de sergent latrique » 12/04/2019 15:23
Cet avis contenant des spoilers, évitez sa lecture si vous n'avez pas vu le film !
Le fanfaron est un film que j'ai revu avec un immense plaisir. J'avais carrément oublié certains passages, mais c'est un film dont je pourrais parler des heures.
Le titre français perd beaucoup de sens, « le fanfaron », en réduisant le film à un personnage principal du film. Il sorpasso, le dépassement contient plusieurs sens, plusieurs clefs de compréhension du film. Le dépassement, outre qu'il rappelle la conduite échevelé sur la route, c'est aussi la transgression de tous les interdits (et même des sens interdits) par Bruno, et le dépassement de la timidité de Roberto, coincé dans son milieu bourgeois et intellectuel, coincé avec les filles et le monde moderne, qui s'arrêterait plus volonteiers devant des tombes étrusques que devant une belle de jour dans la rue.
Dès la scène d'ouverture, le signe de la vitesse et de la fureur du personnage de Bruno est donné, une cavalcade sur une musique endiablé au milieu d'une ville comme morte, ce n'est plus Rome ville ouverte, mais Rome ville déserte, laissant loin derrière elle la période d'après -guerre. Le contraste entre des immeubles modernes cossus et la campagne toute proche nous montre un modne en mutation dans la scène de la rencontre entre Bruno et Roberto.
Le duo Gassmann-Trintignant se transforme en trio avec un troisième personnage "la route", la via Aurelia, route de tous les possibles, symbole de vie et de liberté, euphorie et griserie de la vitesse, amis uassi symbole de mort. Les frayeurs avec les dépassements et l'accident d'un camion avec un cadavre étalé sur la chaussée et recouvert d'un linge blanc pourraient être des signaux d'alertes qui seront ignorés et comme un écho à la scène finale, les premiers instants de la chasse aux femmes (à la poursuite des Allemandes pourtant consentantes) se déroule dans un cimetière.
On se demande ce qui pousse Roberto (Trintignant) à suivre Bruno (Gassmann) personnage totalement à l’opposé, aussi exubérant que Roberto est timide. Au long de la route, la voix intérieure essaye de le raisonner et pourtant il va à l’encontre de ses réflexions et peut être pour un fois se décide à) suivre son instinct ?
Le duo mal assorti, improbable, entre le play-boy superficiel mâle sans complexe qui passe comme une tornade et bouscule tout, et l’étudiant timide à la recherche d’une vie sage au côté d’une femme idéale (sa voisine d’en face) va suivre la via Aurelia, à bord d’une Lancia Aurelia cabossée (la mythique Aurelia B24 spider !!) Ce film est presque un documentaire sur les paysages et les de la côte italienne de Rome à Livourne.
La linéarité du film sous forme de road-movie initiatique pour Roberto devient parcours chaotique, aucun projet n’est arrêté, si ce n’est aller toujours chercher quelque chose qui se révèle inatteignable, des cigarettes, une téléphone, des amis, des femmes, des repas dans des restaurants fermés le 15 aout… au son d’un kaxon tonitruant, entêtant
La diversité des lieux et des rencontres apporte cette sensation d’aller toujours plus loin et de ne jamais s’arrêter : boutique, restaurant, station service, stations de car, port, appartement, plages village campagnard, bateau, club et danseurs de twist et le long ruban de la route qui fait le lien.
Que dire de Gassmann ? Il est flamboyant dans ce rôle, il bouscule tout, s’arroge tous les droits, décrypte tous les secrets, au risque de provoquer des malaises ou des bagarres, face aux femmes, aux curés, aux nonnes, aux automobilistes, aux filles de bar, aux serveuses, à la famille de Bruno. Il n’y a que devant son épouse légitime que le masque tombe.
Bruno est-il si brut qu’il le paraît ou ne cherche t-il pas s’étourdir derrière l’obsession et la griserie de la vitesse, des femmes, (il les « sent » comme un pistard sur la route à la recherche des Allemandes !), du plaisir ou plus prosaïquement de cigarettes ou de soupe de poisson ?
Roberto grâce ou à cause de Bruno va voir ses convictions voler en éclats.
La scène dans la famille de Roberto est révélatrice, son enfance et les souvenirs est brisé en quelques instants par le trublion. Trintignant est parfait, très juste dans son rôle juvénile de celui qui voudrait mais n’ose pas et peut sortir de son personnage, tiré par un Gassmann fantasque.
Il passe souvent à côté des belles, au cours de ces quelques scènes figées où des jeunes filles lui lancent des invitations à peine déguisées et la seule fois où il ose à vaincre sa retenue, et laissant enfin s’exprimer son réel potentiel de séduction (dans la gare) la fille lui échappe mais il trouve le moyen de téléphone à sa Valeria (sans succès) laissant présager un changement dans sa vie.
Au final Bruno est aussi seul que Roberto, car derrière une façade de viveur exubérant, il ne peut vivre qu'au travers du regard des autres, besoin de parader et de susciter l'envie.
Les dialogues sont truffés de petites pépites et de répliques savoureuses
Quelques exemples. Dans cette réplique « à tiroir » quand on lui parle de Rome et de Sophia Loren : Elle est entre les tombes étrusques et le mont Fuma. Je vous expliquerai...
ou dans la scène du slow entre Bruno et la femme du commandante qui n'en peut plus de se frotter et qui sent visiblement un hommage mâle se développer contre elle:- Ouh la la ! - Modestamente (en V.O. sous titré 'on fait ce qu'on peut' ou un texte de ce genre), des calembours intraduisibles sur l’oncle dans la famille de Roberto, .Occhiofino (oeil fin) et finocchio (fenouil) qui a le sens argotique "d'en être",
Au fur et à mesure du film, cependant, l’intensité frivole va devenir plus pathétique, et dramatique. Après la famille de Bruno (la scène avec la tante Lidia fantasmée par le jeune Roberto et la réalité d’une femme mûre et terne est assez troublante), c’est celle de Bruno qui apparaît au grand jour, devant une femme et une fille qu’il ne connaît plus vraiment. Les secrets enfouis remontent.ssi ses secrets enfouis
J’ai un seul regret, la poste -synchronisation des films italiens qui gâche un peu la bande son parfois et j’aurais aimé voir ce film en couleur (avec uen belle photo) et pas en noir et blanc (même s’il est réussi). La scène finale est relativement abrupte et les effets techniques pas très élaborés.
Halte au massacre Organisasi Papua Merdeka