Le FRÉMOK est une maison d’édition franco-belge de bande dessinée indépendante, spécialisée dans une production dite «alternative» ou encore
underground.
Pour en savoir plus, les plus courageux lirons mon petit article ci-dessous, les autres passerons directement par le site officiel du FRÉMOK:
www.fremok.org (Les plus fous passionnés iront directement en librairie acheter l'un ou l'autre de leurs albums).
Syd
HISTORIQUE DU FRÉMOK
Le FRÉMOK est né le 22 juin 2002, de la signature d’un plaisant traité de partenariat entre les éditions Amok et Fréon .
L’Amok, situé à Montreuil, fait partie d’une structure nommée Dissidence Art Work. Créée en 1991, cette structure regroupe l’Amok et la librairie-galerie Insula. Dissidence Art Work tend à défendre une pluralité d'expression, tant des créateurs professionnels que des amateurs, tout en explorant les possibilités d’interactions novatrices entre l’art et la société. Depuis leur fondation par Olivier Marboeuf et Yvan Alagbé, les éditions Amok défendent une création artistique qui allie vision personnelle et souci des réalités contemporaines, sociales, historiques ou culturelles. Explorant l'ensemble des relations entre le texte et l'image, les livres d'Amok construisent un territoire singulier qui va de la bande dessinée à l'essai graphique en passant par la photographie ou le graphisme. Débutée avec une revue trimestrielle, Le Cheval sans Tête, la production éditoriale s'est ensuite enrichie de deux collections d'albums de bandes dessinées, Feu ! et Octave. En même temps que Le Cheval sans Tête changeait de formule pour devenir semestriel, l’Amok édite Specimen, une revue graphique thématique. Ces deux revues, qui permirent la découverte de nouveaux talents, sont depuis arrêtées mais de nouveaux projets sont à l'étude. Depuis sa création, où les premières publications étaient encore assemblées manuellement, l’Amok a bien entendu élargi sa production et ses compétences en publiant, notamment, des auteurs confirmés comme José Munoz et Carlos Sampayo ; mais cela ne l’empêche pas d’encore produire des livres plus «hermétiques» en sérigraphie à cent ou deux cent exemplaires.
Le Fréon est basé à Bruxelles. Il a été fondé en 1994 par Thierry van Hasselt, Vincent Fortemps, Denis et Olivier Deprez, quatre jeunes dessinateurs issus d’études de bande dessinée de l’institut Saint-Luc de Bruxelles. Constitué sous la forme d’une association, d’un collectif de dessinateurs belges et indépendants, le Fréon axe sa ligne éditoriale vers une bande dessinée d’art et d’essais. Ses objectifs sont avant tout purement artistiques, que ce soit au niveau formel ou au niveau du fond. Le Fréon veut défendre une bande dessinée dite «difficile». Cette démarche expérimentale, en dehors des standards, permet d’offrir plus de liberté créatrice aux auteurs, scénaristes ou dessinateurs. Ainsi, outre des auteurs locaux, le Fréon a permis la publication d’artistes désormais reconnus comme Alberto Breccia ou Lorenzo Mattotti. Autour de la revue Frigobox, qui a lancé cette entreprise, le Fréon distille également les recherches en atelier de ses créateurs de bande dessinée.
Il est intéressant de remarquer que c’est au début des années nonante que se sont créées ces deux maisons. Le marché de la bande dessinée «traditionnelle» est alors très rigide. En effet, à la fin des années 80, suite à la disparition de la plupart des revues de bande dessinée, la majorité des auteurs se retrouvent sans support de prépublication. La profusion de périodiques des années antérieures laisse brusquement place à un dépeuplement des magazines de bande dessinée et entraîne une sorte de marasme artistique. Les éditeurs prennent un minimum de risque en publiant principalement des auteurs consacrés, des valeurs sûres. On assiste donc à une multiplication de séries à caractère classique, calquées sur le succès des précédentes. Inutile de préciser que cette politique éditoriale laisse peu de place à la création artistique et à la recherche de nouveaux critères esthétiques. La contrainte économique, plus imposante, pousse les éditeurs à chercher la garantie du succès dans des formules éprouvées et fiables. Dès lors, de nombreux jeunes auteurs ayant pour ambition de proposer d’autres choix stylistiques ou narratifs rencontrent le refus de la plupart des grands éditeurs. Pour exprimer leur talent, ces auteurs se tournent alors vers des petites maisons d’éditions ou encore, prennent personnellement en charge leur publication.
C’est ainsi que naissent une série de maisons d’édition indépendantes comme le Fréon ou l’Amok qui, après plusieurs collaborations successives, décident de fusionner.
ESTHETIQUE
Les objectifs du FRÉMOK sont centrés sur la réflexion sur les spécificités de la bande dessinée, à chaque niveau de sa construction : l’écriture, le dessin, la structure du récit, jusqu’à la conception du livre, voire même jusqu’à sa diffusion. L’idée est de prendre en charge tous les paramètres d’un album et de son contenu de la manière la plus libre et la plus approfondie possible. Dans l’esprit de liberté, chaque album est traité indépendamment de toute production extérieure. Même s’il y a des collections, celles-ci n’imposent pas de format, de standard, de type de couverture particulier ou de nombre de pages à un album. L’éditeur est en recherche constante pour donner le support le plus approprié aux aspirations de l’auteur et aux exigences du contenu de l’album. Ce travail se fait également, et de manière indispensable, sur le fond. La narration est la base de toute recherche formelle. C’est le scénario qui guide le dessin et non l’inverse. Il ne doit donc pas y avoir de différence entre le récit et le graphisme qui sert à le raconter, qu’il s’agisse de gravures, de peintures ou de dessins au fusain. Cette réflexion sur le récit est prépondérante au FRÉMOK qui cherche le moyen le plus ouvert, le plus polysémique de mettre en scène une histoire.
Cette ouverture et cette polysémie sont aussi présentes dans la «ligne éditoriale» du FRÉMOK qui ne veut revendiquer identité, libre des genres, des classes. La liberté de cette maison est un caractère que veulent conserver ses dirigeants. Elle est indéniablement liée au fait qu’il s’agit d’une structure jeune, née des volontés créatrices d’artistes à peine sortis de leurs études. Cette conduite facilite, bien entendu, le dialogue entre l’éditeur et l’auteur, renforçant ainsi la créativité et la cohésion entre une œuvre et sa publication.
CRÉNEAU ET ÉTAT DES LIEUX
La bande dessinée indépendante rencontre généralement un public totalement différent de la bande dessinée dite traditionnelle. Le FRÉMOK s’adresse à des lecteurs attentifs et exigeants. Ce public est parfois considéré comme «élitiste» car intéressé par cette forme de production en tant que langage artistique original plutôt qu’en tant que genre alternatif. En effet, ce lectorat n’est pas formé par des amateurs ou des collectionneurs de BD mais est plutôt constitué d’intellectuels qui retrouvent en ces albums le même ton qu’ils affectionnent pour le cinéma ou la littérature. Il s’agit donc de lecteurs de bande dessinée mais avant tout de lecteurs de textes et d'images. Ce sont des personnes qui consomment tout autant du roman, de la poésie, de la photo, du livre d'art, du cinéma ou de la musique que ce type de bande dessinée . Il s’agit aussi de lectures qui ont une démarche culturelle exigeante, à savoir la recherche de l’alternatif, de l’expérimental ou de l’expérience formelle. Il semble donc que, tout comme il faut dissocier la fois la bande dessinée traditionnelle de la bande dessinée alternative en tant que véhicule de contenu, il faille également dissocier leur lectorat, en tant que récepteur de ce contenu.
En outre, les acteurs des réseaux de la bande dessinée underground font généralement remarquer que ce sont leurs produits qui rencontrent le plus d’intérêt à l’étranger. Actuellement, on exporte avec plus de succès hors du monde francophone ou même de l’Europe des albums au format et au contenu original, comme une bande dessinée de Trondheim ou de Breccia, que le quarante-septième Tuniques Bleues ou le treizième Largo Winch.
Le FRÉMOK fait donc partie de ces maisons d’éditions nées au début des années nonante, dans la mouvance de la bande dessinée indépendante. Les enjeux actuels ne sont peut-être plus autant la reconnaissance artistique, acquise au fil des publications, des colloques et des débats, que l’élargissement du lectorat. Les potentiels de promotion et de diffusion du FRÉMOK sont relativement favorables, avec une succursale à Paris et à Bruxelles, mais la pénétration d’un marché plus large ne peut logiquement se faire que par l’intermédiaire des librairies. Et c’est ici que réside un obstacle. Comme il a été remarqué, le lectorat de la bande dessinée alternative et celui de la bande dessinée traditionnelle sont généralement différents. D’autre part, le FRÉMOK lui-même ne se réclame d’aucun milieu et n’a même pas la volonté de se prétendre éditeur de «bande dessinée», au sens le plus pragmatique du terme. Dès lors, comment éviter cette confrontation de deux produits quasiment antinomique ? Comment placer sur le même circuit de diffusion et de vente des albums de bande dessinée à ce point éloignés sur la forme comme sur le fond ?
Le problème n’est pas récent et se rencontre dans la plupart des milieux artistiques. Le souhait que l’on peut formuler est que le cloisonnement des genres ne se renforce pas, et que, concernant le lectorat, les rapprochements succèdent aux éloignements. Un aspect positif est le constat que, en quelques années, la plupart des librairies commencent à posséder leur rayon de bande dessinée indépendante et semblent le vendre convenablement.