Le Septième Sceau – Ingmar BERGMAN – 1957
Bergman, un cinéaste dont je ne sais pas grand chose (j'ai seulement vu ce film lorsque j'étais adolescent et que j'étais très friand de cinéma d'auteur, et croisé quelques références dans les premiers Woody Allen, ou chez mon cinéaste de chevet Andrei Tarkovski. J'avais aussi acheté quelques DVD il y a une quinzaine d'années, mais jamais regardés), mais je sais qu'il est indispensable que j'en vois et en sache davantage, qu'il est essentiel au cinéma de la deuxième moitié du siècle dernier. C'est pourquoi lorsque j'ai appris la nouvelle de la mort de Max von Sydow j'ai proposé cette séance spéciale, c'était une bonne occasion je pense.
Bref, donc j'ai revu ce film, et cette fois-ci avec plaisir. Parce que le film est beau.
Evidemment ce qu'il donne à voir n'est pas glorieux : le spectacle des hommes face à l'épidémie de peste noire, à la religion, à la mort, aux femmes, à leurs semblables, et donc à leurs propres peurs, n'offre que peu de répit et de foi en cette race si singulière, mais on a l'habitude, et heureusement nous sommes
presque sortis d'un moyen-âge de fables et de croyances idiotes.
Mais surtout le film m'a plu par la qualité de sa construction, de ses dialogues, de sa quête spirituelle, ou athée (je me suis totalement reconnu dans le personnage de l’écuyer, que je prends pour le plus sage de tous, revenu athée des Croisades, débarrassé de ces fausses certitudes), et sa belle esthétique en N&B symboliste (la première séquence, sur la plage, magnifique, est juste gâchée par un montage en superpositions qui ne sont pas du meilleur effet)
Le spectacle ai-je dit, car on assiste au triste spectacle des hommes, la farce, le théâtre de la vie, puisque tout n'est que jeu et duperies : la partie d'échecs d'Antonius Block avec la Mort, ce spectre de la Mort qui se joue du Chevalier en se déguisant sous l'apparence du prêtre qui le confesse, d'une certaine façon aussi le jeu de l'art – la scène dans l'église - qui travestit la réalité pour mieux la montrer, la comédie de vengeance lorsque le forgeron retrouve sa femme Lisa/Cunégonde (son amant d'une nuit l'a même rebaptisée à son goût, elle n'est qu'un corps de passage) et l'acteur qui s'étaient enfuis dans la forêt et que ce dernier singe son propre suicide. « L'amour est la plus noire de toutes les pestes » lui disait Jöns l'écuyer dans l'auberge.
La peur rend les hommes fous, la croyance en dieu et la superstition les rend avides et violents, les femmes sont violées, brûlées sous prétexte de sorcellerie ou de commerce de sexe avec le diable, ou encore réduites à l'esclavage. Antonius, qui revient des Croisades, cherche un sens à toute cette violence au nom de Dieu, à ces massacres au nom du divin face à un autre divin, il se sait condamné depuis la première scène sur la plage, et tout le long du film il questionne, il veut savoir ce qu'il y a après la mort, il reflète le questionnement métaphysique au cœur du film. Mais la réponse est derrière lui, à son service, dans la bouche de son serviteur : « que voit-elle ? Dieu ? Le diable ? Le néant. »
Le message de Bergman semble être que seul l'amour permet de lutter contre le néant, tout au moins de l'amoindrir en l'oubliant grâce à l'amour véritable. Le moment de partage des fraises sauvages (clin d'oeil, plus qu'à voir le film) et de la rencontre avec le jeune couple heureux et amoureux semble convaincre Antonius et achever sa quête, la réponse serait la foi en l'humain, qui contient aussi le bien. Je ne comprends pas trop pourquoi il laisse toute cette joyeuse bande le suivre, puisqu'il sait qu'il a perdu la partie, mais soit, sans doute ne veut-il pas mourir seul. Car seul sera sauvé le couple d'innocents, l'acteur enfantin et naïf (comédien sympathique mais qui ne sait ni jongler ni faire semblant de jouer d'un instrument) qui a des visions mystiques, et sa jeune femme toute en blancheur, la pureté même, l'innocence faite femme, et leur petit garçon nu comme les blés. Sauvés par qui ? Par Dieu ou par Bergman ? Ici ce sera la même chose. L'artiste est son propre Créateur.
Un beau film donc, un chef d'oeuvre de cinéma symboliste et métaphysique, magnifié par une très belle photo. Mais il y a aussi quelques scènes un peu bancales qui tombent un peu trop dans la pantalonnade, sans doute pour ne pas plomber tout le film et amener un peu de drôlerie, j'ai trouvé ça dommage, bêta. Un bel objet cinématographique, donc noté au-dessus de la moyenne.
Sinon, par rapport à la séance spéciale, Von Sydow joue bien, il avait une belle voix, une belle prestance, on se souviendra surtout de lui plus âgé, mais ce rôle lui va très bien, peut-être d'autres rôles dans des Bergman plus réalistes lui allaient davantage, je vérifierai ça quand je m'y mettrai.
Et les actrices sont belles. Ca donnerait presque envie d'aimer...
4/6
(merci à Euh pour la belle version
, j'en avais une vieille qui m'aurait bien gâché le visionnage, il faut juste remplacer les sous-titres parce que ceux-là étaient particulièrement ratés - si vous ne l'avez pas encore vu choppez les bons dans le lien que j'avais donné plus haut, ceux de janvier 2019)
Jolan, le gars qui n'a le droit de ne rien dire, sinon ses posts sont supprimés illico par Nexus.