Ayé, enfin lu cette BD qui déchaîne les passions.
Pour ma part, j'ai beaucoup aimé. C'est simple, cela faisait longtemps que j'attendais de lire un vrai Spirou depuis le dernier Tome et Janry. Et là, j'ai enfin eu cette sensation. Je n'ai pas eu l'impression de lire une reprise ou une "vision", juste du Spirou. "Enfin !", dirais-je.
Cela est grandement dû à la partition graphique de Frank, qui maîtrise les personnages (dont un exceptionnellement bien, même si on ne le voit que dans deux ou trois cases : le maire de Champignac) et tout ce qui est autour, bien sûr. Mais c'est aussi dû aux magnifiques couleurs de Cerise.
De ce point de vue, les quatre premières planches dans la jungle sont les plus immersives. À présent, j'espère que c'est bien le Marsupilami que Frank va reprendre le temps d'un album, et ce serait encore mieux si cette reprise avait lieu dans le cadre d'une nouvelle aventure de Spirou et Fantasio, qui se déroulerait donc cette fois en Palombie, mais j'ai bien conscience de rêver éveillé.
En ce qui concerne les lunettes de Spirou, ça ne m'a pas gêné mais c'était dispensable. Il y a d'ailleurs une case où Frank a oublié de les dessiner et Spirou y est très bien.
En ce qui concerne cette histoire, je l'ai trouvée très émouvante et plutôt bien ficelée si on excepte la partie Champignac sur laquelle je reviens plus bas. J'aurais franchement aimé en reprendre pour vingt pages supplémentaires car certains événements se précipitent vers la fin (et accessoirement, cela aurait laissé de la place pour établir le lien avec les champignons, mais bref, je vais y revenir, patience
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). J'ai un peu regretté que l'on ne retourne pas dans la jungle du début pour que nos deux héros et Fauvette rencontrent l'Okapi blanc. J'a vraiment cru qu'on allait s'orienter vers cela au début. Parmi les séquences marquantes de ce livre, je retiendrai donc le début, la représentation de Noé et de ses animaux au cirque où on sent toute la poésie de Frank, les rêves de Fauvette avec l'Okapi blanc et bien sûr
la mort de Bornéo.
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Au sujet des champignons noirs, je vois plus cela comme un moyen d'intégrer Champignac à l'histoire. Je ne sais pas si Frank et Zidrou ont tant réfléchi que ça à l'imbrication de cette intrigue dans le récit. On peut trouver une symbolique, comme nombre l'ont déjà fait dans les commentaires précédents, mais j'ai un doute sur la part intentionnelle des auteurs. J'ai plutôt l'impression qu'ils ont placé leurs espoirs en les lecteurs pour qu'ils trouvent eux-mêmes un lien sans qu'ils y aient forcément réfléchi outre-mesure. Du coup, je vous livre ma version au sujet de ces champignons noirs, qui vaut ce qu'elle vaut bien évidemment :
Je vois que certains ont relié ces champignons aux problèmes de Fauvette, pour ma part je vois cela comme plus "global". Dans tout l'album, on voit beaucoup de personnages déprimés qui ne rêvent plus, la plupart des gens étant "pragmatiques", ne pensant qu'à leurs sous, dénués d'imaginaire. Cet état d'esprit, qui correspond bien à notre époque, est symbolisé par l'ambiance dans Bruxelles (atomium en ruines, le quartier de Spirou et Fantasio qui est cloisonné) mais aussi par certains personnages, dans des registres différents, dont la directrice du Moustique est le parangon.
La progression des champignons noirs symboliserait donc la dépression générale qui gagne le monde entier, et leur disparition coïncide avec l'ouverture du dôme de Bornéo, où ses visiteurs se remettent à rêver, et donc sortent de leur déprime. Et comme cette exposition va faire le tour du monde, beaucoup de gens vont être touchés par ce regain d'imaginaire. D'où fin de la dépression ambiante. D'où fin des champignons noirs. Voilà, voilà...
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Mais ne boudons pas notre plaisir, cette sous-intrigue, tout de même fort agréable à suivre, ne m'a pas gêné plus que ça, surtout dès que j'ai trouvé cette petite explication qui me convient très bien, et cette aventure de Spirou et Fantasio restera dans ma mémoire comme l'une des plus belles qu'il m'ait été donné de lire.
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