de superboy » 31/07/2014 05:07
En préambule, je tiens à préciser que si je poste ici et maintenant, me retrouvant ainsi aux prises avec ma nature, ce n'est pas pour sauver la situation au dernier moment en apportant la solution miracle sur un plateau. Je suis trop conscient du fait que pendant que j'étais occupé à vivre ma vie 24 heures sur 24 ces dix dernières années, kiwine s'échinait de son côté à la trouver. Et s'il n'y a pas encore réussi, ce n'est certainement pas moi qui vais pouvoir l'aider.
Je n'écris pas non plus pour me plaindre que "ça n'avance pas, que la parution est trop lente, qu'on nous prend pour des baltringues, gnagnignagna..." parce que, bien que je puisse comprendre l'impulsion derrière ce type de commentaires, en l'espèce c'est juste indécent.
Enfin, je n'ai aucunement l'intention de ranimer la flamme de l'auteur par la grâce d'un discours venu du fond du cœur - ou pompé sur n'importe quel épisode de n'importe quelle sitcom familiale de troisième zone, au choix. En fait, ce n'est même pas à lui que je m'adresse ici.
Mais alors, pourquoi exactement il vient nous les briser celui-là ? vous demandez-vous fort à propos. Et ses préambules sont-ils toujours aussi long ?
Dans l'ordre, la réponse à la deuxième question est oui. Je suis un gros connard pompeux; et les gros connards pompeux aiment s'annoncer théâtralement, utiliser des points-virgules aussi souvent que possible dans leurs phrases et ne se relisent jamais car ils ne font JAMAIS de fotes.
Quant à la première, si j'écris ici, c'est parce que la situation m'inspire une tristesse sincère et que j'ai le sentiment d'avoir des choses à dire à ce sujet qui ont besoin de sortir. Je ne sais pas encore précisément quoi mais ça va venir.
Déjà, je peux dire que je suis un lecteur de la première heure. A l'époque du premier contact j'étais un préado impressionnable qui déambulais pour la première fois seul dans les rayonnages d'une librairie, enfin libre d'exercer mon libre arbitre dans un lieu public. Et je ne sais plus si c'est la première BD que j'ai feuilletée lors de cette sortie, mais ce qui est sûr c'est que HK est la première BD à m'avoir fait cet effet-là.
La certitude de se tenir aux portes d'un univers inexploré et plein de promesses, la force de la transgression déjà évidente dès le bouquin ouvert, la sensation indicible de ne pas tout comprendre et l'excitation d'entrevoir le monde des adultes par le petit bout de la lorgnette. Ça fait un paquet de premières fois d'un coup.
C'est peut-être pour ça que je n'éprouve pas la frustration qui ronge certains. A mes yeux, HK n'est pas qu'un feuilleton de SF tout en dessin ou une collection à compléter, c'est un choc intime et fondateur. C'est aussi un compagnon de route avec lequel j'ai grandi et sur lequel mon regard a changé avec le passage du temps. On se rend compte plus facilement de sa propre évolution quand on revient de loin en loin à des lectures familières de longue date. Parce que les œuvres restent immuables, on prend conscience que se sont nos perceptions, nos convictions qui changent. Et ça, ça aide à mûrir, à devenir soi-même adulte.
C'est quand même dingue de me dire qu'un mec que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam a pu prendre une telle part dans la construction de ma personnalité. Par exemple, HK représente mon premier face à face avec la sexualité, bien avant les délires entre potes, le porno et plus accessoirement les filles, ainsi qu'une référence que j'ai naturellement intégrée à mes schémas comportementaux. C'est tout bête mais j'ai compris que je n'avais pas le monopole du doute, qu'il n'y avait aucune raison d'en avoir peur. Ça peut paraître bizarre, mais HK est à mon sens l'œuvre idéale quand il s'agit de dédramatiser le sexe du fait de sa représentation égalitaire et réaliste - à une poignée de bonnets Z près - mais aussi parce que ce n'est pas le sujet du livre, c'est juste un élément de la vie des personnages, une partie signifiante de ce qu'ils sont.
Plus simplement, HK c'est aussi le moment ou j'ai compris l'importance de la mise en scène. Un jour, à force de relecture, je me suis rendu compte presque par accident qu'il n'y avait pas de bulles d'exposition, la narration laissant bien plus de place à mon interprétation et ma perspicacité que ce que je lisais alors. C'est embryonnaire, mais c'est dans les pages de HK que j'ai commencé à lire entre les lignes, à dépasser le message pour embrasser le propos.
Vous voyez, quand je vous disais que Kevin Hérault a influencé ma vie, eh ben j'exagérais à peine. Mais je crois que, rétrospectivement, ce qui a emporté mon adhésion, c'est l'honnêteté et la franchise qu'il a mis dans son œuvre. Aujourd'hui, j'ai pas tout à fait 30 trente ans et je peux clairement déduire ses intentions des choix qu'il fait dans sa mise en page, entendre sa voix résonner lors de la lecture, comprendre les idées qui sous-tendent les intrigues et les concepts qu'il manipule. Aujourd'hui, je suis le public cible, probablement un peu plus âgé que l'auteur lors des premières publications de HK dans les années 90 et probablement l'âge des lecteurs auxquels il comptait s'adresser à l'époque.
Et pourtant, j'ai l'impression d'avoir toujours pu percevoir, même de manière inconsciente, le mec à travers le bouquin. Et ce qu'il avait à me dire m'a toujours plu, même quand je ne comprenais pas tout. Je dois dire que cette conviction est renforcée par les commentaires sur son travail - sur son ancien site au contenu exceptionnel, malheureusement offline - toutes les interventions sur des forums - notamment catsuka - et autres interviews que Trantkat a pu faire au fil des années et où le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on a affaire là à un type plutôt constant.
Donc voilà, pour toutes ces raisons et bien plus encore - la qualité du dessin, l'exigence et la rigueur dans l’exécution, la force des personnages, etc. bref tout ce qui fait que la série est intrinsèquement une BD qui effleure l'excellence, au-delà de tout sentimentalisme de ma part - HK est une œuvre qui m’enrichis autant qu'elle me divertie depuis près de 20 ans - sans déconner !? - et si jamais elle ne devait pas connaître de fin, elle vaudrait toujours beaucoup à mes yeux. Je me doute que cela ne reflète pas l'avis de la majorité des lecteurs et je peux le comprendre; il n'empêche que ça méritait d'être dit.
Pour finir, je présente mes excuses à tous ceux qui m'auront lu jusqu'au bout. Non, je n'ai pas vraiment parlé d'HK. Oui, je n'ai réellement parlé que de moi. Je suis désolé si vous estimez qu'il y a eu tromperie sur la marchandise, mais sachez que la maison ne rembourse pas votre temps perdu à traîner sur internet. Non mais.