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la bd est elle un art adulte?

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Messagede yann gourhant » 11/01/2009 17:56

Message précédent :
Aaaah, depuis un moment, je ne passe sur Bdgest qu'une fois tous les trois mois... C'est ce genre de discussion qui me manque!

Pour ceux que ça intéresse, il y a pas mal de choses abordées ici, qui avaient été développées dans le topic sur Art, artisanat ou divertissement.

Bon, pour répondre vite fait sur un ou deux trucs que j'ai relevé:



Assimiler bande dessinée et story board est une super connerie, désolé du mot, et très méprisant pour la bande dessinée. Le story board est un outil pas une finalité.

Le storyboard est de facto une bande dessinée. Il s'agit d'articulations d'images fixes destinées à reconstruire un flux temporel. Le fait que ce ne soit qu'un outil de travail ne change rien à la chose. Après, je t'accorde que le storyboard est une bande dessinée assez basique et pauvre.


Et puis "plaisir des sens" c'est une expression qui veut dire : "satisfaction du cerveau à travers les sens".

Là, j'ai l'impression que tu bottes en touche.
Tu me reprends si je me trompe sur le sens de ta phrase, mais tu ne peux pas mettre sur le même plan la littérature et la peinture (ou la bande dessinée). L'un et l'autre passent effectivement par la vue, mais ne stimulent pas le cerveau de la même manière! Sur un livre imprimé, le texte ne "flatte" pas l'oeil. Il est transparent. A de rares exceptions près, il ne véhicule qu'une idée. Alors que la peinture et la bande dessinée peuvent non seulement susciter la réflexion, mais aussi être appréciés tels qu'ils se présentent.
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Messagede gill » 11/01/2009 20:28

Là, j'ai l'impression que tu bottes en touche.
Tu me reprends si je me trompe sur le sens de ta phrase, mais tu ne peux pas mettre sur le même plan la littérature et la peinture (ou la bande dessinée). L'un et l'autre passent effectivement par la vue, mais ne stimulent pas le cerveau de la même manière! Sur un livre imprimé, le texte ne "flatte" pas l'oeil. Il est transparent. A de rares exceptions près, il ne véhicule qu'une idée. Alors que la peinture et la bande dessinée peuvent non seulement susciter la réflexion, mais aussi être appréciés tels qu'ils se présentent.

Je n'ai jamais dit que tous les Arts se ressemblent :smile: ! Il y a effectivement ceux qui passent par des idées et ceux qui passent par... les sens (visuel, sonore, etc...).
Et j'ai justement distingué ci-dessus l'Art du récit (que je préfère) à l'Art de l'émotion (qui me touche moins), mais tout le monde s'accorde pour faire entrer ces deux familles dans le terme "d'Art".

Pourtant, c'est vrai que parler de "sens" pour les "idées", c'est un peu limite, au premier abord...
Mais j'aurais envie d'insister, en définissant la pensée comme un "sens" particulier, plus interne mais tout aussi jouissif que les autres.

Réfléchissez :
- la vue, par exemple, passe par les yeux sans apporter aucun plaisir à l'homme, puis elle suit le nerf auditif, arrive au cerveau, est traduite en "image interne" puis est confrontée aux souvenirs, à la pensée consciente, aux émotions, etc... pour apporter, "in fine" un afflut d'endorphines qui apporte du plaisir (lorsque ce qu'on voit nous touche profondément). L'objet admiré, ainsi que le "détecteur" sont peut-être externes, mais c'est le cerveau seul qui provoque cette sensation de plaisir.
- le cheminement est similaire pour la lecture (livre > oeil > nerf > cerveau > traduction > image > traduction de l'image-texte en mots > souvenirs > pensée et émotions > endorphines). Sauf que là, l"objet admiré", ce sont pas les lettres, ni les mots, ni la page, ni le livre, c'est "le film interne issu du cerveau de l'écrivain" et ne comportant que très peu d'intermédiaires.

L'Art du récit (des idées) permet d'entrer directement dans les rêves de l'auteur, dans sa réalité imaginée et construite, au lieu de passer par le truchement d'un objet intermédiaire (tableau, musique...). Quoique le livre peut être aussi considéré comme cet objet intérmédiaire

Mais quoiqu'il en soit, le résultat est le même : quel que soit le cheminement, l'objectif ultime est le plaisir, la satisfaction de celui qui reçoit l'Art.

Et dire que le "laid" peut aussi apporter du plaisir est une pirouette : ce qui plaît, dans le "laid", ce sont les idées sousjascentes (dénonciation, provocation, etc...) OU le plaisir de percevoir de manière provoquée toutes ces émotions que l'on ressent face à l'horrible. Pleurer, par exemple, apporte du plaisir qui conforte et permet de diminuer la sensation de chagrin. La peur, idem (ou plutôt la fin de la peur). Quant au dégoût... hé bien c'est pareil : après une bonne séance de dégoût, on trouve le monde normal plus beau et donc plus jouissif (rassuré > endorphines > plaisir : l'Art a fait son travail).

Il a d'ailleurs été prouvé scientifiquement que provoquer de la peur chez une personne du sexe opposé lea mettait dans un état de désir sexuel plus vif qu'auparavant : justement parce que le retour de vague de la frayeur ressentie (fête foraine, film d'horreur, saut à l'élastique...) multipliait les endorphines. On a donc une envie toute naturelle de profiter au maximum de ce nouvel afflut de plaisir ;) !

PS : pourquoi notre corps fonctionne ainsi ? Pour nous permettre d'être plus efficace en période de stress. Les endorphines combattent les toxines puis se retrouvent seules une fois les toxines disparues (fin de la raison d'avoir peur). De là doivent venir aussi toutes ces envies de se créer des frayeurs, donc de jouer à s'opposer, à se faire la guerre, etc... Bref, tous les drames qui surviennent lorsque l'émotion submergent la raison. Drames et Plaisirs, aussi : la recherche du Plaisir Artistique (comme la réflexion que je mène actuellement ;) ) apporte une jouissance qui vient de la souffrance que je m'impose à rechercher toujours plus loin des idées toujours plus fouillées :mrgreen: !

Et là, je crois que j'ai bouclé la boucle [:paddyy:6] !
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Messagede fleur » 11/01/2009 20:46

ouahou! :shock:


merci
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Messagede yann gourhant » 12/01/2009 16:02

Mais j'aurais envie d'insister, en définissant la pensée comme un "sens" particulier, plus interne mais tout aussi jouissif que les autres.

Je ne vois pas où tu veux en venir. Oui, le cerveau est l'organe qui nous permet d'interpréter les stimuli envoyés par les organes sensoriels... C'est un peu enfoncer des portes ouvertes, non?

Et j'ai justement distingué ci-dessus l'Art du récit (que je préfère) à l'Art de l'émotion (qui me touche moins), mais tout le monde s'accorde pour faire entrer ces deux familles dans le terme "d'Art".

Justement, c'est cette distinction qui me dérange. C'est un peu restrictif.

D'abord, il n'y a pas forcément de "récit" ou de "narration" dans ce que tu appelles les Arts du récit. On peut trouver des bandes dessinées ou des films abstraits, des poèmes visuels... Et même si 99,99% des oeuvres sont narratives, ce n'est pas un argument suffisant pour qualifier ces Arts d'"Arts du récit". Et je pense justement que la Bande Dessinée gagnera ses lettres de noblesses quand elle s'affranchira de cette étiquette. Tout comme la peinture s'est affranchit de la figuration.

Ensuite, ce que tu appelles l'Art de l'émotion n'a pas forcément l'intention de provoquer une émotion (l'Art moderne est plus rationnel). Ensuite, il peut également être narratif. Une image unique contient un grand nombre d'informations qui peuvent se lire dans le temps et recréer une "histoire". La musique aussi est totalement narrative...

Mais quoiqu'il en soit, le résultat est le même : quel que soit le cheminement, l'objectif ultime est le plaisir, la satisfaction de celui qui reçoit l'Art.

La satisfaction, peut-être. Le plaisir, pas forcément. Surtout dans le sens "chimique" du terme (les endorphines). Là encore, l'Art Moderne est purement intellectuel. Il n'a plus pour fonction de provoquer une émotion, mais de susciter une réflexion. Comme un livre de philo, par exemple. Peut-on dire que mes endorphines s'agitent quand je lis Kant? Je n'ai pas fait d'études là-dessus, mais j'ai des doutes...

Il a d'ailleurs été prouvé scientifiquement que provoquer de la peur chez une personne du sexe opposé lea mettait dans un état de désir sexuel plus vif qu'auparavant

Je laisse à d'autres le plaisir de rebondir là-dessus :mrgreen:
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Messagede gill » 12/01/2009 18:27

:fant2: :fant2: :fant2: Hem... remplacer "provoquer de la peur" par "mettre en situation de frayeur complice" :siffle: ! Sinon, on peut gloser, en effet :mrgreen: ...

Rien n'est absolu, dans la vie. On peut toujours trouver 0.01% d'exception dans les règles.
Mais tu n'as pas tort : on peut concevoir de la narration dans une image fixe, une musique, et de la réflexion dans l'Art moderne...

Toutefois, je pense qu'on devrait tout de même garder ces familles globales, tout en sachant qu'elles peuvent parfois se rejoindre. C'est d'ailleurs tout l'intérêt de ces Arts mêlant récit et images (voire son, animations, etc...), comme le cinéma ou la BD, que d'établir un lien plus profond entre ces deux "courants artistiques" (ça va, "courant" ? ;) ) : le sensuel (dans le sens "qui utilise nos sens", si tu sens ce que je veux dire...) et l'intellectuel.
On pourr

Quant au fait de vouloir donner des lettres de noblesse à la Bande Dessinée, je suis plus que réservé : à trop vouloir la privilégier, après l'ostracisme dont nous avons été victimes, on a tendance à se perdre dans une voie extrêmement ténue qui nous coupe de nos racines. Je suis pour la BONNE bande dessinée populaire et je vois plus de snobisme que d'évolution de la pensée dans les oubapos et autres recherches artistiques... C'est bien que ces dernières existent, mais elles ont une fâcheuse tendance à être imposées d'une manière trop insistante, à travers ses élites et les éditeurs, au détriment de "l'autre BD" qui ne trouve d'ouverture, dès lors, que dans le populisme. La vraie intelligence c'est l'équilibre et pas la dictature d'une certaine pensée unique (qui remplacerait la pensée unique précédente).(mais ce n'est que mon avis et je referme la parenthèse :neutral: )
Peut-on dire que mes endorphines s'agitent quand je lis Kant? Je n'ai pas fait d'études là-dessus, mais j'ai des doutes...
Pour moi, c'est l'évidence même : sans plaisir pas d'envie, et sans envie pas de lecture (hou le vilain syllogisme :mrgreen: !). L'être humain a une caractéristique très importante et profondément implantée : la curiosité. C'est elle qui crée ces endorphines. Le simple plaisir de savoir, de comprendre, de trouver une nouvelle voie de réflexion... Ne sommes-nous pas ici-même en train t'entretenir cette flamme ? Tu disais que ce genre de dialogues (un autre plaisir : la réthorique) te manquait. Le manque n'est-il pas cette souffrance que notre corps doit combattre à coup d'endorphines (donc de retour dans ce topic) ? Ce doit être de là que vient la célèbre phrase : "Le meilleur moyen de combattre la frustration est d'y succomber".

C'est un peu par provocation que j'utilise à tour de bras mes "endorphines", tout comme Hercule Poirot ses "cellules grises", mais mes recherches intellectuelles du moment me poussent à essayer de comprendre la nature profonde de la pensée à travers le biais scientifique.

Ainsi, nous ne serions que des êtres torturés par les émotions, faites de plaisirs et de souffrances, qui essayons tant bien que mal, d'équilibrer les différents courants qui nous malmènent. Et la sagesse serait un plaisir particulier, nourrie d'expériences bonnes et mauvaises, qui consisterait à s'interdire ou à différer certains plaisirs pour profiter d'une plaisir ultérieur bien plus grand ou échapper à des souffrances prévues , etc...

Evidemment, cela va à contrario de la pensée qui nous voudrait infiniment plus "déifiés", totalement extraits de la nature animale, et naturellement "conscients" :siffle: .

Or, la notion d'ART est au coeur-même de la notion de plaisir. Et cette discussion me prouve que sa recherche peut prendre plusieurs voies :
- association avec des expériences positives antérieures (à l'enfance, par exemple, ou, autre exemple : l'expérience de grands lecteurs qui les poussent à préférer les divergences de certains Arts devenus trop communs selon leur propre perçu (ce qui n'est pas le cas de tout le monde : ces personnes très chanceuses devraient ne pas l'oublier))
- profiter d'expériences désagréables pour la confronter au bonheur présent, ce qui apporte donc le plaisir recherché (voir ci-dessus).
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Messagede yann gourhant » 12/01/2009 22:20

Toutefois, je pense qu'on devrait tout de même garder ces familles globales, tout en sachant qu'elles peuvent parfois se rejoindre.

J'en suis pas pas persuadé. La peinture a longtemps été entravée par la figuration. Comme si elle ne pouvait exister qu'en tant qu'Art de la représentation. Ce n'est qu'en s'affranchissant de la figuration qu'elle a été massivement reconnue comme Art "pur" (dégagé de sa composante artisanale).
Pour la bande dessinée, je crains que ça soit le même a priori qui la cloisonne dans cette image d'Art de la narration, alors qu'elle pourrait être beaucoup plus que ça. Un Art pour l'Art, tout simplement.
Après, la peinture figurative me touche plus que la peinture abstraite. La bande dessinée narrative me touche plus que la bande dessinée abstraite. Mais je pense quand même que la BD est entravée par cette étiquette.

Quant au fait de vouloir donner des lettres de noblesse à la Bande Dessinée, je suis plus que réservé

C'est pour répondre au sujet du topic. Un Art adulte. Majeur. Pour moi, ça passe nécessairement par une acceptation des potentialités de cet Art. Par une reconnaissance des courants purement artistiques (l'Art pour l'Art).

Je suis pour la BONNE bande dessinée populaire et je vois plus de snobisme que d'évolution de la pensée dans les oubapos et autres recherches artistiques... C'est bien que ces dernières existent, mais elles ont une fâcheuse tendance à être imposées d'une manière trop insistante, à travers ses élites et les éditeurs, au détriment de "l'autre BD" qui ne trouve d'ouverture, dès lors, que dans le populisme.

Moi aussi je suis pour la "bonne bande dessinée populaire". Mais pas que. Et si tu lis les bouquins de l'Association (Plates Bandes, l'Eprouvette...), tu verras qu'eux aussi admettent son importance et défendent son existence. Mais il regrettent de ne pas voir plus d'équilibre dans le paysage éditorial, justement. Mais on ne peut pas mettre la charrue avant les boeux. Les éditeurs éditeront plus d'oeuvres d'Art quand il y aura plus de demande. Et ça passe par l'acceptation d'une BD d'Art (je ne dis pas qu'il n'y a pas d'Art dans la BD "populaire" :wink: ).

C'est un peu par provocation que j'utilise à tour de bras mes "endorphines", tout comme Hercule Poirot ses "cellules grises", mais mes recherches intellectuelles du moment me poussent à essayer de comprendre la nature profonde de la pensée à travers le biais scientifique.

Bon, t'as surement plus potassé la question que moi.

Mais quand même, j'ai mal à la tête quand je lis Kant. La production d'endorphines n'est probablement pas suffisamment importante... :confused:
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Messagede BoraBora » 12/01/2009 23:55

J'en suis pas pas persuadé. La peinture a longtemps été entravée par la figuration. Comme si elle ne pouvait exister qu'en tant qu'Art de la représentation. Ce n'est qu'en s'affranchissant de la figuration qu'elle a été massivement reconnue comme Art "pur" (dégagé de sa composante artisanale).

Tu mélanges un peu tout, là. Déjà, la peinture a été reconnue comme un Art depuis toujours. La distinction (telle qu'elle est comprise actuellement) entre Art et artisanat est intervenue au XXème siècle, donc a posteriori. Même à la charnière du 19ème et du 20ème siècle, les impressionistes sont encore perçus comme des artistes, pas des artisans, bien qu'ils fassent du figuratif.

Par ailleurs, cette vision (d'ailleurs parfaitement fumiste) d'un Art "pur" ne concerne pas l'art non figuratif, mais l'art dit "conceptuel". C'est ce dernier qui évacue tout besoin de "savoir-faire", donc d'artisanat. C'est l'idée qui prime, voire l'acte lui-même indépendamment du résultat.

Et la peinture massivement reconnue comme Art "pur" en s'affranchissant de la figuration ? C'est le contraire, bien sûr. Jamais la notion officielle d'Art n'a été aussi massivement rejetée que depuis son abandon de la figuration.
Pour la bande dessinée, je crains que ça soit le même a priori qui la cloisonne dans cette image d'Art de la narration, alors qu'elle pourrait être beaucoup plus que ça. Un Art pour l'Art, tout simplement.

Ca ne veut rien dire, un "Art pour l'Art". La narration dégage du sens et de l'émotion, donc est aussi artistique que n'importe quoi d'autre. La poésie a abandonné la narration depuis... allez, Mallarmé. Mais Gherasim Luca n'est pas plus artistique qu'Homère, ou d'ailleurs plus quoi que ce soit.
Après, la peinture figurative me touche plus que la peinture abstraite. La bande dessinée narrative me touche plus que la bande dessinée abstraite. Mais je pense quand même que la BD est entravée par cette étiquette.

Au contraire. C'est l'immense succès de la BD narrative qui permet des expériences plus "limites", qui se vendront tout de même à quelques centaines d'exemplaires, là où le même type d'expérience en littérature se vendra à quelques dizaines.
Les éditeurs éditeront plus d'oeuvres d'Art quand il y aura plus de demande. Et ça passe par l'acceptation d'une BD d'Art (je ne dis pas qu'il n'y a pas d'Art dans la BD "populaire" :wink: ).

Un joli cercle vicieux, là. :wink: Il n'y aura jamais plus de demande, donc l'acceptation ne viendra jamais.

Ou elle viendra comme pour l'art au 20ème siècle d'une coterie officielle (politiques, critiques, galeristes, investisseurs etc.) qui tournera en circuit fermé. Car c'est là que se situe la différence entre l'art populaire et l'Art tout court : dans les circuits commerciaux. Pratt dans Pif Gadget est un artisan. Pratt au Petit palais est un artiste. Quelle foutaise !
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Messagede gill » 13/01/2009 00:12

Je viens à peine de me décider de regarder ton blog : Ouch ! J'ai pris une sacré claque ! Là, je dis : "Monsieur".

Et je comprends mieux tes réflexions sur l'Art, à présent. Cette recherche d'expression sans narration de premier niveau, cette poésie humaniste...
Je suis juste surpris de te voir les appliquer dans la peinture, le film ou l'animation plutôt que dans la BD (là, ta narration est plus classique, même si impressionante de qualité !). A t'entendre, j'avais pensé que tu t'y étais déjà penché dessus (une BD qui ferait ressentir quelque chose allant au-delà du récit).
En tout cas, félicitation pour tes planches ! Ce sera presque un crime que de les mettre en couleur.

Un "Art pur" ? Je ne sais pas... Pour moi, la BD peut aussi bien être une technique de communication, un support de narration que l'expression d'un art pur.

Pour Kant, tu as certainement raison : si pas de plaisir, pas d'intérêt (mais ce n'est peut-être que partie remise !)

Quant au sujet de ce topic, je pense que c'est juste une question de temps. J'aurais tendance à dire que ce n'est pas la BD qui n'est pas une Art adulte, ce sont les mentalités de la majorité vis à vis de ce médium, qui ne sont pas encore adultes...
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Messagede azertyuiop1 » 13/01/2009 18:39

:
Or, la notion d'ART est au coeur-même de la notion de plaisir. Et cette discussion me prouve que sa recherche peut prendre plusieurs voies :
- association avec des expériences positives antérieures (à l'enfance, par exemple, ou, autre exemple : l'expérience de grands lecteurs qui les poussent à préférer les divergences de certains Arts devenus trop communs selon leur propre perçu (ce qui n'est pas le cas de tout le monde : ces personnes très chanceuses devraient ne pas l'oublier))
- profiter d'expériences désagréables pour la confronter au bonheur présent, ce qui apporte donc le plaisir recherché (voir ci-dessus).


Les contre exemples sont tellement nombreux pour infirmer ton postulat( je te l'avais déjà signalé il y a quelques semaines) qu'il faudrait changer de discours. L'art n'a vraiment pas grand chose à voir avec la notion de plaisir, ou alors très indirectement. L'art à a voir avec l'intelligence, avec l'angoisse de la mort et ce genre de choses. Il est des créations qui se font en pure souffrance, sans mise en abîme, et qui seront reçues comme telles tout en étant considérer comme vitales.
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Messagede gill » 13/01/2009 19:03

He bien d'accord, je change de discours : l'art à a voir avec l'intelligence, avec l'angoisse de la mort et ce genre de choses. Il est des créations qui se font en pure souffrance, sans mise en abîme, et qui seront reçues comme telles tout en étant considérées comme vitales.

"...et pourtant, elle tourne !" :siffle:
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Messagede yann gourhant » 13/01/2009 21:19

Déjà, la peinture a été reconnue comme un Art depuis toujours. La distinction (telle qu'elle est comprise actuellement) entre Art et artisanat est intervenue au XXème siècle, donc a posteriori. Même à la charnière du 19ème et du 20ème siècle, les impressionistes sont encore perçus comme des artistes, pas des artisans, bien qu'ils fassent du figuratif.

Depuis toujours, non. Leonard de Vinci se battait déjà pour que sa peinture soit reconnue comme Art (cf. tout son discours sur la "cosa mentale"). Les peintres avaient encore à l'époque une image d'artisan. Cette image est partiellement restée jusqu'aux impressionnistes, qui eux, ont eu la chance de voir naître les tubes de peinture. Ce qui leur a évité les fastidieux broyages de pigments considérés, justement, comme travail artisanal... Mais c'est vrai qu'ils étaient déjà reconnus en tant artistes.

Par ailleurs, cette vision (d'ailleurs parfaitement fumiste) d'un Art "pur" ne concerne pas l'art non figuratif, mais l'art dit "conceptuel". C'est ce dernier qui évacue tout besoin de "savoir-faire", donc d'artisanat. C'est l'idée qui prime, voire l'acte lui-même indépendamment du résultat.

On est d'accord. Je me suis emmêlé les pinceaux dans les termes.


Ca ne veut rien dire, un "Art pour l'Art". La narration dégage du sens et de l'émotion, donc est aussi artistique que n'importe quoi d'autre. La poésie a abandonné la narration depuis... allez, Mallarmé. Mais Gherasim Luca n'est pas plus artistique qu'Homère, ou d'ailleurs plus quoi que ce soit.

On est encore d'accord. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'Art dans la narration. Je dis simplement que la BD sans narration me paraît plus proche d'un Art conceptuel. Un poème visuel, peut-être? Je n'émet pas de jugement de valeur, je constate simplement que cette BD "conceptuelle" touche largement moins de monde que l'Art conceptuel en général. Et je pense que la BD sera réellement reconnue comme Art par les "élites" quand ce genre de BD se trouvera dans les musées.
Pour revenir au thème de ce topic, je pense que la BD n'est pas encore tout à fait adulte. Elle n'est vraiment pas loin (18 ans, peut-être?), mais il y a encore des oeuvres non-narratives marquantes à créer.


Et je comprends mieux tes réflexions sur l'Art, à présent. Cette recherche d'expression sans narration de premier niveau, cette poésie humaniste...
Je suis juste surpris de te voir les appliquer dans la peinture, le film ou l'animation plutôt que dans la BD (là, ta narration est plus classique,

Merci! Je suis content que ça te plaise. :smile:
Effectivement, la bande dessinée sur laquelle je travaille aujourd'hui est une commande de Soleil, et je ne suis "que" dessinateur. Donc, c'est sûr, je ne suis pas totalement libre d'expérimenter... C'est très formateur, pour le moment. Je me laisserai le loisir de faire des choses plus personnelles quand j'aurais fini cette série (le premier tome sortira au printemps, en principe). Comme je disais plus haut, j'aime vraiment toute la bande dessinée au sens très large...
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Messagede azertyuiop1 » 13/01/2009 21:46

He bien d'accord, je change de discours : l'art à a voir avec l'intelligence, avec l'angoisse de la mort et ce genre de choses. Il est des créations qui se font en pure souffrance, sans mise en abîme, et qui seront reçues comme telles tout en étant considérées comme vitales.

"...et pourtant, elle tourne !" :siffle:


Ecoute je t'ai donné un certain nombre d'arguments , pas cette fois-ci car j'attends toujours des réponses de ta part, et de ton coté tu nous sors un discours vaguement mode et pseudo scientifique à la Laborit qui n'a pas grand chose à voir avec l'art, sans jamais répondre à mes précédents arguments. Je t'ai donné une vision historique que tu trouves triste sans jamais argumenter, alors qu'elle est la seule qui permette de transcender notre finitude. Ensuite jouer à Galilée c'est un peu facile, rejeter l'autre d'un revers de la main sans prendre la peine d'y réfléchir pas très constructif.
Crois tu sérieusement qu'un artiste cherche à se faire plaisir lorsqu'il crée une oeuvre d'art, je veux dire peut-être qu'il se fait plaisir sensuellement, ça dépend, mais est-ce là son but ultime ? Ca parait tellement dérisoire et étriqué comme vision.
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Messagede azertyuiop1 » 13/01/2009 21:53

Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'Art dans la narration. Je dis simplement que la BD sans narration me paraît plus proche d'un Art conceptuel. Un poème visuel, peut-être? Je n'émet pas de jugement de valeur, je constate simplement que cette BD "conceptuelle" touche largement moins de monde que l'Art conceptuel en général. Et je pense que la BD sera réellement reconnue comme Art par les "élites" quand ce genre de BD se trouvera dans les musées.
Pour revenir au thème de ce topic, je pense que la BD n'est pas encore tout à fait adulte. Elle n'est vraiment pas loin (18 ans, peut-être?), mais il y a encore des oeuvres non-narratives marquantes à créer.




Je vois ce que tu veux dire mais j'y vois aussi une impasse puisque par définition une succession d'images qui se répondent ( définition imparfaite de la bande dessinée malgré tout peu contestable) c'est de la narration.
Tu trouveras peut-être une approche de ce que tu cherches dans une bande dessinée comme La Cage de Vaughn James aux Impressions Nouvelles, bande dessinée sans personnage, mais malgré tout forcément narrative, car bande dessinée.
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Messagede yann gourhant » 13/01/2009 22:49

Je vois ce que tu veux dire mais j'y vois aussi une impasse puisque par définition une succession d'images qui se répondent ( définition imparfaite de la bande dessinée malgré tout peu contestable) c'est de la narration.

Je ne suis pas sûr. Il faudrait que je trouve une définition encyclopédique. Là je peux juste me référer à mon Larousse et ça dit:

narration: Récit, exposé détaillé d'une suite de faits

Et si je regarde à récit, je trouve:

récit: relation écrite ou orale de faits réels ou imaginaires.

Or, la bande dessinée n'est pas nécessairement une suite de faits. Je pense à Bleu de Trondheim, par exemple (une succession de couleurs et de formes plus ou moins abstraites) ou La Digue de Vincent Fortemps (une successions de "vues" sur un bord de mer). Des exemples comme ça, il y en a pas mal. Ces bandes dessinées ne "racontent" rien. Dès lors, la bande dessinée devient un support pour un "voyage" intérieur, ou une invitation à la contemplation. Ces bandes dessinées sont de pures oeuvres d'Art (on aime ou on n'aime pas, c'est pas le propos) qui n'ont pas d'autre fonction.
Je pense aussi à "Contre la Bande Dessinée" de Jochen Gerner. Là, la bande dessinée devient "essai". Elle ne raconte plus rien, elle ne fait que "dire". Les dessins deviennent parole.


Tu trouveras peut-être une approche de ce que tu cherches dans une bande dessinée comme La Cage de Vaughn James aux Impressions Nouvelles, bande dessinée sans personnage, mais malgré tout forcément narrative, car bande dessinée.

J'adore la Cage et le travail de Vaughn James en général. Mais effectivement, ça reste narratif. Tout simplement parce qu'il y a du texte à lire, qui crée un lien d'inter-dépendence avec l'image.
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Messagede yann gourhant » 13/01/2009 22:53

J'aurais tendance à dire que ce n'est pas la BD qui n'est pas une Art adulte, ce sont les mentalités de la majorité vis à vis de ce médium, qui ne sont pas encore adultes...

Oui, en fait, c'est ça. La maturité de la bande dessinée n'est pas encore assez reconnue.
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Messagede gill » 14/01/2009 00:24

Ecoute je t'ai donné un certain nombre d'arguments , pas cette fois-ci car j'attends toujours des réponses de ta part, et de ton coté tu nous sors un discours vaguement mode et pseudo scientifique à la Laborit qui n'a pas grand chose à voir avec l'art, sans jamais répondre à mes précédents arguments. Je t'ai donné une vision historique que tu trouves triste sans jamais argumenter, alors qu'elle est la seule qui permette de transcender notre finitude. Ensuite jouer à Galilée c'est un peu facile, rejeter l'autre d'un revers de la main sans prendre la peine d'y réfléchir pas très constructif.
Crois tu sérieusement qu'un artiste cherche à se faire plaisir lorsqu'il crée une oeuvre d'art, je veux dire peut-être qu'il se fait plaisir sensuellement, ça dépend, mais est-ce là son but ultime ? Ca parait tellement dérisoire et étriqué comme vision.
J'aime les rélexions pointues, les joutes réthoriques, mais comment puis-je "changer de discours" si je veux conserver mon libre-arbitre ? On peut confronter des idées différentes sans essayer de les imposer, non ? Et je ne rejette pas une personne, mais un comportement.

Je me souviens avoir abandonné notre discours précédent à la fois par fatigue, par agacement devant un comportement un peu agressif... et puis par désapointement : je ne voyais plus rien à répondre aux divers arguments du dernier post, j'avais l'impression de m'être déjà expliqué, que l'on ne pouvait plus s'aider mutuellement à enrichir notre propre pensée (ce que je cherche à faire dans ce topic), que nous tournions en rond.

Mais OK, je récupère mon épée : en garde ;) !
(mais ne crois pas que nous tomberons d'accord ! Nous nous aidons juste mutuellement à progresser, comme lorsqu'on fait l'amour : donner et recevoir)

Si je comprends bien ton raisonnement sur la "finitude", tu voudrais dire qu'un artiste crée pour subsister au-delà de sa propre existence à travers une oeuvre qui se poursuivrait dans le temps ? Et que c'est la crainte de la mort qui le pousserait à agir ainsi ?
Au passage, quand je parlais de "tristesse", je voulais dire que concevoir un objet artistique, une oeuvre, dans le seul but de marquer une époque, en vue d'un "témoignage" futur, me semblait incongru... et même triste ! Je n'avais peut-être pas bien compris la portée de cette citation, ni fait le lien avec l'acte de créer en lui-même (on se mélange parfois les pinceaux entre le désir créateur, l'acte créateur, l'objectif de création, la relation artiste-destinataire et le perçu du destinataire).

Personnellement, je privilégie les Arts qui sont destinés à une foule : l'Art-Don qui renvoie une satisfaction égoiste d'avoir été lu, vu, compris (ou pas), apprécié, etc... L'effet "Blog", s'il fallait le résumer grossièrement ;) . Peut-on parler de "communication" sans se faire houspiller ? Je veux plaire comme de grands artistes/oeuvres m'ont plus. Provoquer moi-même ce plaisir que je connais si bien en tant que récipiendaire.

J'ai donc un peu de mal à concevoir le comportement artistique "pur", celui qui ne concerne que l'artiste en lui-même en dehors de tout effet de transmission (si ce n'est cet état de transe qu'on a lorsque l'oeuvre est en-cours, qu'on oublie totalement pour qui on crée et qu'on est pleinement dans son monde à soi. C'est très agréable, mais chez moi ce n'est que temporaire, la difficulté technique ayant tôt fait de me renvoyer dans la souffrance du travail).

Mais je l'admets en tant que tel.
(et donc désolé si je l'analyse aussi mal... voilà une bonne raison pour essayer de me le faire sentir au lieu de me le faire dire ;) !)

Pour moi, donc, il est possible qu'une partie de la raison artistique consiste à "accoucher", à laisser une part de soi derrière soi, un peu comme les égyptiens avec leurs momies et leurs pyramides. ça me ferait un peu peur, quand même : imaginez le nombre d'oeuvres qui meurent publiquement au bout de quelques années seulement (des BD) ! voire même qui meurent avant même d'avoir pu être découvertes ! Ce serait effectivement un drame pour l'artiste qui concevrait la chose ainsi. [:bru:8] Mais je suis encore dans l'Art-Transmission, là...

'l'Art a à voir avec l'intelligence" :
Il faudrait déjà définir le mot "intelligence" pour que je puisse en parler... Pour moi, l'intelligence consiste à savoir s'adapter à l'environnement physique et humain en accord avec les règles de la nature. Or, participer aux échanges artistiques en fait partie.

"l'angoisse de la mort" :
Voir ci-dessus pour l'idée d'auto-réplication. Sinon, créer pour ne pas mourir me semblerait extraordinairement romantique. Je pense que c'est ce qu'on voudrait se faire croire pour donner plus de prix à sa propre existence, à l'humanité entière, à la vie, à la création elle-même... Ce n'est pas ma philosophie. Créer parce qu'on en a un besoin insondable et irrépressible ? Je veux bien, mais il y a forcément une raison psychologique derrière tout ça (hou ! Le gros matérialiste à la... au fait, c'est qui Laborit ?).

"Il est des créations qui se font en pure souffrance, sans mise en abîme, et qui seront reçues comme telles tout en étant considérées comme vitales" :
Non. Aucun être humain, aucun être vivant, ne fait quoi que ce soit sans un objectif précis, qui lui apporte plaisir ou réconfort. Même le suicide est un moyen d'échapper à une souffrance. L'instinct de conservation l'en empêche tout aussi sûrement qu'il nous empêche d'arrêter de respirer. Et si l'on accepte une souffrance momentanée, c'est pour en obtenir un plaisir par la suite. Même le sacrifice ultime a une raison d'être. Je ne vois aucune exception à cette règle.

Si on souffre à créer, on ne le fait pas, tout simplement (ajouter "à mon avis" à tout ce qui précède et suit ;) ).
Le plaisir, dans le cas d'un artiste qui mettrait tout son mal-être dans son oeuvre, serait dans le fait de l'exprimer en une matière concrète pour s'en débarasser en partie, ou pour transmettre ce trop plein de souffrance en un appel au-secours qui est la preuve même qu'il espère encore quelque chose (l'espérance est le seul plaisir que Pandore a laissé dans la boîte).

"Considérée comme vitale" par les destinataires ?
Bien sûr ! Ils vont recevoir en pleine gueule la part de souffrance exprimée par l'artiste et être émerveillée par la profondeur de l'âme humaine ou par la qualité d'expression d'une oeuvre qui fut accouchée de cette façon, ou alors effrayés par tant de haine, de frayeur, de désespoir, etc... et le plaisir qu'ils en tireront sera soit direct (beauté) soit indirect (retour de vague ultérieur).

Au passage, je vous conseille de lire la BD en ligne de Gabrion : Primal Zone, si vous appréciez les oeuvres fortes et intériorisées évoquant une souffrance pure et indicible... le tout dans une narration et un dessin d'une clarté éblouissante ;) !
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Messagede azertyuiop1 » 14/01/2009 10:49



Or, la bande dessinée n'est pas nécessairement une suite de faits. Je pense à Bleu de Trondheim, par exemple (une succession de couleurs et de formes plus ou moins abstraites) ou La Digue de Vincent Fortemps (une successions de "vues" sur un bord de mer). Des exemples comme ça, il y en a pas mal. Ces bandes dessinées ne "racontent" rien. Dès lors, la bande dessinée devient un support pour un "voyage" intérieur, ou une invitation à la contemplation. Ces bandes dessinées sont de pures oeuvres d'Art (on aime ou on n'aime pas, c'est pas le propos) qui n'ont pas d'autre fonction.
Je pense aussi à "Contre la Bande Dessinée" de Jochen Gerner. Là, la bande dessinée devient "essai". Elle ne raconte plus rien, elle ne fait que "dire". Les dessins deviennent parole.




Oui il s'agit bien d'une perception et personnellement "bleu", ou les expériences d'IBN al Rabin( je ne connais pas la digue et j'ai juste feuilleté le Gerner cité), est bien narratif(je le prend comme tel). En y réfléchissant un peu il me semble qu'une suite de dessins n'est pas tout à fait équivalent à une suite de mots, dans une suite de dessin il y a l'espace intericonique laissé à la libre appréciation du lecteur, ce qui donne une espèce de narration, sans doute pas au sens strict du dico, mais cette suite d'images m'oblige à créer une continuité, elle peut-être diffuse et multi-interprétable, potentiellement poétique, mais je n'arrive pas vraiment à voir comment elle serait non narrative. Je veux dire que si c'était le cas les dessins n'auraient alors plus de lien entre eux et du coup on sortirait du champ de la bande dessinée. Ce lien même entre les images induit une narration subjective. Je ne suis pas trop sûr de moi sur ce coup mais c'est plutôt ainsi que je vois les choses.
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Messagede Le Complot » 14/01/2009 10:51

Le titre du topic sous entend (en tout cas pour moi) qu'on en est au cinquième des possibilités de cet art. Et ça, je ne le crois pas.
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Messagede azertyuiop1 » 14/01/2009 16:30

J'aime les rélexions pointues, les joutes réthoriques, mais comment puis-je "changer de discours" si je veux conserver mon libre-arbitre ? On peut confronter des idées différentes sans essayer de les imposer, non ? Et je ne rejette pas une personne, mais un comportement.


Je me suis mal exprimé mais au moins j'ai ma réponse dans ce qui suit.




Nous nous aidons juste mutuellement à progresser, comme lorsqu'on fait l'amour : donner et recevoir).


Je n'en attends ni plus ni moins.

Si je comprends bien ton raisonnement sur la "finitude", tu voudrais dire qu'un artiste crée pour subsister au-delà de sa propre existence à travers une oeuvre qui se poursuivrait dans le temps ? Et que c'est la crainte de la mort qui le pousserait à agir ainsi ?).


Comme un grand nombre des actes que nous considérons d'importance. au passage j'aurai pu dire que c'est pour retrouver l'enfance, comme le disait Picasso, ce serait également vrai et dans le fond n'est-ce pas un peu la même chose(si on redevient enfant on recommence le parcours et ainsi de suite). Cette recherche est asymptotique et illusoire, en ce sens qu'on n'y arrive jamais vraiment, on ne devient pas immortel et on ne retrouve jamais la naïveté de l'enfance.
Maintenant tu pourras dire qu'ainsi on se fait plaisir en cherchant à évacuer nos angoisses insolubles. Chercher à se faire plaisir oui, flatter les sens je ne sais pas, le plaisir peut-être d'une nature non sensorielle, intellectuelle, psychologique...

Au passage, quand je parlais de "tristesse", je voulais dire que concevoir un objet artistique, une oeuvre, dans le seul but de marquer une époque, en vue d'un "témoignage" futur, me semblait incongru... et même triste ! Je n'avais peut-être pas bien compris la portée de cette citation, ni fait le lien avec l'acte de créer en lui-même (on se mélange parfois les pinceaux entre le désir créateur, l'acte créateur, l'objectif de création, la relation artiste-destinataire et le perçu du destinataire).


Ce n'est pas exactement ça, l'artiste ne pense pas nécessairement à laisser un témoignage, il se trouve qu'il en laisse un et qu'il est influencé par son époque, qu'il influence lui-même également. Du point de vue historique l'art est donc bien le témoignage d'époques. Comme j'avais cité Malraux, qui en matière d'histoire de l'art n'est quand même pas n'importe qui, j'attendais en effet un autre commentaire que "triste".

Personnellement, je privilégie les Arts qui sont destinés à une foule : l'Art-Don qui renvoie une satisfaction égoiste d'avoir été lu, vu, compris (ou pas), apprécié, etc... L'effet "Blog", s'il fallait le résumer grossièrement ;) . Peut-on parler de "communication" sans se faire houspiller ? Je veux plaire comme de grands artistes/oeuvres m'ont plus. Provoquer moi-même ce plaisir que je connais si bien en tant que récipiendaire.).


Tu veux dire à titre personnel ou à titre de centre d'intérêt ? Je ne crois pas tellement qu'une oeuvre d'art soit destinée à une foule ou même à un autre. L'oeuvre est faite par l'artiste pour lui-même, sa destination future est d'un autre ordre, économique le plus souvent. Créer pour autre chose, pour une foule par exemple, je ne dis pas que c'est condamnable ou que ce n'est plus de l'art, mais qu'on induit une contrainte, qui peut très bien s'avérer source supplémentaire de créativité. Il est bien connu que les contraintes économiques ainsi que celles de la censure ont poussé les cinéastes hollywoodiens de l'âge dor du cinéma à une créativité de grande qualité. je ne suis donc pas certain qu'on puisse classer les rats en "destinés aux autres " ou "destinés pour soi", il me semble que ça ne marche pas vraiment comme ça.





Pour moi, donc, il est possible qu'une partie de la raison artistique consiste à "accoucher", à laisser une part de soi derrière soi, un peu comme les égyptiens avec leurs momies et leurs pyramides. ça me ferait un peu peur, quand même : imaginez le nombre d'oeuvres qui meurent publiquement au bout de quelques années seulement (des BD) ! voire même qui meurent avant même d'avoir pu être découvertes ! Ce serait effectivement un drame pour l'artiste qui concevrait la chose ainsi. [:bru:8] Mais je suis encore dans l'Art-Transmission, là.....


Il s'agit plus d'un but que d'un accomplissement, avec une très grosse perte en cours de route.



"l'angoisse de la mort" :
Créer parce qu'on en a un besoin insondable et irrépressible ? Je veux bien, mais il y a forcément une raison psychologique derrière tout ça (hou ! Le gros matérialiste à la... au fait, c'est qui Laborit ?)


Ce n'est pas incompatible. Pour Laborit il faut voir "Mon oncle d'Amérique" d'Alain Resnais, c'est un biologiste comportementliste très célèbre. Il joue son propre rôle dans le film.


Non. Aucun être humain, aucun être vivant, ne fait quoi que ce soit sans un objectif précis, qui lui apporte plaisir ou réconfort. Même le suicide est un moyen d'échapper à une souffrance. L'instinct de conservation l'en empêche tout aussi sûrement qu'il nous empêche d'arrêter de respirer. Et si l'on accepte une souffrance momentanée, c'est pour en obtenir un plaisir par la suite. Même le sacrifice ultime a une raison d'être. Je ne vois aucune exception à cette règle.


Je veux bien en accepter l'idée masi on est quand même assez loin de "flatter les sens".


Au passage, je vous conseille de lire la BD en ligne de Gabrion : Primal Zone, si vous appréciez les oeuvres fortes et intériorisées évoquant une souffrance pure et indicible... le tout dans une narration et un dessin d'une clarté éblouissante ;) !


J'avais beaucoup aimé l'Homme de Java mais malheureusement mon grand âge m'empêche de lire des bd en ligne :sad: En fait je n'aime pas ça, j'ai besoin du papier, il me faudrait faire un très grand effort pour passer outre, reste à savoir si le plaisir engendré par ce déplaisir en vaut la peine :fant2:

Merci pour ta réponse.
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Re:

Messagede yann gourhant » 14/01/2009 16:33

En y réfléchissant un peu il me semble qu'une suite de dessins n'est pas tout à fait équivalent à une suite de mots, dans une suite de dessin il y a l'espace intericonique laissé à la libre appréciation du lecteur, ce qui donne une espèce de narration, sans doute pas au sens strict du dico, mais cette suite d'images m'oblige à créer une continuité, elle peut-être diffuse et multi-interprétable, potentiellement poétique, mais je n'arrive pas vraiment à voir comment elle serait non narrative. Je veux dire que si c'était le cas les dessins n'auraient alors plus de lien entre eux et du coup on sortirait du champ de la bande dessinée. Ce lien même entre les images induit une narration subjective.

Je suis tout à fait d'accord avec cette idée de continuité. Si l'articulation des images fait sens, il me semble qu'on est en présence de bande dessinée. Sans continuité, ces images seraient perçues comme une image globale, probablement (comme un tableau de Mondrian, peut-être?). Mais admettons une successions de cases de couleurs unies passant progressivement du jaune au bleu, par exemple. Il y aurait bien continuité. Pour moi, ça serait une bande dessinée. Mais pourrait-on parler pour autant de narration? Je ne sais pas. Enfin, pas selon l'idée que je me fais d'une narration, en tous cas...
Pour moi, l'intelligence consiste à savoir s'adapter à l'environnement physique et humain en accord avec les règles de la nature.

Tiens, tu serais pas taoïste, par hasard?
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Messagede gill » 14/01/2009 17:21

Tiens, tu serais pas taoïste, par hasard?
Heu... Pas vraiment, non.
J'essaie de me forger ma propre philosophie à partir d'informations "brutes" non-partisanes (et de discussions :wink: ). J'ai donc tendance à reprendre les choses depuis leurs origines (science, histoire, sociologie) pour essayer de comprendre leur raison d'être. Et j'aime l'empirisme.

Par exemple : pourquoi y a t'il des Arts "officiels", plus ou moins reconnus, avec des critères qui ne semblent plus rien devoir aux qualités réelles de l'artiste ou de l'oeuvre (popularité médiatique, valeur marchande, acceptation ou refus par le grand public, etc...)

Tiens, par exemple : on a remarqué plus haut que le grand public n'est pas entièrement acquis à un Art (la BD) qui semble pourtant incroyablement intuitif (après le cinéma) !
D'où vient ce déficit d'image ?
- du cheminement historique de ce médium : Art populaire attirant d'abord les plus jeunes, puis exploitation à outrance de cette caractéristique au point de vendre de tout et n'importe quoi puisque ça se vend quand même.
- de son opposition avec la "vraie lecture" de la part des parents et éducateurs et que la Bande Dessinée a toujours connue, ce qui la stigmatise.
- d'un simple manque de culture de la part des élites et journalistes culturels (en partie dûe aux raisons précédentes)
- d'une absence depuis trop longtemps de véritables oeuvres majeures (ou d'un trop petit nombre) (question subsidiaire : qu'est-ce qu'une oeuvre majeure susceptible d'améliorer l'image de la BD auprès du plus grand nombre ? Astérix ou Maus ?)

D'où ma présence ici :) !
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