Je ne vais pas vous mentir, on se cherche encore.
On cherche sur les couleurs. On a testé 4 coloristes dont des célébrités dans le domaine et nous sommes partis avec le plus jeune, un étudiant de 25 ans qui n'a jamais rien fait car il a une approche des ombres et des trames hyper intéressante et disons... un peu innovante dans la BD franco-belge. Mais on a du mal à s'accorder sur la gamme colorée. En même temps, ça s'installe lentement. Les couleurs vont être un enjeu car elles vont porter une partie de cette modernité sans rupture.
La ligne directrice, c'est un peu moins qui l'ait mise en place en partant de ma vision subjective du personnage défini par Franquin. Pour moi, Franquin a crée un personnage qui vivait des aventures un peu fantasques et rigolotes presque gratuites dans un décor très contemporain qui préfigurait souvent le modernité de demain ou d'après-demain (les bâtiments, le design...). A cette époque, la société Belge se transforme à vitesse grand V et cette modernité fait peur et clive la population. Franquin, par son élan positif dans le dessin du décor et du monde, rassure, et montre que cette modernité angoissante peut être aussi source de beauté ou de confort. On va essayer de faire pareil, créer un environnement qui soit quand même une manière de montrer aussi la beauté de la modernité, positif, même s'il restera critique des dérives. Un Spirou qui réconcilie avec le monde, un récit de l'utopie, comme chez Franquin, pour donner surtout de l'espoir aux enfants. Evidemment, Spirou restera plus que jamais le seul héros de la bande dessinée franco-belge a vivre avec son époque, et non a rester figé dans son âge d'or.
En terme de rythme, on a augmenté la pagination car les enfants d'aujourd'hui lisent plus. Le rythme ne sera pas frénétique car on ne veut pas céder à cette mode mais on s'arrange pour que les personnages voyagent beaucoup et que l'histoire se passe dans plusieurs décors très différents (un peu comme un James Bond ou un Mission impossible). Ici, l'intro est bucolique, un peu longue, comme le faisait Franquin parfois. Puis ça s'accélère. On va sous l'eau, dans des complexes modernes, et ailleurs...
Ce cycle est pensé pour le moment sur 3 volumes et d'autres sont à venir. Mais on connait le méchant de ces prochaines années, on sait ce qu'il incarnera de moderne. Vous verrez une ou deux expériences dans la narration dans ce livre, ça va se developper un peu car on voudrait apporter la modernité aussi et surtout dans le découpage.
La question que pose ces premières aventures est celle de la pertinence des vieux héros. Comment continuer de plaire aux anciens lecteurs qui aiment les âges d'or, séduire les jeunes qui sont les lecteurs visés en toute logique, et avoir du sens quand on est un groom (une fonction en voie de disparition) dans le XXIeme siècle. Est ce qu'un héros tel que Spirou a du sens aujourd'hui... ? Ce sont toutes les questions que nous nous sommes posés avant d'écrire cette histoire qui sera notre réponse. Une réponse un peu radicale, mais réfléchie, qui fera ouvertement référence tour à tour au Spirou de Franquin, Tome et Janry et Yoann et Vehlmann.
On essaie de faire la synthèse des prédécesseurs, de poser la question de la pertinence d'un héros en costume de Groom, de revenir à une bande dessinée utopiste (qui essaie de réconcilier avec le monde tout en le questionnant sans le dire) et de faire voyager dans plein d'imaginaire comme un James Bond sans adopter une narration frénétique... avec une ligne académique mais qui va dessiner des formes modernes pour les sublimer, et des couleurs qui restent le plus possible en aplat mais en incluant des gammes colorés un peu plus vives et des traitements ombrés un peu déroutants...
Je ne sais pas si cette réponse d'un dialogue entre modernité et tradition sera pertinente au final, ni combien de temps il nous faudra pour trouver le bon ton. Mais on sait où on va, ce qu'on aimerait dire et comment on voudrait le dire. Voilà

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