Aprés avoir été longtemps absent j'en profiter pour donner ma critique sur la théorie du grain de sable
petit rappel du synopsis que je ne fais que recopier depuis la preview puisqu'il est trés bien
Brüsel, 21 juillet 784. Constant Abeels répertorie avec patience les pierres qui se matérialisent mystérieusement dans les différentes pièces de son appartement. Toutes pèsent exactement le même poids : 6793 grammes – un nombre premier… Dans un immeuble voisin, une mère de famille constate, de la même manière, que du sable s’accumule avec régularité dans son appartement, à la grande joie de ses enfants, tandis qu’un peu plus loin, le patron et chef cuisinier de la célèbre brasserie Maurice découvre qu’il perd du poids, sans maigrir pour autant… Et ces étranges phénomènes ne font que s’accentuer à mesure que passent les jours. C’est pour enquêter sur ces faits insolites qu’une femme arrive spécialement de Pâhry : Mary Von Rathen, celle qu’on a autrefois surnommée “l’enfant penchée”. Elle découvre bientôt que la plupart de ces phénomènes semblent reliés à la personne de feu Gholam Mortiza Khan, un guerrier Bugtis venu tout récemment à Brüsel pour vendre des bijoux, et malencontreusement renversé par un tram en sortant d’un rendez-vous à la maison Autrique…
Et concrétement quelle est la premiére impression?
la premiére impression c'est bien évidemment un certaine nostalgie qu'on ne cesse de ressentir : On ne cesse de lutter avec cette impression de retrouver un enfant devenu adulte tant on oscille entre nostalgie et impression de changement.
d'abord par rapport à la série : 3 ans sans les CO et surtout ce qui n'arrange rien le sentiment que la saga touchait , déjà, à sa fin . Schuiten et Peeters fidéle à leurs conceptions refusaient de reprendre le crayon sans une idée et semblait presque se désinteresser des CO comme si le concept avait fait son temps.
Cette nostalgie est d'autant plus forte qu'on assiste au retour de 2
personnages vus précedemment : Abel Constant (le fleuriste de "Brussel" maintenant à la retraite) et Mary von rathen ("l'enfant penchée" qui depuis cette période a démissionné de la présidence du conglomérat unique ) violant ainsi la régle informelle des cités obscures selon laquelle il n'y a pas de personnages récurrents (tout au plus des "figures récurrentes" comme Alex wudenforf). Cette premiére innovation montre une fois de plus s'il en était encore besoin que les CO ont beaucoup évolué depuis leurs débuts : depuis l'enfant penchée justement on assiste à une humanisation de ce monde jusqu'ici presque insoutenable car dénué de repére . Nous avions une carte , une chronologie, des lieus on a de vrais personnages maintenant qui vivent , évoluent. Ceux ci ne sont plus de simples prétextes, des véhicules pour montrer une ville comme pouvait l'être Franz dans les murailles de samaris. Mais cette nostalgie s'arrête là . Mary a changé on s'en rend compte aisément : elle est plus vieille , plus calme , plus autoritaire . C'était une adolescente mal dans sa peau, c'est une femme . C'est peut être aussi le premier personnage des CO à prendre son destin en main : alors que tous les autres subissaient jusqu'ici avec des conséquences plus ou moins dramatiques (la plus douce des sanctions étant l'exil) Mary est désormais une enquêteuse ,elle n'attend pas le déluge , elle n'est pas poussé par les évenements à réagir, elle a choisi de venir ici . Tant mieux pour le lecteur qui a enfin le sentiment de ne pas être dépassé par les évenements.
Mais elle n'est pas la seule à avoir changer : si l'on retrouve des personnages on retrouve aussi
un lieu : Brussel . Car il faut bien aussip parler des lieux puisque la série s'est d'abord bati sur cette recherche architecturale . Si l' album éponyme montrait le dévoleppement anarchique d'une ville ancienne livrée aux promoteurs , la définition même de la bruxellisation , ce dernier album nous montre une autre Brussel à peu prés guérie de ses maux . Difficile de déterminer une influence architecturale déterminante cette fois :Si la maison Autrique placerait l'album sous les auspices de l'art nouveau en revanche l'immeuble où loge mary von rathen se proclame fiérement relever du style post urbicande ce qui le rattache pour nous à l'art déco (il suffit d'ailleurs de faire une petite comparaison avec des immeubles comme le chrysler building pour voir ce qu'il en est) sans parler d'autres styles proprement inclassables (notemment le musée). Peut être nouveau signe que la série a changé , qu'il ne s'agit plus d'un simple exercice formel consistant à revisiter les différents styles architecturales de par le monde Brussel a donc aussi muri . Elle n'est plus comme le reste des CO qu'il s'agisse du Parys haussmannien , de Galatograd cette ruche inhumaine , de Samaris le décor trompe l'oeil , de Alaxis la cité mauresque et des autres un objet monolithique et immuable .Comme toutes les vrais cités elle comportent des strates qui racontent son histoire et montre sa vitalité. Là aussi comme Marie elle accéde à un autre statut en gagnant en épaisseur .
Nostalgie toujours avec
le retour si longtemps différé du noir et blanc qui constitue peut être le style naturel de la série tous les grands albums s'y rattachant (la tour , la fiévre d'urbicande ,l'enfant penchée). L'occasion de voir que Schuiten reste tout simplement un des meilleurs dessinateurs en ce qui concerne le noir et blanc (il suffit d'aller voir la preview sur le site ou celle sur le site du journal belge le soir) . Peut être aussi l'occasion de se faire pardonner une curiosité : le passage au format italien qui en général fait froncer les sourcils aux bdphiles tant il peut poser parfois de problèmes à ranger(quoi que de ce point de vue les cités obscures n'ont jamais été un cadeau tant elles ont alterné les formats) .
Quand à
l'intrigue elle même elle est trés traditionnelle des CO ,surtout celle des derniers albums :le duo Peeters-Schuiten semble de plus en plus priviler cette approche consistant à prendre le fantastique par le petit bout de la lorgnette . Le basculement dans le fantastique n'est pas soudain et violent il se fait trés progressivement pour mieux faire vaciller le monde humain . Excellent levier d'intêret puisque la curiosité est mis en éveil par le petit détail anodin (ici une pierre ,là du sable qui aurait pu être apporté par des gamins , ailleurs une perte de poids de 500g) pour être entretenu ensuite normalement par l'accélération des évenements. Cela convient d'autant mieux que les auteurs aprés la frontiére invisible ont encore choisi de sacrifier à un dyptique nous laissant dans l'expectative sur le raisons des évenements auxquels nous assistons alors qu'ils commencent à devenir hors de contrôle.
Nostalgie et changement à la fois donc pour une saga qui tout en retournant aux racines de son succés évolue en profondeur et tout en subtilité. Un trés bon album.