jolan a écrit:Pour moi Rohmer n'est pas un vrai cinéaste, un vrai réalisateur de cinéma. C'est selon moi bien plus un écrivain qui écrit et sort des films – et certains comme celui-ci sont d'ailleurs très beaux – mais qui n'a aucun goût pour la réalisation. C'est pour cela que j'aime beaucoup ses scènes de dialogues, quasiment sans ellipses, on a l'impression de vivre un vrai moment avec les êtres filmés, et l'émotion en est plus forte (en tout cas ça fonctionne ici lors de la nuit chez Maud). Bien souvent, ses acteurs, qui récitent et sonnent faux renforcent cet aspect littéraire et non cinématographique. Mais il n'a aucun sens de l'image, aucun intérêt pour le cadre, pour la beauté cinématographique de son objet filmé. Ce qui lui importe, c'est le fond, non la forme. Ce qui nous donnera aussi beaucoup de films réalisés à la va-vite, comme à l'improviste, mal filmés, mal montés, proches de l'amateurisme – mais qui n'empêche pas la qualité intrinsèque. En fait, son style a toujours été vieux, paresseux, sans invention, dépouillé, le plus neutre possible.
J'ai trouvé ton analyse très intéressante mais je ne peux souscrire à cela.
Cette volonté de légèreté dans les moyens et dans les conditions de production, elle ne se marque vraiment qu'à partir du Rayon vert et c'est une évolution volontaire et pleinement assumée qui n'est pas motivée par un désintérêt pour la forme (même si elle se marque par des films qui peuvent paraître nonchalants).
Les Contes moraux, au contraire, sont formellement bien plus tenus.
Un cinéaste qui se désintéresse de la forme, pour moi, c'est un cinéaste étranger aux choix de mise en scène.
Rohmer n'appartient certainement pas pour moi à cette catégorie.
Quelle que soit la période, quel que soit le mode de production de ses films, j'ai toujours trouvé que Rohmer opérait de vrais choix de mise en scène, qu'il entend faire correspondre au propos qu'il entend tenir.
Bref, je crois qu'on pourrait discuter très longtemps du contenu de ce film, sans doute celui qui dit le plus de choses (même si je ne les partage pas puisque je suis athée - ou parce que je ne les partage pas, comme il est dit à un moment)
C'est marrant mais, moi qui suis également athée, je me suis souvent senti très proche des questionnements du personnage de Trintignant. D'ailleurs, je pense, comme il est dit à un moment dans le film (mais là sur le moment, je ne me souviens plus quand) que ces questionnements transcendent largement le contexte strictement religieux.
Sinon, je pense aussi que Trintignant n'a pas opéré un choix entre Maud et Françoise (il n'y a pour moi ni bon ni mauvais choix de sa part). Le film montre plutôt son cheminement vers ce qui devait être.
C'est Maud, avec beaucoup de finesse et d'intelligence (grâce au jeu magnifique de François Fabian), Maud qui n'est à aucun moment dupe de ce qui est en jeu, qui va amener à la cristallisation chez Trintignant des conditions nécessaires à l'avènement de ce qui devait être, à savoir l'aboutissement de sa relation avec Françoise.
Le film montre les étapes d'un jeu entre les personnages qui va aboutir à la réalisation de l'évidence annoncée de manière péremptoire en voix off dès le début du film par le personnage joué par Trintignant.
C'est mon interprétation.
Mais la question du libre-arbitre chez Rohmer et particulièrement dans ce film peut être longuement débattue, et des tas d'interprétations sont possibles.