J'avais lu de
Kogaratsu ce qui en a été prépublié dans
Spirou, soit, si on en croit
bdoubliees (et il ferait beau voir qu'on ne le croie pas) de 1983 à 2002, 7 récits à suivre (sur 13) et 5 récits courts.
Le souvenir que j'en avais gardé était assez paradoxal : un sentiment d'authentiques plaisirs de lecture... mais sans rien de plus précis.
Récemment j'ai entrepris de remonter le courant en me procurant les albums -- parfois (mais pas toujours) aux prix étonnants que certains atteignent désormais --, et j'en ressors : éclairé et ravi.
Éclairé : parce que je sais maintenant pourquoi Kogaratsu ne m'avait laissé aucun souvenir précis : ces histoires ne sont pas faites pour être lues par tranches espacées d'une semaine : Kogaratsu ça n'est pas du feuilleton, du Tintin, du Greg ou du Charlier (et quelques autres, mettez-y vos favoris du genre), Kogaratsu c'est une ambiance, qui prend son temps. Les récits les plus denses peuvent se raconter en trois phrases -- mais alors il manquera l'essentiel : la respiration des planches, qui ne se raconte pas.
Ravi : parce qu'elles ne sont pas si nombreuses (dans mon expérience de lecteur du moins) les séries qui te donnent le temps de contempler une planche, puis dans cette planche une ou plusieurs cases, sans que ça nuise à la lecture, au contraire : « J'ai bien le temps de savoir qui est la mystérieuse silhouette qui traque Kogaratsu, je veux m'attarder encore un petit moment dans le jardin de ce temple... » Le précédent équivalent qui me revient en mémoire c'est les premiers Jeremiah.
Des exceptions existent en tout -- c'est heureux --, mais bien que les auteurs aient assuré une production plutôt respectable (un album tous les deux ans en moyenne pendant 29 ans) Kogaratsu n'incluait sans doute pas certains des paramètres qui laissent espérer le succès.
Une autre difficulté de lecture réside dans les noms propres, voire les physionomies, parfois difficiles à identifier et distinguer les unes des autres (mais ce problème de lisibilité s'estompe à mesure qu'on avance dans la série, Michetz -- et Bosse ? -- ayant peut-être pris conscience).
L'histoire de sa prépublication n'a sans doute pas aidé : des tomes 5 à 13, les 5, 6, 8, 11 à 13 n'ont pas paru dans
Spirou.
Ça n'est sans doute pas par la mauvaise volonté de l'éditeur que Kogaratsu n'aura connu qu'un seul volume d'intégrale, rassemblant le premier cycle formé par les quatre premiers tomes (dans l'édito dudit album, Bosse explique comment « après le troisième tome, on [leur] demanda de mettre un terme à » leur projet initial d'étendre le cycle pensé sur les huit premiers albums, qu'ils durent donc boucler au quatre. Bosse fait d'ailleurs élégamment contre mauvaise fortune bon cœur -- mais vous en saurez plus en vous procurant cette courte intégrale.)
Et pourtant, pourtant,
quel dessin ! Dès le tome 4 mais de plain-pied à partir du 5, quelle sûreté, quelle lisibilité, et quelle grâce dans les décors ! Bon nombre de cases de petites dimensions sont difficilement déchiffrables (en tout cas pour moi), et de toute évidence ça n'a rien de maladresses, ce sont des inserts fins, et là où je râle chez d'autres, chez Michetz j'admire -- d'autant que je ne vois aucune esbroufe dans ses pages : c'est tout son talent, rien que son talent.
Éclairé donc, et ravi -- ...et
navré de savoir que Kogaratsu a cessé d'errer dans son Japon du XVIIe. Les auteurs ont des raisons que les lecteurs n'ont pas à connaître, mais vraiment, fût-ce avec un retard un peu coupable, je suis navré à l'idée qu'il n'y aura pas de tome 14 (dont je crois avoir compris qu'il a été entamé jusqu'à la planche 7, Michetz s'étant depuis dessaisi du matériel existant).
Ce que je comprends moins, c'est que même si Kogaratsu ne remue plus, Michetz a montré avec l'excellent
Tako (90 et 96) qu'il maîtrise son art, et je ne doute pas que ceux qui y sont sensibles en redemandent.
Je forme donc le vœu que Michetz (et Bosse ?) retrouvent ce qu'il faut pour poursuivre l'aventure...