?
Plusieurs raisons :
- la surproduction m'empêche de dégoter des albums confidentiels et ce malgré toutes les infos qu'on peut trouver
- une certaine lassitude vu la quantité de BD que j'ai lues et le manque d'originalité de la majorité de la production
- l'impression d'être pris pour une vache à lait avec les spin off, reprises plus ou moins réussies, les séries à rallonge sans intérêt particulier,...
- la qualité générale assez moyenne d'une grande partie des nouveautés
- la multitude de choix selon un thème à la mode (BD d'aviation, BD sur la 2e guerre mondiale, BD sur le monde de la finance, uchronies,...) à croire que dès qu'une BD sur un thème précis a marché, tous les éditeurs se doivent d'en avoir une.
Vous me direz que ça existait déjà dans les années 60 avec un Buck Danny pour un Dan Cooper et un Tanguy...mais ça n'en faisait que 3...aujourd'hui c'est pas paquets de dix...
- et enfin un aspect jamais évoqué ici si je ne m'abuse, le fait que les éditeurs n'ont jamais suivi (évolué avec) leur lectorat !!!
Où sont les albums faits pour les lecteurs de 50-60 ans qui sont ceux qui ont fait les beaux jours des éditeurs à une époque ?
Oh il y en a bien par-ci par-là mais cette tranche d'âge, normalement économiquement forte, a simplement été oubliée donc aujourd'hui je me retrouve face à une tonne de BD qui ne m'intéressent pas (ou plus) ou que je ne connais même pas.
Alors oui, pour moi la surproduction impacte le lectorat...
2. Les auteursJ'ai la chance d'avoir parmi mes amis proches, deux dessinateurs, Frank Pé et Yves Swolfs pour ne pas les citer, que je connais depuis longtemps et pour qui j'ai un immense respect car je sais ce qu'ils traversent dans leur boulot. Et ce ne sont pas des auteurs à plaindre donc j'imagine ce que c'est pour ceux qui débutent.
Or même eux doivent faire face au lectorat et doivent choisir vers quoi ils vont aller. Les goûts changent tellement vite qu'ils doivent s'adapter sous peine de se faire oublier. Sans oublier au passage de renégocier leur contrat avec l'éditeur...
Et quand on sait ce que représente la sortie d'un album pour eux, il est je trouve inconvenant de balancer des ignominies sur un forum, caché bien lâchement derrière son clavier. Une critique négative et argumentée, OK...une descente en flamme, non...
Je suis d'autant plus à l'aise d'en parler que j'ai commis cette erreur moi-même par le passé, que ça m'a coûté cher et que je ne le referai plus aujourd'hui...j'ai appris depuis à connaître le côté sombre du Net...
Par contre une chose m'étonne depuis longtemps, c'est le manque de connaissance de certains auteurs quant à leur lectorat. Manque de temps, d'envie, je ne sais pas mais certains auteurs ne savent pas ce qu'on attend d'eux...bizarre, non ?
Alors oui, un auteur peut créer (c'est un artiste, non ?) mais son but me semble quand même être de partager sa création avec son lectorat (là aussi j'évite l'aspect financier) et donc s'il trouve son public, tout va pour le mieux mais tout le monde ne peut pas plaire (ou peut ne pas plaire).
Il n'y a pas de problème que du côté des éditeurs...il y a aussi des auteurs qui, désolé, ne tiennent pas la distance...personne ne pourra nier cela.
Alors quand un jeune auteur reçoit pour son premier album, une édition grand format cartonné couleur, c'est Bizance...il y croit.
Et puis 6 mois ou un an plus tard, on lui dit que faute de vente, on ne va pas pouvoir continuer, que devient-il ?
De plus ces jeunots sont payés avec un élastique et tout le monde sait qu'un élastique, ça pète un jour ou l'autre et qu'à force de payer des dizaines d'auteurs sans probable avenir, on oublie aussi de payer ceux qui sont dans le métier depuis longtemps et qui rapportent des sous à leur patron.
Je ne parle pas évidemment des gros vendeurs qui eux font des rencontres payantes avec le public pour promouvoir leur dernier blockbuster au succès assuré...
3. Les lecteursBen oui, les lecteurs ont aussi une importance dans ce milieu, ce n'est pas uniquement le côté business des éditeurs et les envies créatrices des auteurs qui comptent.
Tout ce petit monde n'existerait même pas s'il n'y avait pas de lecteurs...ne pas l'oublier siouplé...
Et bien le lecteur aujourd'hui, il est perdu, on lui offre tellement de
cadeaux qu'il ne sait plus où donner de la tête. On lui sort de l'inédit, des rééditions, des intégrales, des spin-off, du manga, du comics, de l'indé, du franco-belge, du TT, du TL, de la VO et que sais-je...pourquoi il se plaint, le lecteur ?
Si j'osais, je dirais peut-être de ce que la BD coûte cher...oserais-je ? Allez oui, j'ose...
Je reviens à ce que je disais plus haut au sujet du cadeau à mon beau-fils quand il était jeune...aujourd'hui, il faut mettre 4 à 5 fois le prix pour acheter la même quantité or il s'agit toujours d'albums de 44 planches, cartonnés et en couleur.
Dois-je croire que mon pouvoir d'achat a été multiplié par 5 aussi ?
Le public plus âgé étant oublié, il reste les plus jeunes...oui mais leur budget n'est pas extensible non plus et la priorité n'est plus la BD mais le GSM et les jeux vidéo, la BD ne vient qu'après et avec ce qui leur reste, ben ils doivent choisir aussi.
Il paraît que cette année, le manga a perdu 9% de part de marché en Europe...étonnant, non ?
Et je ne parle pas du FB qui ne les intéresse pas ou peu.
Donc il fait quoi le lecteur de 16-18 ans aujourd'hui ? Comme nous, les vieux, il achète moins et commence à se lasser.
4. Les éditeursSi on remonte un peu dans le temps, on remarquera que les éditeurs ont aussi évolué dans leur démarche. Même si j'imagine que le profit a toujours été un de leurs buts, j'ai l'impression qu'on est passé de sociétés familiales ou semi-familiales, avec de vrais patrons aux commandes et un intérêt certain pour ce qu'ils éditaient à des sociétés de moins en moins nombreuses au fil des rachats successifs, dirigées par des businessmen qui vendent de la BD comme ils vendraient de la lessive ou des bibelots anciens, avec comme seul but le profit, par tout les moyens et en se f... du lectorat.
Tant que ça se vend, pourquoi changer et même essayons d'en tirer encore un peu plus...Je généralise un peu car il y a encore quelques éditeurs qui aiment et croient en ce qu'ils font, là je ne parle que des "gros", ceux qui "font du chiffre".
Ces éditeurs voient leur CA baisser ces dernière années et comme parade, ils n'ont trouvé que la surproduction (
Dans le tas, il y en a bien quelques uns qui vont se vendre) ou l'augmentation du prix, passant d'un format cartonné normal à un format un chouïa plus grand et appelant ça "grand format" avec x EUR en plus à la clé.
On trouve un créneau, hop, on l'exploite jusqu'à la corde...et si ça se plante, on oublie ces auteurs-là et on passe à autre chose avec d'autres...ils n'attendent que ça les petits...
Seulement à mon avis, ils vont droit dans le mur et si évidemment je ne souhaite pas un crash général de la BD (faudrait être fou), ils feraient mieux de se concentrer sur leurs clients plutôt que sur leurs actionnaires. Vous me direz que c'est leur intérêt de soigner leurs actionnaires...et c'est là que le bât blesse amha vu qu'on parle ici quand même d'un domaine artistique...ils ne vendent pas du pétrole ou des bagnoles, ils vendent un produit artistique, de divertissement et fait par des gens qui sont passionnés par leur boulot (je ne connais pas de dessinateur BD qui fait ça pour le pognon...).
Le jour où ces gros éditeurs (connaissent-ils seulement leur métier ou ce que devrait être leur métier ?) s'intéresseront au lectorat et en tireront les enseignements, peut-être arriveront-ils à corriger le tir mais franchement, j'en doute...et ça m'amène à mon dernier point de réflexion...
5. L'avenir de la BDPas trop enthousiaste por le moment, tout le monde gueule : les éditeurs parce que les chiffres baissent, les lecteurs parce que la BD est trop chère et qu'il y en a trop et les auteurs, au milieu, qui se font bousculer par les éditeurs et houspiller par les lecteurs.
Donc à priori, tout le monde râle et tout le monde continue néanmoins...c'est à se demander comment il y a encore des gens prêts à défendre la BD d'aujourd'hui...
Ah si, quelques auteurs ont décidé de s'autoéditer, sans passer par les circuits habituels...bonne idée mais faudra développer...faire de la pub...se vendre...ce qui n'est pas le métier d'un dessinateur...va falloir s'accrocher pour contrer les éditeurs traditionnels qui ne vont pas se laisser faire...courage, les gars...
Et ce n'est pas l'arrivée de la BD numérique qui va arranger les choses. un nouvel univers arrive où on verra la disparition de plusieurs métiers liés à l'édition.
Les marges des éditeurs devraient mieux s'en porter mais au détriment des auteurs, des distributeurs, des libraires, des représentants,...
Et lorsque la BD sera majoritairement numérique, il ne restera que les vieux fous pour acheter des éditions de luxe, parce qu'ils aimeront toujours le papier et l'odeur des BD...un peu de para-BD éventuellement pour décorer et tout ça se vendra via Internet comme ça le libraire n'aura plus de raison d'exister.
Si rien ne change, cela arrivera un jour ou l'autre...pas demain, non, mais peut-être après-demain...
Voilà désolé d'avoir été si long mais vu que la discussion partait dans tous les sens, j'ai fait un résumé des réflexions personnelles que cela m'avait provoqué.
On disait aussi plus haut que le "c'était mieux avant" était une attitude rétrograde, plus dans l'air du temps...
Vous en êtes vraiment certains ????
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