de jolan » 24/07/2023 17:11
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The Man Who Shot Liberty Valance – John FORD – 1962
Un film qui gagne en qualité à chaque nouvelle vision, ce qui est assez rare pour un Ford, dont je n'aime pas trop les westerns, et surtout un réalisateur que je trouve éhontément surestimé. Mais celui-ci est très bien écrit et très bien réalisé. Une sorte de testament (aspect accentué par la narration en flash-back), noir et mélancolique, à regarder à différents niveaux. C'est d'ailleurs bien plus qu'un simple western, dont il utilise certains codes, mais en s'en affranchissant.
Tout est réussi dans ce film, on atteindrait presque la quintessence du genre. La réalisation (toute en plans fixes et mouvements légers, tout le film se déroule dans une grande quiétude, épousant le caractère calme de Stewart), la lumière (dans le bureau du journal de Peabody (Edmond O'Brien, le meilleur acteur du film) lorsqu'il allume sa lampe, la scène où Wayne allume son cigare), le très beau N&B, le scénario, la multiplicité des récits qui se combinent, la narration à rebours (avec la belle introduction qui alimente la curiosité, jusqu'à la vieille diligence poussiéreuse), les intentions, la confrontation entre la violence et la justice, les hommes violents et les hommes justes, et à un moindre niveau entre Wayne et Stewart, pourtant amis, mais qui aiment la même femme, l'interprétation.
Il y a aussi le rôle de la presse, du journalisme, la lutte juridique, les élections pour devenir un Etat de l'Union, l'enseignement, la Constitution, le symbole de la fleur de cactus, l'histoire qui l'entoure, l'amour discret entre Hallie et Tom.
James Stewart retrouve ici (comme dans "Les Cinq Hors-la-loi" et contrairement aux rôles de solitaires désabusés de ses westerns avec Anthony Mann) un personnage plus proche de ce qu'il incarnait chez Capra dans les années 40 : le sentimental au grand cœur mais encore bien enfantin et naïf, le politicien idéaliste épris de justice, en un mot, l'humaniste rêveur. Alors oui il essaie d'apprendre à tirer au pistolet, mais ce ne sont pas ses armes et il renonce à s'en servir. Tuer son prochain n'est pas dans son caractère, et il se fait violence à lui-même lorsque se présente le duel. Au final, c'est bien la Loi qui triomphe de la violence.
John Wayne incarne quant à lui, et comme à son habitude, le cow-boy mythique et monolithique, le grand bourru au cœur tendre, chaleureux et sentimental, rompu à la dure réalité du farwest, et c'est sa meilleure prestation, parce que le rôle est très bien écrit, secondaire mais essentiel, déterminant, ambivalent. Et plus que l'homme qui a tué Liberty Valance, c'est l'homme qui a sauvé Ransom Stoddard (qu'il appelle "pèlerin" - mais pour cela faut-il encore avoir vu la version originale - parce qu'il voyage, et aussi parce qu'il essaie de prêcher la "bonne parole" de la Loi) qu'ils viennent honorer. C'est aussi celui qui a sacrifié son amour pour Hallie afin qu'elle vive avec un avocat et futur politicien prestigieux, à qui ils viennent dire adieu.
Lee Marvin, Lee Van Cleef et la belle Vera Miles complètent ce beau casting. Il y a juste l'aspect semi-comique avec le shérif trouillard qui m'a un peu gêné. Et ce dernier plan tremblotant sur le train qui s'en va, qu'est-ce qu'il fout là alors que tout le reste est hyper maîtrisé ? (autre plan foireux quand Wayne désarme Lee Van Cleef dans le saloon, montage tout naze)
Mais c'est pour moi le dernier des grands westerns classiques de l'âge d'or. C'est en tout cas ici que je vois la rupture avec les futurs westerns, qui s'orienteront plus vers la comédie burlesque, ou le renouveau spaghetti, qui n'a évidemment rien à voir puisqu'il sera le fossoyeur du genre.
14/20
"Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende"
Je n'avais jamais fait attention à la citation "Go West Young Man" de Horace Greeley avant d'avoir lu la BD de Tiburce.
Jolan, le gars qui n'a le droit de ne rien dire, sinon ses posts sont supprimés illico par Nexus.