jolan a écrit:Wah l'aut' eh c'est trop facile de copier
En plus avec madame Euh je suis sûr que vous pourriez dire deux trois trucs (mûrir un film à deux - ou plus, comme nous ici - ça permet de mieux voir/exprimer/expliquer certaines choses)
En plus, si elle aime tant Tarko, j'aimerais bien avoir un mini-ressenti de sa part
En tout cas ravi de voir que certains ont aimé, ou à défaut, ont vu/découvert que c'était du grand réalisateur.
Bon, alors ça nous fera du "Nostalghia" = 4,22 (m'attendais pas à une si belle note)
Finalement, pour des raisons logistiques, je l'ai regardé tout seul.
Ca m'a d'ailleurs permis de le regarder au casque et de bénéficier pleinement du formidable travail sur le son.
Sinon oui, c'est un très beau film sur la douleur de l'exil intérieur et le refuge dans la folie avec, malgré tout, au bout, la persistence de l'espoir porté par l'humilité face à une flamme qu'il faut conserver allumée, seule possibilité de sauver l'homme de l'abîme qui l'attend.
J'ai trouvé très marquant tous ces travellings latéraux souvent composés en va-et-vient qui suggèrent l'impossibilité d'avancer. Ou alors, les travellings latéraux se heurtent à un mur et sont contraints à l'immobilité.
On a toujours l'impression que les personnages sont contraints d'évoluer et de déambuler dans des espaces strictement circonscrits, des espaces mentaux qui reflètent leur enfermement psychique. Le hors-champ n'existe que dans la profondeur, souvent dans des espaces qui sont hors d'atteinte des personnages. C'est ainsi que j'ai trouvé très marquants également les nombreux plans qui présentent en avant-plan des personnages englués dans leur incommunicabilité (les dialogues sous formes de monologues réciproques m'ont fait penser à Dostoievski) avec des trouées vers un arrière-plan qui parait inaccessible (paysage, statue au bout d'un couloir,...).
J'aime beaucoup la manière qu'à Tarkovski de rendre signifiant chaque cadrage et chaque mouvement de caméra, de composer ses décors comme l'expression d'une extension du psychisme des personnages.
Pour moi, ça permet de pallier l'absence de réel fil narratif en déployant d'autres moyens, purement cinématographiques.
Tarkovski propose avec une maestria inouie un cinéma largement débarrassé de ses oripeaux narratifs, un cinéma qui a l'ambition et l'audace d'embrasser pleinement ses possibilités propres.
Pour ce qui est de la compréhension du film par rapport à l'expérience personnelle de Tarkovski, évidemment une connaissance de celle-ci peut nous éclairer sur les intentions de l'auteur mais je pense que le film est assez riche pour générer de multiples interprétations en fonction de chaque spectateur, quand bien même celui-ci ne connaîtrait pas en détail la vie de l'auteur.
Et puis, il y a des plans d'une beauté surnaturelle, je pense à ce travalling latéral en noir et blanc sur des femmes immobiles qui s'arrête sur une bâtisse et un arbre et tout à coup le soleil surgit. On peut mourir tranquille après avoir vu quelque chose d'aussi beau.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"