de jolan » 23/09/2019 18:54
Jalsaghar (Le Salon de Musique) – Satyajit RAY – 1958
Je dois avouer, j'y allais à reculons. Le cinéma indien, je ne connais pas, ou seulement les comédies musicales sirupeuses, bon je sais que Satyajit c'est du vrai cinéma mais j'étais circonspect disons. Mais j'adore la musique indienne. Et puis c'est l'une des vertus de ce ciné-club, nous faire découvrir des films différents, et ce film-là devait être vu, il fait partie de la "grande liste" du 7ème art. Donc allons-y.
Belle réalisation ample. Beaux cadrages, beaux mouvements de caméra, de grue, de travellings. Ample et lente. Tout est lent dans ce film. Comme la musique, le temps est long, plaintif, répétitif. Comme ce premier plan sur le maître, figé, perdu dans sa tristesse, dans ses pensées, son passé. Ce passé où il avait la fortune, l'amour de sa femme, la fierté de son fils qui partage la même passion pour la musique.
Partageait. Car pour ce qui est de l'histoire, on sent poindre le drame dès le début, on devine même exactement qui il va concerner. Depuis quatre le maître vit reclus dans son palais et ses souvenirs. Quand survient l'orage, on sait que l'inexorable est advenu à sa femme et son fils unique, noyés dans le fleuve. Par sa faute, le croira t-il, par orgueil, pour organiser une fête le jour où son serviteur voulait organiser la sienne.
Tout est en ruines dans le vieux palais du maître. Tout est dévasté, englouti dans le souvenir du passé fastueux, comme ces terres englouties par les eaux, lorsque régnaient la musique, aujourd'hui interdite, et les fêtes (quelques allusions au monde nouveau et à la présence anglaise : on entend la musique du « Pont de la rivière Kwaï » (sorti en 57, soit un an avant) et il ordonne de faire fermer les rideaux en se bouchant les oreilles). Tout est en ruines, et depuis longtemps le maître est ruiné, il a perdu tout son argent pour organiser ses soirées musicales, il est seul et ne restent que ses fidèles serviteurs. Le maître a interdit la musique, et il ne redescendra plus sur la terre, il observera le monde depuis le toit de son palais, seul refuge au-dessus des eaux.
Mais un jour il entend de la musique dans la maison voisine de son serviteur dont le commerce est florissant, pour les préparatifs de l'inauguration de son salon de musique, et ce jour-là il décide de descendre et de s'y rendre. Ou plutôt non, de rouvrir son propre salon de musique, où trône le vieux lustre d'antan (qui ouvre et referme le film). Par fierté, par orgueil. Pour y faire jouer de la musique, comme autrefois, mais cette fois-ci la vie reprend ses droits, la musique est plus enjouée, rythmée, conduite par les grelots aux pieds de la danseuse. Pour encore une fois, une dernière fois, rabaisser et ridiculiser ce fils d'usurier qui a une descendance, alors que lui, le maître, descendants de maîtres, sera le dernier.
Beau final tragique, lorsque toutes les bougies s'éteignent, l'obscurité revient, j'ai cru qu'il mourrait là, c'eût été plus dramatique je trouve, fin de la pièce, mais non, ils le font mourir un peu plus tard, un peu plus loin, vers le fleuve, près d'où a péri son fils, où après une chute à cheval coule une dernière fois le sang de ses ancêtres.
Bon, une sorte de poème visuel, relativement déprimant, mais d'une beauté triste. Ca m'aurait sans doute bien plus emballé quand j'aimais les films sombres, adolescent. Je lui mets donc la même note que pour le Visconti.
2,5/6
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