Terre brulée (No Blade of Grass) C.Wilde 1970
Les premières minutes sont absolument fascinantes par la vision prémonitoire et très lucide d'un futur proche conduisant par la faute du développement humain à l'épuisement de la terre et la fin d'un environnement accueillant: pollution, sécheresse, surpopulation, famine, réchauffement, émeute, pandémie, confinement des villes. Tout cela rappelle furieusement la direction actuelle de nos sociétés sur la planète. Ce qui est de l'anticipation en 1970 devient de l'actualité en 2022.
Voilà pour le début et cette séquence m'a incité à poursuivre sans plus attendre.
Le décor étant planté, le récit va se focaliser pendant les premières minutes sur le décalage entre le monde occidental (l'action se situe à Londres) encore baigné dans son opulence et les nouvelles du reste du monde où la famine fait rage.
Le procédé est simpliste mais efficace, le buffet opulent que se partage les convives dans un restaurant apparaît totalement obscène face aux images des journaux télévisés qui montre le monde qui se meurt un peu partout ailleurs.
Cependant, cette fausse sécurité apparente va s'écrouler très vite alors que John Custance, un architecte sentant que la situation se dégrade très vite, décide de quitter la ville et se réfugier dans une ferme isolée familiale au nord du pays. Ils quittent Londres avec sa famille alors que des émeutes commencent à se produire dans la ville.
Comme prévu, la situation vire à la catastrophe très rapidement et provoque ce décalage que nous avons vécu et
que nous vivons encore entre nos habitudes sociales ou familiales bien ancrées et les situations de crise où tout est remis en question en très peu de temps. Cette situation inédite avec les massacres en Chine et le chaos à Londres et ailleurs font vraiment penser à Ravage de Barjavel.
Le réalisateur veut dénoncer à la fois cette catastrophe "naturelle" (les plantes qui meurent) et ce chaos dans la société avec une évolution très rapide des sentiments et des rapports entre les personnages confrontés à l'inédit et l'impensable.
Le voyage du petit groupe qui constitue la plus grande partie du film après la fuite de Londres devient une épreuve dangereuse, et d'une société policée et ordonnée, on se retrouve en quelques jours à peine dans un far-west sauvage, où presque tous les personnages retrouvent des instincts primaires, primitifs pour la survie.
Même si le fil de l'histoire est un peu brouillon avec des flash-forward pas toujours très utiles, limite agaçants, tombant un
peu comme un cheveu sur la soupe,, on à une montée dans l'intensité du drame et un délitement jusqu'à la disparition totale du vernis social. La fuite ou le sauve-qui-peut général de la famille et des enfants les fait remonter petit à petit vers leur objectif avec de plus en plus de violence et de combats.
Ils sont rejoints au fil du temps, d'abord par un couple (dans l'armurerie) et plus tard par d'autres compagnons de rencontre. Les relations humaines tournent systématiquement à la confrontation et à l'élimination des adversaires.
Une vision très pessimiste de notre société et des hommes entre eux.
Les instincts primaires, primitifs, reprennent le dessus très rapidement à partir du moment où plus aucune barrière morale, légale ou contrainte n'est présente. Le couple Pirrie en est la parfaite illustration, lui par sa propension à tirer et tuer rapidement, elle dans sa sensualité exacerbée.
Ceci étant dit, la réalisation est celle d'une série B, l'épisode des motards est assez bizarre, attaque totalement foutraque
sans organisation où les méchants motards avides de tuerie sont descendues comme à la parade par exemple.
Au niveau des images, c'est très moyen, très inégal, focale parfois floue, traitement des couleurs et des rythmes pas très homogène, effets psychédéliques très datés,tout cela donne un résultat pas travaillé, avec des mélanges d'images d'actualités ou d'archives et de scènes de nanard sans moyen financier (toute la partie en extérieur campagne avec zéro budget), là ça me fait penser aux scènes de fuite des hommes dans Calmos de Bertrand Blier
On comprend le sujet traité mais les ficelles sont parfois énormes, jusqu'à la fin (la guerre fratricide entre John Custance et son frère), les images de famine face à des ventripotents se goinfrant, le renouveau avec la naissance d'un bébé, et des personnages sans nuances. On se croirait dans un téléfilm avec de mauvais comédiens.
Bref une bonne idée mais un résultat décevant.
Ma note sera donc en conséquence 1,5/6