The river (Le fleuve) Jean Renoir 1951
J'ai résisté à la lecture préalable de la critique d'arcarum, juste vu sa note
Cela fait une semaine que j'ai vu le film le Week end dernier (avec le gros fichier) mais pas eu le temps d'écrire avant.
Alors, vous allez me dire que c'est une obsession, mais ce film, tourné en noir et blanc n'aurait pas eu le même impact, la même beauté qui transpire dans ces images en couleur.
C'est un festival flamboyant, une palette d'une richesse incroyable. Chaque plan est un tableau de Renoir fils.
J'ai lu que Renoir, pour des raisons techniques (pas de laboratoire couleur en Inde à l'époque du tournage) faisait ses rushes en NB. C'est d'autant plus de mérite quand on voit le résultat.
Renoir nous offre un récit initiatique sur la base d'une histoire très banale de jeunes filles adolescentes amoureuses , mais dans cadre luxuriant et hors du temps de l'Inde, avec son côté mystique, sa spiritualité qui donne lieu à des scènes de cérémonies très colorées (fête des lumières). Ces jeunes filles dans une récit à la voix off très présente (celle de Harriet) tombent sous le charme d'un ami de la famille en visite en Inde. On se demande si une idylle finira par se nouer, avec la plus âgée et celle qui semble la plus proche, ou bien la jeune Harriet, plus fantasque et rêveuse, ou encore ou la mystérieuse Mélanie, métissée entre sa mère indienne et son père anglais. A noter, que comme Mélanie, qui vit difficilement sa double nature, Captain John se sent écarté de ses origines après son retour de la guerre et par son handicap (l'acteur est un vrai unijambiste d'après ce que j'ai lu).
Loin d'être une histoire à la guimauve, comme on pourrait la voir, ce film exprime pour moi, au delà de l'histoire qui sert de support, une vitalité, une leçon de vie, où le temps passe comme l'eau de la rivière dans un merveilleux livre d'images.
Chaque personnage (acteurs amateurs en majorité) colle bien à son rôle. Je trouve un air de Elisabeth II enfant à la jeune Harriet
On passe dans le film d'une séquence de fiction à des images documentaires sans savoir toujours distinguer la limite entre les deux. Renoir est l'antithèse du cinéma cliché, conformiste. Il sort résolument des traces et des lieux communs.
Il y a toujours cette interrogation entre la réalité et la représentation de la réalité et ce jeu des apparences trompeuses (comme dans la règle du jeu, le carrosse d'or, la grande illusion...)
Quelle est a limite entre le réel et son image ? A ce titre, Renoir est le digne fils de son père dont il a su mettre en images animées les leçons de peintures.
La mort de Bogey à mon point de vue est exemplaire dans la mise en scène. Chez Renoir tout semble simple et limpide.
On voit une succession de plan montrant des scènes d'assoupissement, de la famille en train de sommeiller chacun dans son coin, scènes de la vie quotidienne. Renoir traite un évènement terrible en soulignant le caractère épouvantablement banal d'un accident stupide par des images paisibles: on ne voit rien de la mort de l'enfant, si ce n'est qu'après avoir vu une succession de personnages les yeux clos, et savourant le repos, on découvre à la fin le corps de l'enfant, ses yeux clos, qui repose tranquillement dans les taillis. Il semble dormir, et comme le dormeur du val, il a une tache rouge sur la poitrine. Coupe. On ne voit pas la réaction de la soeur. Aucun cri, aucune tension, le simple corps allongé et ensuite au milieu des chants, des ouvriers apporte une caisse en bois que l'on va décorer confirment la mort de l'enfant . La vie continue, l'eau du fleuve coule.
Un réalisateur ordinaire aurait montré sans doute les soubresauts de la mort, la sœur qui hurle en découvrant le cadavre. Ici,
Renoir nous montre la mort telle qu'elle est vraiment, solitaire et sans spectacle.
Ce film est aussi un documentaire sur l'Inde qui a une valeur certaine au point de vue historique. Renoir a su capté l'ambiance, l'âme de l'Inde dans ce film à mon point de vue.
Bon, pour la première fois je mets la note maximale 6/6