onehmouninehl a écrit:Même par le dessin et les couleurs ?
Non non, tiens voici ma Kro(nenbourg) écrite en 2011 :
"Conseillé par les excellentes remarques sur l’une des (trop ?) rares séries complètes de Joann Sfar, je me suis embarqué les yeux fermés dans les aventures alambiquées de Petrus Barbygère pensant y trouver l’enchantement du monde elficologue de Pierre Dubois et la sensibilité décalée du jeune prodige de la bande dessinée française…
D’où une amère déception sur bien des niveaux… malheureusement
De cette association devait en sortir un bijou d’orfèvre, une œuvre unique et au final c’est tout l’inverse qui en ressort, l’œuvre ne faisant que refléter les principaux défauts et griefs de ses auteurs.
Pourtant Pierre Dubois est un formidable conteur : il n’a pas son pareil pour narrer les histoires folkloriques du Petit Peuple qu’il affectionne, à savoir tous ces personnages mystiques que sont les elfes, trolls et j’en passe.
J’en garde un excellent souvenir dans les pages de mon hebdomadaire Spirou des années 80 où René Haussman illustrait avec talent des textes savamment oniriques et remplis de termes et mots inédits avec une certaine crédibilité et apportant un joli cachet poétique.
Je me réjouissais donc à l’idée que l’un des principaux investigateurs de la superbe série Donjon, Joann Sfar, mette en scène Petrus Barbygère ou Pierre le Barbu dans un monde bariolé et imaginatif, mais hélas la sauce ne prend pas, faute d’une ambition démesurée de Pierre Dubois dans la volonté d’utiliser des répliques dans un français soutenu et pédant mais terriblement barbant au final !
Les aventures de ce bonhomme respecté et protecteur des races du petit peuple à la poursuite de Scarlet, un pirate s’étant mis en tête d’asservir les elfes, partent dans tous les sens sans réelle logique. Le dessin de Sfar suit également cette direction en nous offrant des fresques parfois superbes, parfois complètement loupées et incompréhensibles.
Il n’y a qu’à voir les personnages principaux dessinés dans des proportions différentes à chaque case.
On a beau être dans le domaine du rêve, certains de ces codes ont leur limite.
Le charabia n’aide pas à la compréhension et fatigue plus qu’il n’amuse. Aucun des personnages n’en devient attachant et qu’il s’agisse de Petrus qui veut avoir raison sur tout ou de son équipage squelette, l'histoire va bien trop vite pour être pleinement appréciée à sa juste valeur.
Il subsiste néanmoins deux points essentiels qui sauvent cette œuvre de l’oubli et justifient à eux seuls les points attribués.
Il s’agit de la colorisation exemplaire de Sfar qui retouche ses esquisses par un effet de peinture à l’eau saisissant, me rappelant les teintes de l’automne et qui change toutes les deux pages.
Pas vu une autre œuvre aussi joliment colorée et présentant un univers différent à chaque page tournée; Sfar s’en amuse presque sur toute la longueur du tome 2 et ces petits détails offrent un dépayssement bienvenu.
Secundo, l’envie de lire des œuvres sur les pirates s’est fait ressentir. On aurait aimé voguer bien plus loin sur les eaux troubles de l’imagination mais comme chaque évènement est survolé et rapidement bouclé j’ai ressenti un bel effet de frustration… Que je vais devoir satisfaire par d’autres odyssées du 9ème art sur ce thème…
Dans cette attente c’est avec un soupir de déception que j’ai refermé Petrus Barbygère en ayant le sentiment d’être passé à côté d’un fantasme promis mais pas tenu.
Dommage que la lourdeur des propos de Dubois et l’inconstance des dessins de Sfar ait terni le tout.
De belles qualités subsistent comme cette palette de couleurs mais l’ensemble reste trop indigeste pour m’en donner l’envie d’y retourner.
Dommage… Doublement dommage…"