Je ne sais pas si ça a été mentionné dans les pages précédentes - j'ai eu la flemme de tout vérifier, et pourtant Dieu sait que 14 pages c'est pas grand chose par rapport à ce que mériterait ce monument de la BD -, mais j'ai vu hier soir un DVD trouvé à Angoulême, au stand des Impressions Nouvelles :
Le Dossier B.Il s'agit d'un film d'un peu moins d'une heure tourné pour la RTBF en 95 (à l'époque de la construction du Parlement Européen...), coscénarisé par Schuiten et Peeters (qui y jouent également). La forme est celle d'une enquête documentaire, qui s'ouvre sur un réquisitoire polémique contre les chantiers qui ont changé la face de Bruxelles à l'époque moderne et contemporaine, véritable "catalogue d'erreurs urbanistiques", pour bifurquer rapidement vers la voie de la théorie du complot. "Quelles sont les forces qui depuis 150 ans poussent la ville à se détruire elle-même ?" "Y a-t-il une logique derrière tous ces chantiers absurdes ?" Les confidences d'un ouvrier, les indiscrétions d'un archiviste, l'œuvre oubliée d'un dessinateur du début du siècle, le livre, devenu introuvable, d'un illuminé des années 60 et celui, non traduit, d'un historien anglo-saxon, orientent la journaliste sur la piste d'une secte très influente, hommes politiques et architectes adorateurs d'un mythique ville "parallèle" qu'ils auraient essayé d'imiter, ou de rejoindre : Brüsel...
N'étant pas Belge et n'ayant fait qu'un passage-éclair à Bruxelles il y a quelques années à l'occasion d'un colloque, je suis sans doute passé à côté de pas mal de choses dans ce film : d'une part, j'ignorais que les Bruxellois pouvaient nourrir ce sentiment à l'égard de l'histoire urbanistique de leur ville (au point qu'un concept en soit même né, celui de "
Bruxellisation") ; d'autre part, le film mêle très habilement fiction et réalité, truquant des émissions "d'époque", faisant intervenir de "vrais" hommes politiques, réinterprétant (je le suppose) des évènements réels en même temps qu'il en invente d'autres. Je suppose que pour les spectateurs baignant naturellement dans cette histoire et cette culture, les choses doivent être plus claires et encore plus jubilatoires.
Malgré cela, j'ai pris beaucoup de plaisir à me laisser embarquer dans ce pastiche de docu complotiste, et à voir affleurer ça et là l'ombre de l'univers des Cités obscures. Je pense que ce film offre aussi à sa manière une vue assez inattendue sur certaines sources d'inspiration de ces auteurs.
Le DVD est complété par un court-métrage d'une vingtaine de minutes,
Aux frontières de l'image, signé par Peeters lui-même. Je m'attendais à des explications, des éclaircissements, que nenni - je dirais même : bien au contraire. Il s'agit plutôt d'une sorte de voyage-rêverie dans l'univers - ou les univers - des Cités obscurs et de leurs créateurs. C'est un montage dans lequel on voit François Schuiten dans son atelier (dessinant une architecture, ou une jeune modèle nue
ma foi fort jolie), des zooms sur des planches de la série, et des extraits de films auxquels ils ont collaboré, comme
Le Dossier B., donc, ou encore
L'Affaire Desombres... Et là, le choc : parmi ces extraits, je me suis retrouvé face à des choses qui m'avaient assez marqué dans ma jeunesse, et dont j'ignorais totalement qu'elles portaient la marque de Schuiten et Peeters : la série animée 3D des
Quarxs ("ces êtres étranges défiant les lois scientifiques les plus admises..."), et le beau film
Taxandria que je vais me hâter de trouver un moyen de revoir au plus vite !