nexus4 a écrit:Je reviens sur le coup de sang de Tiburce Oger.
Je vais partir de mes fondamentaux.
Moebius disait "Il y a une tradition européenne de la lumière". En cela il mettait la BD en filiation directe non seulement des illustrateurs comme Doré mais des peintres comme Goya, Rembrandt, La Tour... Il y a l'idée d'un savoir-faire, artisanal, d'un certain labeur, qui relève presque du compagnonnage, d'une confrontation à sa planche, d'une recherche d'excellence qui s'affine au fil des ans. C'est une tradition essentiellement réaliste, sur une base académique assumée, revendiquée. Ce qui n'empêche pas le style.
Si vous avez l'occasion de regarder le documentaire sur la Philippe Francq sur la réalisation d'un Largo Winch, vous verrez qu'il y met autant de soin qu'un Chris Ware. Sur les décors, les cadrages, comment arrêter un regard, ralentir la lecture par un lampadaire, un pilier de pont, ou au contraire la fluidifier par une ligne de fuite commune, où placer les bulles, tout est pensé, jusqu'à l'espacement des cases au millimètre les unes par rapport aux autres. Francq est beaucoup plus proche de Ware que ne l'est Bagieux, Encore faut-il le lire.
Alors quand on dit à Tiburce d'un ton un peu docte "Ecoute bonhomme, je n'ai jamais lu tes albums mais le sommet de la BD c'est ça", et qu'on lui sort Joséphine, je comprends la violence de l'agression, qu'il y voit au delà du mépris, une négation de l'ensemble de son oeuvre et de celles des autres artistes de cette mouvance. Je comprends l'écœurement d'un Terpant quand Bagieux devient Chevalier des arts et des lettres. Après personne ne vous oblige à aimer leur travail mais aller sur le terrain des boomers et de la naphtaline ne fait rajouter le dédain au mépris.
Et je comprends que ca leur prenne aux trippes.
Merci pour ce post salutaire.
J'en profite pour remarquer qu'on se focalise beaucoup sur le dessin, rarement sur le scénario. Ce qui, au risque de me répéter, est injuste. Et Angoulême, je trouve, perpétue ce dédain pour leur travail. Et pourtant…
Comme vous ici je lis beaucoup. Dans mes lectures je croise beaucoup de dessinateurs talentueux, dans des styles très différents. Mais combien d'histoire bien racontées? Combien de scénarios intéressants? de découpages soignés? Beaucoup, beaucoup moins…
J'ai déjà mentionné Van Hamme, jamais récompensé, malgré son statut de star incontestée et son apport au FB. Mais combien d'autres? Tenez, Appollo est intervenu une ou deux pages plus tôt. Voilà un auteur qui ne dessine pas, et qui pourtant, en collaboration avec des dessinateurs très variés, publie des choses très intéressantes, très bien écrites, sur des sujets très différents. Est-il condamné à rester dans l'ombre?
Ceux qui font la BD, ce ne sont pas que les dessinateurs. On peu faire une bonne BD mal dessinée (ne serait-ce parce que les goûts en l'a matière sont particulièrement subjectifs), mais si l'histoire est mauvaise (ou sans intérêt) le dessin ne la sauvera pas.
Vivent les scénaristes!
(enfin les bons…)