Lu en "digital" ici aussi, et mes premières impressions ne sont pas tout à fait aussi enthousiastes que celles de Fedor. J'ai néanmoins trouvé ce nouveau tome meilleur que
Heart of Ice ; mais je reste mitigé (c'est à mon avis en-dessous des différents cycles de la
Ligue).
En cause, comme pour le précédent, un format trop réduit (moins de quarante planches, soit quasi moitié moins qu'un tome de "
Century"), un intrigue étriquée, se résumant largement, une fois encore, à une course-poursuite, sans assez, à mon goût, de développement en termes d'intrigue et aussi d'émotions -- qui me semblent manquer cruellement à certains moments
(le sacrifice de Jack par exemple).
Le dernier quart de l'histoire -- la séquence finale sur le toit -- y remédie heureusement, en offrant justement aux personnages et à leurs actions ce qui leur manque dans les trente planches précédentes : de l'espace pour se développer, de l'ampleur et du poids, de l'émotion. J'aime vraiment beaucoup cette partie, mais je regrette d'autant plus que ce qui la précède ne soit pas à la même hauteur.
Je suis également dubitatif sur la longueur des passages en allemand. Certes c'est cohérent avec ce qu'a fait Moore par le passé sur cette série (on a même eu droit à du martien dans le texte ), mais là, tout de même, ça prend des proportions un peu envahissantes. D'autant que, si ma méconnaissance crasse (et coupable, forcément coupable, surtout après sept ans de cours en collège-lycée ) de la langue de Goethe ne me permet pas de le constater par moi-même, la comparaison avec les passages en français dans la bouche de Robur et de ses hommes font craindre que tout ça ne soit rempli de fautes... Mais j'ai commencé en disant que j'avais tout de même plus apprécié ces
Roses que le précédent volet polaire. Outre la bonne impression laissée par la séquence finale très réussie, comme je l'ai déjà dit, cela tient à ce que malgré les limites posées plus haut, j'ai été bien plus pris par l'atmosphère générale. Si le dictateur allemand est le Hynkel de Chaplin, les références convoquées par ailleurs sont bien moins comiques : la "Tomanie" nazie est ici repeinte aux couleurs (si j'ose dire) de l’expressionnisme allemand, celle du
Metropolis de Lang, du Dr. Caligari et du Dr. Mabuse. On évite ici l'effet "catalogue" que je déplorais dans
Heart of Ice, d'une part parce que les références sont plus cohérentes entre elles (et sans doute déjà plus "puissantes" à la base), d'autre part parce que Moore s'empare véritablement de ce matériau pour en tirer un "nouveau monde". Et il est superbement secondé par Kevin O'Neil qui se surpasse ici dans des visions véritablement dantesques d'un Berlin de pur cauchemar steampunk, nocturne et mécaniste.
Au final un volume imparfait, mineur sans doute par rapport à d'autres titres du scénariste, mais qui marque tout de même une évolution positive du spin-off
Nemo aussi bien grâce au travail du scénariste que du dessinateur, tout deux visiblement fort inspirés par les références qu'ils revisitent.