Le premier chapitre de Lady Killer est remarquable dans sa présentation. On y découvre Josie Schuller grimée en commerciale vendant des produits cosmétiques. En frappant à la porte d’une certaine madame Roman(ov), on comprend que ses intentions sont clairement plus sanguinaires que de parfaire la beauté de sa future victime. Josie est une tueuse à gages et vient honorer son contrat. Cette première confrontation dévoile une femme méthodique, appliquée, et qui s’adapte au moindre écartement du scénario prévu. En somme, une professionnelle aguerrie.
La cuisine sombre et mortuaire laisse soudainement place à une pièce similaire mais aux tons plus colorés, gais, et où une ambiance familiale règne. Le couteau de cuisine qui servait d’arme de crime sur la page précédente, redevient un ustensile prêt à couper la viande. Une excellente transition pour découvrir l’autre univers de Josie. Celui d’une épouse attendant son mari pour servir le dîner. Celui d’une mère sommant ses deux petites filles de ranger leurs affaires. Un cadre idéal tout juste terni par la présence de belle-maman, suspicieuse face à certains comportements jugés incohérents avec le statut marital.
Ces cinq premiers chapitres rassemblés par le label comics des Éditions Glénat pour concocter À Couteaux Tirés, sont d’une épatante intensité. Sur plusieurs aspects, ce volume de Lady Killer donne les prémices d’une série attrayante. D’abord par cette histoire imaginée par Jamie S. Rich et Joëlle Jones. La première de couverture est suffisamment éloquente pour comprendre que les auteurs nous emmènent dans une intrigue sans morale. Le récit de cette tueuse à gages trouve son originalité dans la maîtrise de ses actes quels qu’ils soient. Une héroïne qui interpelle tant planent encore moult interrogations autour d’elle. Sans utiliser de cartouche, les scénaristes misent également sur des dialogues vifs qui n’offrent aucun temps mort.
Et puis, il y a cette partie graphique qui mérite toute son attention. Pour illustrer cette Amérique des sixties, le trait de Joëlle Jones favorise brillamment l’immersion dans cette époque. Associée à la couleur très flashy rendue par Laura Allred, la dessinatrice crée deux univers bien distincts selon la configuration dans laquelle se trouve le personnage principal. Ainsi l’environnement où Josie se définit comme une mère modèle, est lumineux, éclatant et bon enfant. Celui s’efface lorsqu’elle se transforme en tueuse à l’arme blanche, et laisse place à des planches sombres et agressives. En substituant, telle une marque de fabrique, le rouge avec le noir pour évoquer le sang, J. Jones accroche notre œil et rend les éclaboussures dues aux gestes tranchants, beaucoup moins anodines qu’avec la couleur originelle. De surcroît, elle utilise abondamment dans ses cases ces effets de « brush » qui accentuent la noirceur de l’intrigue.
Au final, on pardonnera certaines incohérences ou raccourcis qui pourraient frustrer le lecteur. Le prochain Lady Killer devra apporter son lot de réponses pour dédouaner les auteurs d’éventuelles facilités prises dans ce premier opus. Il faudra pour cela, en savoir un peu plus sur le passé de Josie et que les liens se fassent naturellement avec les quelques informations distillées ici et là. Cette première partie ne se terminant pas sur un classique cliffhanger, la suite devrait se concentrer sur quelques flashback précieux. C’est, en tout cas, ce que l’on imagine.
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